Charlie hebdo victime de son audace,Une caricature et un incendie inacceptables

Charlie hebdo victime de son audace,Une caricature et un incendie inacceptables

Le siège du journal satirique Charlie Hebdo après l’incendie

Le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, n’aura pas trop de mal à diriger son enquête pour trouver les auteurs de l’incendie du siège Charlie Hebdo à Paris.

Hier, dès la mi-journée, la piste de musulmans intégristes a été évoquée pour expliquer les raisons qui ont conduit à l’incendie du siège du journal satirique Charlie Hebdo qui publie le même jour en une la caricature du Prophète Mohammed (Qsssl).

«Bien sûr, tout sera fait pour retrouver les auteurs de cet attentat, parce qu’il faut bien appeler ça un attentat», a déclaré à la presse le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant qui s’est rendu sur les lieux du sinistre. Interrogé pour savoir si la piste des musulmans intégristes était explorée, Claude Guéant a répondu que «toutes les pistes sont examinées et il est vrai qu’un certain nombre de messages de menaces qui ont été reçus par Charlie Hebdo amène à ne pas négliger cette piste». Il a tout de même nuancé ses propos en précisant qu’il ne veut pas préjuger des responsabilités de cet attentat.

Le siège de la rédaction de l’hebdomadaire a été détruit dans la nuit de mardi à mercredi par un incendie, provoquant l’Indignation générale. Son site internet a aussi été victime de piratage informatique. Le journal vend environ 60.000 exemplaires chaque semaine. Il avait décidé de faire du Prophète le rédacteur en chef de son numéro d’hier afin, disent ses responsables, de fêter la victoire du parti Ennahda en Tunisie et l’annonce que la charia serait la principale source de législation de la Libye. En une, un dessin du Prophète avec ces mots: «100 coups de fouet si vous n’êtes pas morts de rire!» Ce nouvel épisode de la guerre des religions intervient quelques semaines après la diffusion en Tunisie du film Persepolis qui a incarné l’image de Dieu dans un dessin animé, ce qui a provoqué une vague d’indignation dans ce pays. Il n’y a donc pas qu’en Occident que les symboles religieux sont représentés dans des oeuvres de création et beaucoup considèrent que cela fait partie du droit d’expression. D’autres trouvent par contre que c’est de la pure provocation dans le sillage des caricatures du Prophète de l’Islam publié dans un journal danois. Le ministre français a choisi son camp. «Si certains croient pouvoir imposer une façon de voir à la République française (…) ils se trompent, ils seront combattus, les Français n’accepteront pas cet impérialisme», prévient-il. Il y a alors deux comportements qui sont condamnés par les uns et les autres. La condamnation de la publication et de la diffusion d’oeuvres jugées blasphématoires est rattrapée par celles d’actes de violence. Il n’est pas inutile de rappeler que le recours à la justice est toujours possible si des membres d’une communautés se sentent offensés.

D’ailleurs, ce n’est pas seulement la religion qui met le feu aux poudres puisque les publications et les diffusions sont situées dans un contexte politique très tendu dans les pays du Moyen-Orient. Tunisiens, Libyens et Egyptiens, dont les dirigeants ont été renversés à quelques mois d’intervalle, ont droit à une démocratie qui ne soit pas destinée à les bâillonner.

Mais, en Orient, les habitants n’aiment pas la publicité autour de l’humour qui prend la religion pour cible, même si dans les milieux populaires, ce genre de digressions n’est pas rare. Même des humoristes algériens prennent pour source d’inspiration des pratiques religieuses comme la prière et le pèlerinage ou encore les rites funéraires mais sans jamais tomber dans le blasphème.

En somme, on est loin de la police de la Vertu comme cela se pratique en Iran et au Soudan et une marge de liberté existe toujours dans ce domaine. Il n’y a pas qu’en Orient que les questions religieuses sont instrumentalisées à des fins électoralistes. La question de savoir à qui profite le crime ne tardera à faire son apparition dans le débat politique en France. L’extrême-droite sera heureuse d’exploiter l’incendie pour chauffer à blanc ses électeurs. Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman, a condamné «cette manière d’agir» en référence à l’incendie, mais il continue de penser que «pour les musulmans caricaturer le Prophète reste inacceptable».