Chakib Khelil voulait torpiller Naftal

Chakib Khelil voulait torpiller Naftal

Naftal.jpgChakib Khelil : le DRS impuissant devant ce phenomene machiavelique

Dans des correspondances datant de 2008 et 2009, l’ancien ministre de l’Energie aurait promis un soutien actif quant à la reprise par le groupe qatari Woqod des activités dévolues à Naftal. Les mêmes documents évoquent l’appui des hautes autorités du pays au projet ainsi que des négociations avec des intermédiaires en Italie et en Suisse.

L’ex-ministre de l’Energie, Chakib Khelil, voulait torpiller Naftal, la filiale de Sonatrach spécialisée dans la distribution des produits pétroliers à travers l’introduction en Algérie du groupe qatari Qatar Fuel Woqod, dont le propriétaire n’est que Abdullah Ben Hamad Al Attiyah, second vice-Premier ministre et ministre de l’Energie qatari. N’était l’éclatement des scandales à Sonatrach et le départ précipité de Chakib Khelil en mai 2010, ce projet aurait été déjà mis en place au grand dam de Naftal appelée à disparaître. En effet, le groupe qatari qui assure la même activité était intéressé, depuis 2008, par le marché algérien et affichait un intérêt particulier pour implanter un mégaprojet de stations-service dans les certaines régions du pays.

C’est du moins ce qui ressort de plusieurs documents liés à cette affaire et dont El Watan a pu se procurer des copies. En effet, dans une correspondance rédigée en anglais datée du 20 septembre 2008, adressée à Mohamed Khalifa Turki Al Sobai, le vice-président et directeur managérial de Qatar Fuel  Woqod et signée par Chakib Khelil, ce dernier avait écrit : «(…) Nous avons accepté vos requêtes et ferons notre mieux pour vous satisfaire. Nos intérêts mutuels ne peuvent que consolider ce projet et l’accroitre considérablement. La nouvelle stratégie adoptée dans le domaine de l’énergie permet d’atteindre vos objectifs dans l’obtention du mégaprojet de stations-service localisé dans des régions stratégiques de l’Algérie.

Nous vous informons que nous avons pris en considération vos recommandations et suivi vos directives. Sonatrach se chargera du projet dès que possible.» En apparence, tout est normal dans un cadre d’investissement en partenariat entre deux entreprises qui activent dans le même domaine. Cependant, le contenu de la deuxième partie de cette correspondance donne des contours à ce mégaprojet assorti d’avantages inouïs. Ainsi, selon les explications de Chakib Khelil, «la gestion de ces stations- service sera assurée dans un premier temps par Sonatrach durant moins de deux ans. Après cette période, nous ferons en sorte que les infrastructures réalisées soient transférées pour le bénéfice de votre groupe par le biais d’un avis d’appel d’offres international selon les termes et les conditions que nous avons déjà décidés. Etant convaincu de la réussite de cet important projet, nous resterons toujours prêts à vous assister dans des projets que vous désirez mettre en œuvre».

La manière avec laquelle ce projet devait se réaliser est pour le moins suspecte ; sinon comment expliquer la garantie du transfert des infrastructures des stations-service au profit de Woqod à travers un avis d’appel d’offres international sachant que plusieurs soumissionnaires spécialisés prendront part à cet appel, si ce n’est par les termes et les conditions que le ministre a déjà décidés ?

Dans une autre lettre datée du 18 novembre 2008 et adressée au même destinataire, Chakib Khelil appelle le représentant de Woqod à avancer des garanties liées à ses méga-stations. «Suite à la dernière conversation que nous avons tenue avec l’émissaire délégué par vous-même pour discuter à propos du suivi de cet important projet, nous sommes dans l’obligation de vous rappeler qu’il est nécessaire d’avancer des garanties pour le respect des conditions du transfert au profit de Qatar fuel Woqod.

Notre ami commun (Abdelaziz Bouteflika) est le seul médiateur et se portera garant.» A partir de là, l’ex-ministre de l’Energie évoque outre le président Abdelaziz Bouteflika, des personnes non identifiées dans cette correspondance qui soutiendraient cet important «investissement». C’est à Rome que les négociations se sont poursuivies en 2009 pour la concrétisation du projet avec toujours le même émissaire du groupe Qatari Woqod. Chakib Khelil a voulu rassurer Mohamed Khalifa Turki Al Sobai, en l’informant dans une lettre datée du 11 mai 2009 : «Nous vous informons que nous sommes très heureux de rencontrer votre émissaire à Rome (Italie) et comprenons l’empêchement qui a entravé votre participation à cette réunion. Toutefois, nous vous rassurons qu’il n’y a plus d’obstacle pour la réussite de notre projet tant que les conditions sont maintenues. Nous espérons être en mesure d’observer les délais convenus et vous êtes au courant que nous réalisons ce mégaprojet dans un environnement économique privilégié.»

Mieux encore, poursuit Chakib Khelil, en annonçant à son interlocuteur : «Nous vous garantissons que le projet démarrera sous l’égide de notre président de la République Abdelaziz Bouteflika et qu’une attention particulière est réservée à ce projet. La politique économique de notre ami le président Abdelaziz Bouteflika est consistante et nous donne des garanties pour la réussite de l’implémentation de notre projet. C’est ce que nous avons déjà  déclaré à votre émissaire et ce que notre ami mutuel vous a fait remarquer. Nous serons bientôt en mission à Genève (Suisse) et pourrons vous rencontrer si vous êtes disponible.» Qu’advient-il actuellement de ce projet ? Est-il toujours dans l’agenda de l’actuel ministre de l’Energie ou a-t-il été classé ?

Tant d’interrogations qui demeurent sans réponse au moment où le pays est marqué par des scandales de corruption.

Mohamed Fawzi Gaïdi