Cherté de la vie, chômage, crise du logement La mal-vie gagne les Algériens

Cherté de la vie, chômage, crise du logement La mal-vie gagne les Algériens

Entre les augmentations appliquées aux viandes, oeufs, pâtes, fromages et autres services, comme le cas des tarifs de transport, les Algériens ont de quoi serrer la ceinture et revoir leur budget mensuel.

Comme tous les citoyens du monde, les Algériens souhaitent des lendemains meilleurs, une vie plus confortable. Pouvoir circuler dans des quartiers tranquilles, propres, vivables, prendre son sac à dos et se diriger vers le désert, le Nord, l’Est, ou l’Ouest pour décompresser ou découvrir son pays, sans avoir en tête le souci de la crise du logement, le chômage et le calvaire d’une flambée incessante… constituent l’essentiel d’un cadre de vie tranquille.

Mais au-delà de certaines difficultés qui font la nature de l’existence, les Algériens ont leurs propres problèmes ! Et pour cause, les jeunes, adultes ou vieux qui n’envisagent pas de rater l’occasion de prendre la fuite à l’étranger sont de plus en nombreux.

Et que les «optimistes » gardent leurs charmantes philosophies pour eux, car l’amère réalité du quotidien des Algériens est tellement flagrante qu’une description camouflée au nom du patriotisme ne peut cacher !

Aujourd’hui, l’on se demande effectivement si un vrai Algérien peut se montrer heureux et satisfait de l’état des choses. Pour ne pas trop se noyer dans des descriptions alarmistes, pessimistes pour certains, il sera très utile de tracer le chemin pour ceux qui «ignorent» le mal-être de la quasi-totalité des Algériens. Prendre un bus pour commencer.

La conjoncture, ces jours-ci, est propice pour entendre les usagers des transports en commun exprimer leur colère et mécontentement suite aux récentes augmentations du ticket et autres problèmes. En fait, la tâche est très difficile pour les receveurs en ce début d’année. Pour preuve, ils reçoivent une pluie de reproches et de plaintes à chaque fois qu’ils annoncent la hausse du prix de transport.

«Ce n’est pas possible ! La hausse est généralisée ces derniers temps. C’est insoutenable. Du jour au lendemain, on nous invente une nouvelle taxe. Est-ce la seule capacité d’invention que possèdent nos gouvernants ?», s’interroge, irrité, un usager, la trentaine, dans un bus venant de Bab Ezzouar à destination d’Alger-Centre.

Et à son ami d’ajouter : «Il n’y a que la valeur des êtres humains qui est revue à la baisse dans ce bled, les portes de la cherté sont grandes ouvertes pour le reste», fulmine-t-il non sans mentionner que du haut de ses 27 ans ce sont encore ses parents qui lui donnent son argent de poche, faute d’emploi.

S’adressant bizarrement au receveur, d’autres voix fâchées ont laissé libre cours à leur mécontentement. «J’ai 68 ans, j’ai voyagé un peu partout dans le monde et je n’ai jamais vu un secteur de transport géré à 100% par le privé !», s’exclame un sexagénaire.

Dans un drôle d’essai d’interprétation de la hausse des prix du transport, un jeune, à moitié réveillé, lance du fond de bus : «Vous vous demandez pourquoi cette hausse ? C’est pour financer la guerre au Mali», ironise-t-il. Souriant malgré les attaques, le receveur conclut : « Ce n’est pas faute. Moi je n’encaisse rien de ces augmentations à la fin du mois…» Terminus !

En prenant la passerelle qui relie la station de bus du 1er Mai à la rue Hassiba Ben Bouali, l’on s’aperçoit que la lutte contre l’informel a encore du pain sur la planche. Approchés, deux trabendistes de foulards et de maquillage nous expliquent que ce n’est pas avec gaieté qu’ils activent dans l’informel. «Nous jouons au chat et à la souris avec la police. Vous savez, il n’y a pas pire que le sentiment d’instabilité.

Beaucoup de gens pensent que les trabendistes font fortune puisqu’ils ne paient pas les impôts. Mais ce n’est le cas que d’une minorité. On vit dans l’incertitude. J’ai une famille sous ma responsabilité et bosser dans des conditions pareilles est vraiment un calvaire», raconte ce père de famille tout en déplorant la douloureuse réalité de l’économie nationale non créatrice de richesses et d’emplois…

Au marché Clauzel, c’est aussi une nouvelle flambée qui s’affiche sur les étals, profitant de la fête du Mawlid ennabaoui. Approchée, une dame nous exprime son étonnement de voir de nouvelles hausses chaque semaine. La hausse est généralisée, elle concerne les fruits, les légumes, les viandes et autres aliments comme les pâtes, les fromages, les oeufs, les biscuits… «Je suis une femme au foyer, j’ai trois enfants. Mon mari touche 28 000 DA et on ne sait plus quoi faire.

Est-ce qu’on paie le loyer, les factures d’électricité et du gaz, les cours supplémentaires des enfants, le transport ou se nourrir convenablement… ?», s’interroge cette femme avant de conclure que les petites et moyennes bourses doivent, dans ces conditions, se contenter du strict minimum pour survivre, car vivre est un terme qui ne trouve pas encore son sens vu le poids des préoccupations socio-économiques de la majorité des Algériens.

Dans une tentative ratée de ne plus regarder ce qui ne va pas de ces va-et-vient de bon nombre d’Algériens, une petite conversation d’un trabendiste de lunettes et montres installé en face de la placette Audin attire notre attention. «Maintenant que les Espagnols cherchent à fuir leur pays, je me demande où on peut déguerpir.

Nous avons plus de concurrents et moins de chance de trouver une place ailleurs», a regretté ce jeune qui s’adressait à son ami . La balade devait s’arrêter à Audin. Place à la rédaction des histoires de ce bout de chemin plein de petites et grandes misères…

Y.A