Chihab seddik ,porte-parole du rnd , À L’EXPRESSION : « Les résidents ne devaient pas investir la rue »

Chihab seddik ,porte-parole du rnd , À L’EXPRESSION : « Les résidents ne devaient pas investir la rue »

Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le porte-parole du RND, Chihab Seddik, revient sur les questions de l’heure. Du PPP à la grève des résidents, il apporte la vision de son parti.

L’Expression: Les rapports entre le RND et le FLN semblent évoluer en dents de scie ces derniers jours, au gré des petites phrases d’un côté comme de l’autre. Les relations sont-elles réellement à ce point dégradées?

Chihab Seddik: Je ne vais pas tourner autour du pot. J’ai bien saisi votre question. Vous faites allusion à quelques sorties médiatiques qui égratignent quelque peu notre secrétaire général. Mais avant de répondre à votre question, sachez qu’avec le FLN, nous avons quelques dénominateurs communs. Sur le plan identitaire d’abord, nous nous revendiquons du novembrisme. Donc de la lettre de Novembre qui a été à la base d’un nationalisme lequel a construit les fondements de l’Algérie indépendante et toutes nos valeurs ainsi que le legs de nos martyrs. Cette précision est importante, en ce sens qu’elle explique la substance même de l’alliance que nous avons avec le FLN. Cela pour l’histoire. Pour ce qui concerne le présent, tout le monde le sait, le FLN et le RND siègent dans le même gouvernement depuis l’arrivée du président de la République à la tête de l’Etat. Le soutien que les deux partis apportent au programme du président émane d’une conviction commune quant à sa pertinence. C’est notre position et celle du FLN. De fait, nous sommes des alliés, je dirais objectifs, à tout point de vue.

Cette précision faite, j’en arrive à l’actualité politique de ces derniers jours. Eh bien, une certaine rivalité existe entre les deux partis. N’attendez pas de moi une réaction épidermique. Et pour cause, je considère que cette rivalité est tout à fait naturelle. Il est certes vrai que nous nous revendiquons de la même mouvance et soutenons le même programme présidentiel, mais tout observateur politique a certainement constaté que chaque parti a sa propre identité politique. D’ailleurs, à la création de l’alliance présidentielle, l’indépendance partisane a été clairement soulignée par tous ses membres. C’est le propre d’une alliance.

Maintenant, les deux formations politiques évoluent dans leurs environnements et il arrive qu’elles se croisent à l’occasion d’échéances électorales ou autre. Moi, j’appelle cela, une rivalité de leadership. Le FLN a actuellement une majorité relative. A ce titre, il pense être détenteur du pouvoir. Il croit agir en conséquence. Or, le seul et vrai détenteur du pouvoir est le président de la République qui a été élu au suffrage universel. En réalité, le FLN comme le RND n’ont pas à prétendre quoi que ce soit. Certains responsables du FLN pensent peut être autrement et c’est ce qui explique ces sorties. Mais je rassure tout le monde, les différends ne vont pas au-delà.

Maintenant, allons au fond de votre question qui traite des supposées attaques dont est victime notre secrétaire général, Ahmed Ouyahia, de partis amis. Moi, je joins aussi les piques de l’opposition. Eh bien, il a l’habitude de recevoir ce genre d’attaques et à ce titre, il sait parfaitement les enjeux de l’heure et l’intérêt que pensent avoir certains à son affaiblissement. Cela étant dit, il n’accorde aucune importance à ces agissement, mais se concentre sur les objectifs qui lui ont été assignés par le président de la République.

A ce propos justement, le Premier ministre n’a-t-il pas été bousculé par l’intrusion du FLN dans la gestion de l’action gouvernementale portant sur le partenariat public-privé? C’est bien la première fois que le parti majoritaire invite les partenaires du gouvernement. N’est-ce pas là un signe? Le RND a-t-il un plan pour répliquer?

Pour ce qui nous concerne, nous ne découvrons pas le partenariat public-privé. Je vous renvoie aux résolutions de nos congrès. Vous constaterez que nous n’avons pas attendu une initiative du gouvernement pour appeler à ce genre de partenariat. Notre conviction est faite, puisque nous avons inclus le PPP dans nos programmes de campagnes électorales. Nous sommes un parti centriste et plutôt même de la droite sociale. A ce titre, nous refusons de faire la différence entre le public et le privé. Il y a un seul secteur économique national que nous défendons, indépendamment de son statut juridique.

