Chkara, smartphone, billet coupé en deux, fausses procurations, serment sur le Coran, Fraude électorale : nouveau mode d’emploi

Chkara, smartphone, billet coupé en deux, fausses procurations, serment sur le Coran,  Fraude électorale : nouveau mode d’emploi

Fausses procurations, fraude au moyen de smartphones, usage de l’enveloppe vierge, serment la main sur le Coran, billet de 2 000 DA coupé en deux et d’autres subterfuges immoraux sont utilisés depuis quelques années dans différentes élections. Les prochaines sénatoriales ne vont pas échapper à la règle, malgré les mises en garde de certains partis politiques.

Le mode opératoire adopté dans les précédents suffrages sera probablement reconduit dans les élections sénatoriales. Comme à l’examen du bac, les téléphones portables et les smartphones seront utilisés pour justifier l’engagement des votants en faveur de candidats.



Selon de nombreuses personnes interrogées, une photo du bulletin de vote prise dans l’urne est susceptible de constituer une preuve du contrat établi entre le candidat et l’électeur.

“La vraie fausse procuration”, basée sur une fausse justification, constitue un autre moyen pour l’électeur afin de prouver le respect de son engagement envers “son candidat”.

Malgré les exigences de l’administration demandant aux électeurs de justifier leur absence (maladie, parent malade, voyage…), certains électeurs ne trouvent aucune difficulté à contourner cette condition. Mais la pratique la plus insolente et la plus choquante est celle qui consiste à prêter serment, la main sur le Coran : les électeurs s’y plient pour jurer qu’ils respecteront leurs engagements, moyennant de “bons cadeaux” ou des sommes faramineuses.

Bien que la corruption soit vivement condamnée par le Saint Coran, cette méthode est très usitée à l’occasion des élections, selon des élus que nous avons interrogés. La dernière trouvaille consiste à introduire une enveloppe blanche dans l’urne, mais en sortant du bureau de vote, l’électeur remet le bulletin coché pour le candidat de son choix à un autre électeur acquis au même candidat. Celui-ci fait de même en respectant la même procédure, nous affirme un élu qui souligne que cette pratique exige “beaucoup d’efforts et une bonne organisation”.

Quant au billet de 2 000 DA, nos interlocuteurs admettent que ce mode opératoire insolite est surtout adopté dans les élections législatives et communales. Le candidat coupe en deux un billet de 2 000 DA, en remet une moitié à l’électeur.

Il ne lui donnera l’autre moitié que lorsque que son “électeur” lui remettra les bulletins des autres candidats, en guise de preuve qu’il ne les a pas glissés dans l’urne. Les zerdas, les repas et les promesses de logement ou projets d’investissement font partie également de ce “manuel du parfait fraudeur”. “Depuis que des entrepreneurs, des hommes d’affaires et des commerçants ont fait leur entrée en politique, l’usage de la chkara a pris des proportions alarmantes”, nous affirme un cadre d’un parti politique.

Mais certains responsables politiques locaux se sont adaptés à cette pratique, puisque ce sont eux-mêmes qui font appel à cette frange de candidats pour pouvoir financer leurs campagnes, ajoute notre interlocuteur. Ainsi, l’achat des voix n’est un secret pour personne et cette pratique est devenue monnaie courante au sein de la classe politique, mais rien n’est fait pour l’enrayer.

Les partis politiques, pour la plupart, ne travaillent pas assez au niveau de la base et n’assurent aucune formation pendant que les critères de sélection de candidats n’obéissent à aucune règle. Certains responsables préfèrent des entrepreneurs peu ou pas du tout instruits à des licenciés. “S’il faut combattre la chkara dans la vie politique, il faut le faire à ce niveau, car on dit bien que celui qui sème le vent récolte la tempête”, affirme un élu d’Alger. “Évidemment, tout le monde n’est pas pourri, il y a encore des élus et des électeurs qui refusent ces pratiques, mais la situation ne cesse de se dégrader au point où certains responsables conseillent à des candidats d’éviter de prendre part aux élections sénatoriales s’ils n’ont pas assez d’argent, c’est insultant !”, nous affirme un responsable de parti.

L’on se souvient de ce sénateur de la région oranaise qui n’a pas hésité à annoncer publiquement, il y a quelques années, qu’il sera sénateur grâce à la bénédiction de la chkara.

M. T.