14 novembre, Cairo Stadium, tous les joueurs de l’équipe nationale sont abattus. Enfin presque tous.
Le longiligne garçon de Bordj Menaïel affiche un sourire grand comme ça. Nous lui posons la question : «Pourquoi tu souris alors que tous tes copains sont complètement démontés ?» Sa réplique fut brève et explicite en même temps. «Je souris parce que je suis tout simplement content. Je vais vivre le plus grand match de ma carrière et vous, vous voulez que je sois triste.» Sa réponse nous surprendra sur le coup, mais après la bataille d’Oumdorman, nous avons tout compris.
Fawzi Chaouchi était le premier joueur à entrer dans le match de Khartoum.
En l’espace d’un match, il voit son statut changer. Il devient l’homme qui a tenu la dernière barrière défensive des Verts face aux attaquants égyptiens.
Une semaine après son exploit, rien n’a affecté sa bonté et le sens du contact qu’il a avec les habitants de Bordj Menaïel.
La maison des Chaouchi ne désemplit pas depuis sept jours. Il reçoit des dizaines de fans. Ils sont accueillis par la famille Chaouchi à bras ouverts.
La première conséquence de cette nouvelle vie risque de changer sa carrière sportive. Les premiers contacts commencent à tomber. Il pourrait quitter l’ESS pour un autre club plus huppé à l’image de l’O Marseille.
Hier à Bordj Menaïel, en discutant avec lui, c’est le Chaouchi qu’on a connu avant qui va nous parler de ses contacts. «D’abord, je dois avant tout affirmer que Faouzi ne changera pas, même s’il portera les couleurs du Real», tiendra-t-il à préciser.
«Moi, Faouzi, je ne changerai pas même si j’irai au Real Madrid »
Il sait que sa situation actuelle est due à un coup de pouce du destin.
«J’étais au Caire avec mes camarades et dans ma tête, je savais que j’allais chauffer le banc, car je n’étais pas le numéro un», expliquera-t-il. Chaouchi rêvait de montrer qu’il était un grand gardien de but et il en avait les capacités, mais l’occasion ne venait pas. «Je ne pensais même pas que l’Algérie devait jouer un match d’appui», nous confiera-t-il.
Mais une fois que la chance lui sourit, et que son coach se tourne vers lui pour lui demander de défendre la cage des Verts au Soudan, le Lion a rugi et a montré ses griffes. Il put revêtir le maillot blanc des Fennecs. «Ça va bien avec mon teint », nous dit-il.
« L’OM me veut et il y en a d’autres clubs»
Par ailleurs, depuis une semaine, son téléphone n’arrête pas de sonner. Les contacts fusent de partout. C’était attendu dans la mesure où on savait que beaucoup d’yeux étaient braqués sur le rendez-vous du 18 novembre. Comme notre gardien était l’homme de la situation, on s’attendait de voir plusieurs coups de fil de managers et de responsables de recrutement européens faire des approches.
On a demandé donc au concerné de confirmer ces contacts, Faouzi, dira: «Effectivement, j’ai reçu beaucoup de contacts de France et d’ailleurs. L’OM me veut et il y a d’autres clubs qui insistent pour m’avoir. Ça fait plaisir de voir cela.»
Mais lucide, Chaouchi sait que toute cette activité bouillonnante qui entoure sa nouvelle vie ne l’effraie pas. «Les gens ont peur pour moi. Ils pensent que je risque de perdre la tête avec ces contacts. Certes, c’est bien d’être la convoitise de plusieurs clubs de championnats européens, mais il faut éviter de tomber dans le piège», expliquera l’enfant de Bordj Menaïel.
«Je n’ai rien décidé, je préfère prendre mon temps»
Dans le même contexte, afin d’éviter de passer à côté d’une carrière outre-mer, il a évoqué l’exemple de Chérif El Ouazzani, après la CAN 1990, qui avait raté l’étranger à cause du fait qu’il n’avait pas désigné de manager. Raison pour laquelle une multitude de managers parlaient en son nom. Mais Faouzi ne se prend pas la tête : «Comme je l’ai dit, je n’ai pas pris de décision, je n’ai pas désigné de manager pour parler en mon nom. Car je n’ai rien décidé, je préfère prendre mon temps pour réfléchir», avant de poursuivre : «Je préfère attendre que la tension tombe, que l’euphorie soit terminée pour voir ce qu’il en est vraiment. Ainsi, je pourrai étudier aisément les différents contacts que j’ai entre les mains. Je ne veux pas brûler les étapes.»
L’Equipe et France-Football préparent un reportage
Sauf que cette pression ne veut pas retomber. Là où il se retrouve, il est très sollicité. La presse internationale va lui consacrer dans les prochains jours des reportages.
Nous apprenons que le quotidien français l’Equipe et l’hebdomadaire France-Football vont lui consacrer des reportages. Toutes les vedettes du PAF (paysage audiovisuel français), qui se sont succédé dans nos colonnes, ont tous rendu un vibrant hommage au gardien des Verts.
En un match, il devient la vedette incontestée des Algériens. C’était le dernier rendez-vous des éliminatoires. Match décisif, crucial, les regards du monde du football étaient tous braqués sur Khartoum. Et alors que toute l’Algérie finit le match, la boule au ventre, toute la planète observera cet homme qui, au milieu de cette agitation, seul gardera son calme. Cerise sur le gâteau, il parviendra à bloquer toutes les balles… jusqu’à l’explosion finale. Ses coéquipiers se précipitèrent vers lui. Fier, souriant, le héros du moment a frappé.
Après cette euphorie, on avait peur que notre champion ne prenne la grosse tête : «Je ne changerai pas. Je suis comme ça, c’est ma nature d’être réservé. Je ne peux pas la jouer et laisser poireauter des camarades ou des fans qui veulent me voir. Même en dépit de la fatigue, ma porte reste toujours ouverte.» Nous avons pu le vérifier, puisque Faouzi, qui est rentré chez lui à la fin du match avec l’ESS de mardi dernier contre le RAJA de Casablanca, a trouvé chez lui des fans et des voisins venus pour le voir. Ça continuait sur le même rythme hier et on est certain que ça ne va pas s’arrêter de sitôt. Dans toute cette folie, Chaouchi reste zen.
A.Z.