Maintenant, il est clair que la question du PPP fait resurgir quelques relents idéologiques. Mais les arguments de ceux qui agitent le risque d’une mainmise du capitalisme, sont battus en brèche par la nature même de l’Etat algérien et à laquelle nous souscrivons totalement. Regardez tout l’effort social consenti par les pouvoirs publics. Et ce souci permanent de préservation des acquis des Algériens ne relève pas d’une coquetterie conjoncturelle ou d’une démarche populiste. Il est inscrit dans les textes fondateurs de la nation algérienne. De fait, les accusations de bradage du secteur public n’ont aucun sens et les Algériens le savent. Je retiendrais également l’engagement solennel du chef de l’Etat quant à la préservation des emplois.

Cela dit, je ne m’attends pas à ce que le processus se déroule de manière linéaire comme sur un fleuve tranquille. Il est clair que le PPP est nouveau et participe d’une démarche qui apporte du changement dans la perception que l’on a de la gouvernance de nos entreprises. Tout changement appelle forcément des résistances qui pourraient résulter d’une incompréhension, d’une crainte ou d’une manipulation politique. Sur le registre de l’appréhension ou de la crainte, je pense que les garanties du président de la République sont assez clairs. Ils font des acquis sociaux une ligne rouge.

Vous évoquiez la manipulation politique. A ce propos justement, l’opposition, notamment islamiste, a pris le train de la contestation de toute action du gouvernement. Vous avez déjà fait alliance avec les islamistes, vous en ferez-vous encore?

Nous avons déjà conclu une alliance avec un parti islamiste. Cela ne nous a pas posé problème. D’abord, parce que je considère que le débat ne doit pas déraper sur des considérations qui ne ramènent pas grand- chose au pays. Ensuite parce que nous considérons au RND que l’islam est une dimension essentielle de notre identité nationale. C’est même un ciment extraordinairement fort de cette identité. Il n’est pas question de résumer cette dimension à ces dernières années. Nous sommes musulmans depuis plus de 14 siècles et nous avons vécu notre religion dans la paix et la sérénité, tout ce temps. N’allez pas restreindre notre appartenance à l’islam à quelques individus en une période si courte.

Je vais vous dire, je considère que l’Algérie a bien été malékite, sunnite et unie. Elle le restera. C’est l’héritage de nos ancêtres. Maintenant, tous les courants qui ont traversé la société qu’ils soient d’ordre religieux ou idéologique ont tous échoué devant la volonté des Algériens de rester unis.

Pour notre part, vous n’êtes pas sans le savoir que le RND est né dans la tourmente, pour faire barrage à l’obscurantisme. Beaucoup d’Algériens, qui ont refusé d’abdiquer face à l’extrémisme religieux, ont rejoint les rangs du RND. C’est vous dire que nous n’avons pas besoin d’être alertés sur le danger de l’islamisme radical. Nous l’avons combattu. Pour autant, il n’est pas question d’ignorer que l’islam est un aspect très important de notre identité sociopolitique et culturelle.

Restons dans l’identité. Quelle appréciation faites-vous de la consécration de Yennayer comme fête nationale?

Vous imaginez bien qu’au RND, nous avons salué la décision du président de la République. Tout comme l’islam que j’évoquais tout à l’heure, tamazight est une composante centrale de l’identité algérienne. Par cette consécration de Yennayer comme fête nationale, le chef de l’Etat a marqué son attachement à la triple dimension de l’identité nationale, que sont l’islamité, l’arabité et l’amazighité. Je rappellerai, à ce propos, qu’avant d’en arriver là, le président de la République a pris plusieurs décisions concernant tamazight. De sa constitutionnalisation en tant que langue nationale, jusqu’à la consécration de Yennayer, il y a eu la nouvelle Constitution de 2016 qui a élevé tamazight au rang de langue nationale et officielle. Plus que cela, cette officialisation a été accompagnée par une série de mesures tendant à la promotion de tamazight, à l’image de l’institution d’une académie dédiée. Tout cela place les décisions présidentielles au niveau des aspirations des Algériens.

2018 est une année importante, parce qu’elle précède une année présidentielle. Les risques sociaux sont bien là. Elle a tout d’une période socialement assez chaude. Avez-vous des appréhensions par rapport à l’avenir immédiat?

