De la devise à acheter ou à vendre dans le hall de l’aéroport…
Depuis ces derniers temps, on ne fait pas que voyager à l’aéroport international. On se met au commerce et aux affaires… de l’informel.
«Regrettable!», s’offusque S, Mohammed Abdeldaïm, co-gérant d’une entreprise mixte algéro-française qui venait de sortir de l’enceinte de l’aéroport d’Alger déçu par ce qu’il venait d’entendre. Des jeunes embusqués aux quatre coins de la salle des arrivées accostent les voyageurs leur proposant le change en devise, d’autres, un taxi pour regagner le centre-ville. «Qu’on vienne me proposer un taxi clandestin, c’est admissible mais quand c’est de la devise qu’on propose au marché noir avant même que je quitte l’aéroport est très grave pour mon pays», ajoute ce patron.
Dès que le voyageur quitte la zone internationale et met le pied sur la terre ferme d’Alger, il est assailli par des quidams qui viennent chuchoter à l’oreille divers services: de la devise à acheter ou à vendre, un taxi clandestin à prendre etc. C’est le règne de l’informel aux portes de l’aéroport Houari-Boumediene. Le spectacle est presque banal depuis ces derniers temps. On ne fait pas que voyager à l’aéroport international. On fait du commerce et des affaires et quelles affaires de l’informel… Les faits sont doublement graves. D’abord, parce qu’il s’agit de l’informel donc un manque à gagner pour le Trésor public, ensuite parce que le lieu n’est autre que l’aéroport international, c’est-à-dire la première vitrine du pays. Les services de sécurité ignorent-ils cela ou est-ce du laxisme? «J’ai vu des policiers en service discuter avec au moins deux vendeurs de devises. Ces derniers, au nombre de deux, sont souvent devant les succursales des deux banques dans la salle des voyageurs», témoigne un chauffeur de taxi. «Quand le nombre de voyageurs est en très forte baisse comme c’est toujours le cas en hiver, on croirait que cette infrastructure a changé de vocation tant les vendeurs de devises et les taxis clandestins dépassent de loin le nombre de voyageurs», ajoute le même taxieur. Si certains policiers et les vendeurs de devises semblent curieusement avoir fait la paix en sacrifaint l’image du pays et l’économie nationale, ce n’est pas le cas des chauffeurs de taxi. C’est la perpétuelle guerre entre les «les légalistes et les clandestins.» Selon certaines sources, il existe au moins 170 taxis clandestins qui pullulent dans cette enceinte au vu et au su de tout le monde. Cela au détriment des autres taxieurs qui eux, agissent dans la légalité, payent leur impôts et sont assurés. «Certains membres chargés de la sécurité sont complices avec les taxis clandestins et parfois ils vont jusqu’à refuser l’accès à l’aéroport aux 134 taxis qui travaillent dans le cadre de la loi», dénonce un chauffeur de taxi rencontré hier à l’aéroport. Souvent des dépassements sont enregistrés à cause de cette situation. Nul doute que ce laisser aller va à l’encontre de la sécurité des biens, des personnes et des lieux mêmes. A plusieurs reprises, des voyageurs qui ont fait confiance à des taxieurs clandestins, de jour comme de nuit, se sont retrouvés abandonnés dans des lieux isolés, kidnappés. La catégorie des voyageurs ciblés est souvent celle des émigrés, des touristes et tout voyageur qui tombe dans le filet des fraudeurs. Pour défendre la profession, le syndicat des taxis, section de l’Ugta, a déposé hier, un recours auprès du commissariat de l’aéroport international, afin de rappeler les responsables concernés par les dépassements. Par cette action ils veulent attirer l’attention de ces mêmes responsables sur les dangers qui découlent de la présence des clandestins et d’autres qui activent dans l’informel de la devise et qui ont un lien direct avec les affairistes de la devise du square Port Saïd à Alger. La seule différence qui existe entre le marché de la devise du square Port Saïd et celui de l’aéroport international, c’est l’échange à ciel ouvert au niveau du square et la relative discrétion observée au niveau des parcs de l’aéroport. Orienté par des éléments qui connaissent bien l’environnement de l’aéroport, H. D., âgé environ de 40 ans, n’a pas hésité à nous montrer du doigt des éléments qui travaillent pour des barons de la devise. «Je vais vous les montrer un par un si vous voulez. Moi je fais le change de petites sommes d’argent. Mais eux, ils ont des malles pleines de devises de différentes monnaies», a-t-il révélé, tout en nous conseillant d’éviter toute remarque relative à notre lien avec lui. «Ils représentent un réseau de la mafia de la devise», ajoute-t-il. Attention au feu qui couve à l’aéroport international!