Six années après sa disparition, le nom du président Chadli Bendjedid reste intimement lié à ce basculement de l’Algérie, au crépuscule des années 80, d’un système autoritaire et fermé vers un autre pluraliste et ouvert, et ce qu’on appellera la « parenthèse démocratique ». Souvent présenté comme le père de l’initiative démocratique en Algérie, à partir de 1989
, Chadli Bendjedid mettra fin au système du parti unique en engageant le pays dans le multipartisme et en libérant l’expression publique. C’est sous sa présidence que l’Algérie entamera une période d’ouverture qui contrastera avec la précédente marquée par la rigidité. Pourtant, rien ne présageait que ce président aux allures de bon père de famille, qui avait succédé à Boumediène en 1979, allait être celui qui mettra le pays sur les rails d’un processus démocratique inéluctable. Bendjedid fera libérer rapidement Ben Bella et autorisera le retour d’opposants exilés, notamment Hocine Aït Ahmed, fondateur en 1963 du FFS. Réélu en 1984, Chadli Bendjedid est confronté, quatre ans plus tard, à ce qu’on appellera les événements du 5 Octobre 1988 en faveur d’une plus grande liberté qui a fait des centaines de morts et mis le pays au bord du chaos. Les émeutes ont ébranlé le pouvoir de l’époque, le poussant à lâcher du lest. Le président Chadli décide alors d’entamer des réformes politiques prônant une ouverture démocratique. La première depuis l’indépendance. Il est réélu pour un troisième mandat en décembre 1988 et fera adopter par référendum une constitution pluraliste en février 1989. Une ouverture qui permettra la création de plusieurs formations politiques, dont un certain Front islamique du salut. Cette période sous sa présidence sera marquée par un foisonnement politique et une libération de la parole jusque-là inédite. Une grave crise politique opposera alors le pouvoir à un parti islamiste prônant un discours radical, menaçant le caractère républicain de l’Etat. Le 4 janvier 1992, Chadli Bendjedid dissout l’Assemblée populaire nationale. Face à l’impasse et une situation explosive qui menaçait l’intégrité du pays, le 11 janvier 1992, Chadli Bendjedid annonce sa démission dans une allocution télévisée. Les législatives du 12 janvier 1992 seront annulées et l’Algérie bascule dans une crise politique aiguë qui aboutira sur les horribles années de terreur et de sang. Le président Chadli continuera à susciter la polémique entre pourfendeurs qui lui reprochent d’avoir ouvert la voie au chapitre à un parti islamiste extrémiste, qui fera dérailler le processus démocratique, avec les conséquences que l’on sait, et ses partisans qui rappelleront son rôle crucial dans l’ouverture du pays. Dans ses mémoires, rédigées avec l’aide d’un journaliste, Abdelaziz Boubakir, dont un seule tome est sorti, il dira qu’il a été mis devant le fait accompli dans l’agrément du FIS. Il impute cet agrément à son tout puissant directeur de cabinet, Larbi Belkheïr, ainsi qu’à deux hommes importants de cette époque, le Premier ministre Kasdi Merbah et son ministre de l’Intérieur Abou Bakr Belkaïd. Le président Chadli s’est éteint le 6 octobre 2012 à 83 ans après un retrait de la scène politique de près de vingt années. Il restera l’une des personnalités politiques qui auront marqué l’histoire de l’Algérie contemporaine et comme l’un des chefs d’Etat du monde arabe qui aura entamé la démocratisation de son pays. Hier, au cimetière d’El Alia, un hommage lui a été rendu avec la présence de ses proches. Un hommage empreint de discrétion et de pondération, comme l’aura été Chadli Bendjedid