Les appréhensions existent. Elles existeront tout le temps. Nous appréhendons toujours les événements, surtout lorsque nous vivons une situation difficile. Je prends l’exemple du mouvement des résidents en médecine. Leur revendication qui consiste à supprimer le service civil n’est pas raisonnable. Les Algériens ne partagent pas ce genre de position. La raison est simple en réalité. Le devoir de l’Etat algérien est d’assurer la même qualité de soins à tous les Algériens où qu’ils habitent. Cela nous renvoie aux acquis sociaux que je citais tout à l’heure. La médecine gratuite pour tous les Algériens est un principe partagé par tous. Je ne vais pas tourner autour du pot, là aussi, pour dire que le service civil est un acte naturel de patriotisme. Et n’oublions pas que ce résident a fait tout son cursus gratuitement, c’est-à-dire sur l’argent des contribuables. C’est la société toute entière qui lui a payé ses études. Mais si, au retour, il refuse de réserver aux Algériens quelques années de sa vie, je pense que ce ne serait pas juste. Cela étant la revendication des résidents, peut être discutée, ajustée, mais sur le principe, il faut tenir d’abord compte de l’intérêt de toute la collectivité nationale.

Je tiens à préciser que ce que j’exprime là est la position du RND. Et j’ajoute qu’autant l’action syndicale est légale et légitime, autant il est inadmissible d’investir la rue au motif de se faire entendre. En tentant une action sur la voie publique les résidents ont sorti leur revendication de son cadre syndical. Dans ce cas de figure, l’on entre dans une autre logique.

Soyons clairs et surtout pas démagogiques. Oui pour la prise en charge des problèmes socioprofessionnels de toutes les catégories de travailleurs, sans distinction, mais pour des revendications justifiées et légitimes. Non pour la surenchère et les revendications qui ont des arrière-pensées politiques.

En parlant d’arrière-pensées politiques, quel commentaire faites-vous du discours qui évoque une sorte de tentative permanente interne et externe de déstabilisation de l’Algérie?

On ne peut pas aujourd’hui ignorer, quelle que soit notre position, vision et engagement politique, que le jeu de la manipulation et la conspiration est présent en permanence. Beaucoup de pays comparables au notre dans le monde arabo-musulman ou dans ce qu’on appelait le bloc de l’Est ont été déstabilisés. A commencer par les révolutions colorées en Europe de l’Est, jusqu’à ce qui se passe actuellement dans le golfe Persique, en passant par le printemps arabe, ce sont des choses qui existent bel et bien. Ne jouons donc pas à l’autruche. Dites-vous bien qu’avant tout ce que je viens de sérier, il y a eu l’Algérie qui a été victime de complot. La décennie noire ne relevait pas du hasard. C’était un plan bien ficelé. Les Algériens ont payé très chèrement la construction de leur démocratie.

Aujourd’hui, grâce à la concorde civile et la Réconciliation nationale, l’Algérie est revenue à une situation normale et renoue avec la paix, la stabilité et le développement. Ceci n’a pas découragé nos ennemis et ils sont malheureusement nombreux. Présentement, nous payons cher notre attachement à la souveraineté nationale. Cela, sans parler de l’environnement régional très instable et susceptible de constituer un motif de déstabilisation du pays. Il faut être très vigilant. Il n’est pas question de baisser la garde sous quelque motif que ce soit.

A la lumière de cette menace que vous qualifiez de permanente, quelles pourraient-être les perspectives futures de l’Algérie au plan politique, à l’interne et dans la région?

A l’interne, il faut approfondir le processus démocratique qui est en bonne voie. Le fait que les Algériens aillent tous les cinq ans aux urnes pour renouveler leur direction politique est une bonne chose. Il faut faire en sorte à ce que le pluralisme soit définitivement irréversible. Il faut engager des réformes économiques profondes et sérieuses pour aboutir à une économie nationale performante. Il faut enfin veiller à ce que l’Algérie reste unie dans son peuple et son territoire. C’est à ces condition que nous pourrons continuer à jouer un rôle déterminant dans la géopolitique. Tout ce que je viens de dire ne relève pas de l’utopie. C’est en train de se faire. Donc je dirai pour répondre à votre question que selon moi, les perspectives politiques sont bonnes pour l’Algérie.

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