La justice américaine se penchera sur les biens acquis par Chakib Khelil aux Etats-Unis, ont confirmé des diplomates de l’ambassade US à Alger au porte-parole de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), Djilali Hadjadj. Le cas Amar Ghoul semble également intéresser les diplomates américains.
La loi américaine de lutte contre la corruption sera appliquée de « manière ferme » pour les soupçons de corruption qui pèse sur l’ancien ministre de l’Energie et des mines, Chakib Khelil ont indiqué des diplomates de l’ambassade des Etats-Unis à Alger au porte-parole de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), Djilali Hadjadj. Les diplomates américains qui ont rencontré le militant associatif à leur demande signifient ainsi que la « justice américaine pourra s’autosaisir ».
Elle pourrait demander à l’intéressé, qui a également la nationalité américaine, de justifier l’origine des fonds ayant servi à l’achat de biens aux Etats-Unis, explique M. Hadjadj, contacté par Maghreb Emergent. Le porte-parole de l’AACC, qui est souvent sollicité par des chancelleries étrangères pour livrer ses analyses sur la corruption en Algérie, a fait un compte-rendu de la rencontre qui s’est déroulée, le 17 avril dernier, à l’ambassade US à Alger. Au cours de cette rencontre, des « affaires » comme celles de Sonatrach, où l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil est cité, tout comme Amar Ghoul, le ministre des Travaux publics, pour l’autoroute est-ouest, ne pouvaient pas êtres ignorées.
Que faire du « soldat » Khelil ?
Pour l’AACC, « il est évident que si des dirigeants algériens sont impliqués dans des actes de corruption et possèdent des biens aux USA – biens mal acquis -, la justice américaine pourrait saisir ces biens et lancer une enquête sur leur origine. Djilali Hadjadj a d’ailleurs rappelé aux diplomates américains que « la loi américaine de lutte contre la corruption de 1977 (enrichie et amendée depuis à plusieurs reprises), notamment la «Foreign Corrupt Practice Act» (FCPA) – loi sur les pratiques de corruption à l’étranger – confie à la justice américaine une compétence extraterritoriale pour juger les citoyens et les entreprises américains qui auraient corrompu ou tenté de corrompre des fonctionnaires gouvernementaux étrangers, ou des candidats à des postes gouvernementaux ».
Le militant anticorruption a souligné que la FCPA « doit s’appliquer à tout ressortissant américain en tout lieu et à tout moment, sans que des intérêts bilatéraux ne soient mis en avant pour en empêcher son application ». « Ce qui pourrait être le cas de l’ancien ministre algérien de l’Energie, Chakib Khelil, ayant la nationalité américaine et possédant d’importants biens immobiliers aux USA notamment. L’ancien ministre est cité dans plusieurs affaires de corruption présumée tant au niveau de la justice algérienne que dans des enquêtes judiciaires engagées en Italie et au Canada. Comment les USA comptent gérer le cas Chakib Khelil ? « Les responsables de l’ambassade américaine en Algérie ont déclaré que cette loi s’applique de manière ferme », affirme M. Hadjadj.
Le cas Amar Ghoul intéresse les diplomates US
Durant cette rencontre, les parties ont également évoqué les mécanismes internationaux de lutte contre la corruption, notamment l’initiative « Transparence dans les industries extractives », lancée en 2002 par des ONG, dont l’AACC, intitulé «Publiez ce que vous payez» et « l’adoption de la Loi Dodd-Frank aux Etats-Unis (votée en 2010 et entrant en application en septembre 2013) qui exige de la part des sociétés pétrolières, gazières et minières des États-Unis et étrangères qu’elles publient les paiements qu’elles versent aux gouvernements américain et étrangers dans les rapports annuels qu’elles remettent à la SEC [Commission boursière des États-Unis] ».
De manière inattendue, les diplomates américains ont montré de l’intérêt pour le ministre des Travaux publics. « «Et Amar Ghoul ?» a demandé une diplomate américaine qui semblait, selon M. Hadjadj, un peu perplexe au sujet de manque d’intérêt à son égard de la part de la justice algérienne. Le porte-parole de l’AACC a indiqué que l’association s’est déjà prononcée sur le cas Amar Ghoul. Lorsqu’il était ministre de la pêche et des ressources halieutiques, de 1999 à 2002, l’AACC avait publié une enquête sur la corruption dans le secteur intitulée «Un Ghoul en cache un autre».
L’association demandait à la justice algérienne d’ouvrir une enquête et elle est « restée sans suite malgré les faits accablants ». Selon l’AACC, « à partir du moment où un nombre importants de hauts fonctionnaires de ce ministère et de l’Agence nationale des autoroutes sont poursuivis par la justice, Amar Ghoul, dans l’hypothèse qui lui serait la plus favorable – mauvaise gestion et incompétence – aurait dû de lui-même quitter le gouvernement ». Pour rappel, en 2006, l’entreprise américaine, Bechtel, faisait partie des entreprises ayant soumissionné pour des tronçons de l’autoroute est-ouest.