Change: Quand le dinar joue aux montagnes russes

Change: Quand le dinar joue aux montagnes russes

Par Yazid Alilat

Change: Quand le dinar joue aux montagnes russes

Le cours du dinar face aux deux principales devises internationales, l’euro et le dollar, a diversement fluctué au cours des sept premiers mois de 2018, indiquent des responsables de la Banque d’Algérie, selon lesquels la monnaie nationale s’est relativement bien comportée durant cette période avec une reprise des cours du brut et les effets induits par le recours au financement conventionnel.

Dans une intervention de ses responsables cités hier samedi par l’Agence APS, la banque d’Algérie a indiqué qu’au cours de la période des sept premiers mois de 2018, l’évolution des cours de change du dinar, en moyenne mensuelle, vis-à-vis de l’euro et du dollar, ‘’reflète globalement l’évolution des cours de change de l’euro face au dollar sur les marchés internationaux». Ainsi, entre décembre 2017 et mars 2018, le cours de change de l’euro face au dollar est passé de 1,18 à 1,23 dollar, en hausse de 4,24% alors que l’euro s’est déprécié face au dollar de près de 5,69 % entre mars et juillet 2018. Accroché à ces deux monnaies du fait des échanges commerciaux de l’Algérie sur les marchés internationaux, le dinar s’est légèrement apprécié face au dollar de 0,86 % entre décembre 2017 et mars 2018 et s’est déprécié face à l’euro de 3,04 % sur la même période. Mais, entre mars et juillet 2018, le dinar s’est déprécié face au dollar de 3,09 % et s’est apprécié de 1,02 % face à l’euro. Ces évolutions, selon les responsables de la banque d’Algérie cités par l’APS, traduisent «des ajustements limités du cours de change du dinar par rapport à ces deux monnaies, en relation avec les évolutions de leurs cours sur les marchés internationaux, en contexte de relative amélioration des fondamentaux (meilleure tenue des prix du pétrole et, dans une moindre mesure, réduction du différentiel d’inflation)».

A fin mars dernier, un dollar valait au change officiel 114,07 dinars et un euro cotait 140,18 DA. Jeudi 16 août, selon la banque d’Algérie, le dollar valait 119,11 DA et l’euro 135,55 DA, avec valeur pour le dimanche 20 août 2018. Selon les représentants de la BA, les ajustements limités du dinar «contribuent à éviter de trop fortes déviations du taux de change effectif réel (TCER) par rapport à son niveau d’équilibre, dommageables pour la stabilité macroéconomique, à moyen terme». En outre, ‘’ces ajustements du cours de change du dinar étant limités, cela permet d’éviter d’alimenter de potentielles pressions inflationnistes, notamment en contexte de relative abondance de liquidités, induites par le recours au financement monétaire pour la couverture, notamment, des besoins de financement du Trésor et de la dette publique», explique-t-on de même source. En fait, avec des fondamentaux stressants comme une baisse des cours du brut, une hausse de l’inflation et le recours au financement non conventionnel, la banque d’Algérie aurait ainsi maintenu ‘’son approche prudentielle et pragmatique de gestion du taux de change, et a maintenu sa trajectoire en matière de politique de change inaugurée à compter de juin 2016″. Et l’ajustement, presque automatique, du dinar n’a été opéré que par rapport aux fluctuations sur les marchés internationaux du dollar et de l’euro, les deux monnaies de référence pour le commerce et les échanges financiers de l’Algérie, selon les mêmes responsables de la banque centrale, qui expliquent que la BA avait opté dans les années 1990 pour le régime de change flottant ‘’dirigé».

