Le garde des Sceaux a dénoncé hier la corruption «qui menace le tissu social et dénature l’effort d’édification de l’Etat de droit, pervertit le fonctionnement de l’économie nationale» et «ronge les liens des citoyens avec les représentants de l’Etat».
Le secteur de la justice est malade. Que voudront signifier les réformes sans la refonte du système judiciaire? Probablement rien car il constituera le plus sérieux indice du chemin parcouru par l’Algérie vers plus de démocratie et d’égalité pour tous en droits et en obligations devant les lois de la République.
Le ministre de la Justice qui vient de qualifier pas plus tard qu’hier de fléau la corruption qui gangrène son secteur a aussi attiré l’attention sur les dégâts qu’il occasionne à tous les segments de la société.
La corruption «qui menace le tissu social et dénature l’effort d’édification de l’Etat de droit, pervertit le fonctionnement de l’économie nationale, ronge les liens des citoyens avec les représentants de l’Etat, constitue la principale cause d’atteinte au plein exercice de la citoyenneté» a souligné le successeur de Taïeb Belaiz dans son discours d’ouverture des travaux de la session ordinaire du Conseil supérieur de la magistrature, qui s’est tenue dimanche à Alger. Un cancer, donc qu’il faut éradiquer en urgence. Il a tenu, cependant, à ne pas mettre tout le monde dans le même sac. «Si les corrompus et les corrupteurs ne laissent presque aucun service public à l’abri de ce fléau, il existe par contre une grande partie de cadres de l’Etat, tous corps confondus, dont l’attachement aux nobles valeurs de probité, autorise de croire que la lutte implacable qui doit être menée contre la corruption aboutira, inéluctablement, à réduire la propagation de ce fléau» a déclaré le garde des Sceaux.
La bureaucratie en Algérie demeure parmi les plus rétives. Elle s’est érigée en système tissant le lit au passe-droit, à la corruption, à l’impunité, aux pots-de-vin, au refus d’exécution de décisions de justice et à la hogra tout court.
Un qualificatif bien de chez nous qui renvoie à lui seul l’image d’une société où une affaire peut se dénouer ou se traiter sur un simple coup de fil. Bien souvent au détriment de celui à qui justice doit être rendue.
Lorsque le premier responsable du secteur admet l’existence de la corruption au sein du corps de la magistrature c’est que l’Etat a fini par reconnaître officiellement que ses rouages sont gangrenés et qu’il faut par conséquent les assainir. Chantier clé et incontournable des réformes, le secteur de la justice ne peut être efficace que s’il est mis «à l’abri de ce fléau qui constitue la principale cause d’atteinte au plein exercice de la citoyenneté» a ajouté le garde des Sceaux qui a implicitement reconnu que la justice rendue sous la pression par certains magistrats ne répond pas aux attentes des citoyens.
«Si la revendication légitime de la société est l’application rigoureuse de la loi par le juge contre les auteurs de corruption, il convient aussi de mettre les cadres intègres engagés dans la lutte contre la corruption à l’abri des pressions multiformes qui peuvent les viser dans le but de les décourager», a tenu à souligner Mohamed Charfi.
Une autre manière de reconnaître que l’affaire n’est pas de tout repos et que la justice doit être la mère des réformes…