La chute du pétrole provoque l’affaissement du dinar

Un mécanisme bancaire à équidistance entre le régime de «parité fixe», le fixing, et celui de «taux de change flottant». Ce système de change ‘’s’écarte ainsi de la fixation purement administrative du taux de change sans, pour autant, abandonner totalement la détermination du taux de change aux seules forces des marchés internationaux», explique-t-on encore. Cette relative flexibilité «permet à la Banque d’Algérie d’ajuster le taux de change en fonction des déterminants structurels et macroéconomiques, qu’ils soient internes ou externes, tout en tenant compte des évolutions des taux de change des principales monnaies sur les marchés internationaux», indique-t-on à la banque centrale. Dès lors, la politique de change de la Banque d’Algérie se fixe, pour variable cible, «le maintien du taux de change effectif réel, le TCER, à un niveau proche de son niveau d’équilibre», ce système étant défini comme étant le taux de change effectif nominal rapporté aux prix relatifs de l’économie nationale et des principaux pays partenaires, qui permet de favoriser, simultanément, une croissance non inflationniste (équilibre interne) et un compte courant de la balance des paiements soutenable à long terme (équilibre externe). Mais, en pratique, la Banque d’Algérie détermine chaque année le niveau cible du taux de change effectif réel d’équilibre en fonction de l’évolution de ces fondamentaux de l’économie nationale, dont les cours du brut.

Quand le FMI s’énerve

Mais, après 2008, où le dollar valait 64,6 DA contre 79,7 DA en 2002, avec une dépréciation de 26,8% face à la monnaie unique européenne, les fondamentaux de l’économie nationale, faut-il le rappeler, ont ensuite chuté lourdement dans le sillage de la crise des prix pétroliers et la baisse des recettes d’exportation et du PIB. Il y a eu ainsi une chute de 11,1% en moyenne en 2009 du dinar par rapport au dollar et de 2,1% sur la période 2010-2013. La seconde crise du dinar va venir également cette fois-ci du côté des valeurs énergétiques, après l’effondrement des prix de pétrole, à moins de 40 dollars le baril en juin 2014. Tout comme l’économie nationale, le dinar va ainsi ‘’boire la tasse», et son cours sera lourdement affecté, en 2015, par un énorme déficit du compte courant extérieur de 16,4 % du PIB et un déficit budgétaire de 15,3 % du PIB. Cette fois-ci, la chute du dinar sera encore plus importante, soit 19,8 % face au dollar et de 4,07 % contre l’euro entre 2014 et 2015. C’est ainsi que le taux de change moyen du dinar face au dollar est passé de 87,90 DA pour un dollar en 2014 à 107,13 DA pour un dollar en 2015, puis 110,53 en 2016 et 114,93 DA pour un dollar en 2017. Quant à la parité euro-dinar, elle est passée au cours de la même période, selon des chiffres de la Banque d’Algérie consultés par Le Quotidien d’Oran, de 107,05 euros pour un dinar en 2014 à 117,06 euros pour un dinar en 2015, 116,37 euros pour un dinar en 2016 et 137,49 euros pour un dinar fin 2017. La dépréciation du dinar face à l’euro et au dollar est importante entre 2014 et 2018, ce que n’expliquent pas vraiment les experts de la banque d’Algérie, qui se confinent dans des explications ‘’académiques», sans trop de portée pratique pour le citoyen, qui s’adresse au marché parallèle pour acheter des devises. Et tentent même de relativiser la forte dépréciation de la monnaie nationale, estimant que ‘’face au choc externe de grande ampleur et durable, le taux de change du dinar a joué, dans une large mesure, son rôle d’amortisseur, en l’absence de consolidation budgétaire». Car sur le marché des changes parallèle, l’euro était cédé hier samedi au Square Port Saïd d’Alger à 210 dinars et le dollar à 179 dinars à la vente contre 209,00 DA pour un euro et 178,00 DA pour un dollar à l’achat. L’écart entre le taux de change officiel et le taux au noir est de 74,45 dinars pour la monnaie unique européenne et de 59,89 dinars pour le dollar. Suffisant pour susciter l’inquiétude du FMI, qui a dans son dernier rapport en juillet sur l’Algérie, souligné que ‘’ l’existence du marché parallèle complique la gestion macroéconomique, car elle alimente les anticipations inflationnistes, fausse la formation des prix et affaiblit les canaux de transmission de la politique monétaire.» Et, ajoute que ‘’le recours au financement monétaire, qui risque d’exacerber les tensions inflationnistes, pourrait accroître la demande sur le marché parallèle, augmenter les primes appliquées au taux de change et encourager des comportements favorisant l’inflation (la surfacturation des importations, par exemple)». Or les explications de la Banque d’Algérie ont soigneusement contourné ces écueils, qui font que le marché parallèle est devenu le vrai indicateur de la solidité du dinar.