La première visite à Alger d’Alain Juppé, depuis son accession à la tête de la diplomatie française a marqué la normalisation des relations entre la France et l’Algérie et conformé l’ »embellie » qui les caractérise au plan politique et économique.
Le chef de la diplomatie française, qui a retrouvé un poste ministériel qu’il affectionne et qui ne permet aucune ingérence des conseillers de l’Elysée dans les dossiers diplomatiques a lui même reconnu que les relations algéro-françaises rencontrent une «période de particulière embellie».
Il est vrai que le ministre français qui a d’abord rencontré son homologue Mourad Medelci, le Premier ministre Ahmed Ouyahia puis a été invité à déjeuner par le président Bouteflika a bénéficié d’égards exceptionnel , que l’Algérie ne resserve qu’ a ses hôtes de marque et aux hommes politiques qu’elle classe parmi ses amis.
Reçu «chaleureusement» Juppé a eu un entretien avec le chef de l’Etat qu’il a qualifié d’«excellent, long» au cours duquel tous les sujets abordés ont été approfondis» ce qui «confirme bien l’embellie des relations franco-algériennes», ajoute-t-on de source diplomatique française.
C’est pourquoi il a été convenu avec le président Bouteflika de prolonger la mission de M Raffarin , un homme politique tout en rondeurs et de compromis qui a su défendre habilement les dossiers des entreprises françaises mais aussi rétablir un climat de confiance entre les politiques des deux pays C’est pourquoi les dossiers bilatéraux n’ont clairement pas eu la priorité des discussions entre Alain Juppé et les responsables algériens.
MM Juppé et Medelci ont confirmé que les accords de coopération existants entre les deux pays, dont certains arrivent à échéance, seront rediscutés et prolongés. Deux groupes de travail devraient être mis en place pour régler la question des archives détenues par la France et pour mettre en oeuvre la loi d’indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français dans le Sahara.
«Le dossier des essais nucléaires n’est pas un dossier qui fâche», a insisté Alain Juppé. «Il n’y a pas de sujets qui fâchent mais des discussions», a-t-il ajouté. Interrogé à plusieurs reprises sur la question de la mémoire, Alain Juppé a réitéré sans ménagement la position française, à savoir que «le président de la République Nicolas Sarkozy a déjà pris position, indiquant le caractère injuste de la colonisation mais il n’est pas question que la France se lance dans la voie de la repentance».
En réalité, à Alger et sur ce point précisément, on ne se fait plus beaucoup d’illusions sur Sarkozy et la droite, qui refuse obstinément la repentance dans sa quête désespérée des voix de l’extrême droite et de celles du Front national en particulier.
Le locataire actuel de l’Élysée n’a pas la stature d’un de Gaulle, ni même celle d’un Chirac, qui a trouvé les mots justes a propos des massacres de la colonisation à Madagascar, pour transcender l’Histoire pour ce qui est de l’Algérie et ouvrir la voie à une véritable relation d’exception entre les deux pays. Pour ce qui est des grands dossiers diplomatiques les divergences demeurent sur la situation en Libye, le Sahara Occidental et le Proche-Orient.
Juppé n’a pas réussi à convaincre les responsables algériens de soutenir le CNT libyen contre Kadhafi, même si Alger ne mise plus sur le leader libyen et a pris contact de manière informelle avec l’opposition libyenne. D’autre part, même si Mourad Medelci a noté «beaucoup de convergences » avec la France sur ce dossier, l’Algérie ne souhaite pas pour l’instant, emboîter le pas à la France et aux autres pays qui ont reconnu le CNT.
Expliquant que sur ce dossier, l’Algérie a toujours agi collectivement au sein de la Ligue arabe et de l’Union africaine, Mourad Medelci a avancé que «c’est une position collective que l’Algérie adoptera s’agissant de la reconnaissance du CNT». En revanche, Alain Juppé a rejeté les accusations du CNT concernant l’envoi par l’Algérie de mercenaires en Libye pour soutenir Kadhafi, évoquant «des rumeurs et des accusations infondées ». Une position qui satisfait Alger. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, s’est félicité des propos d’Alain Juppé, «clairs et catégoriques ».
Mais le ministre français a répété que l’intervention militaire devait se poursuivre et a défendu le recours aux hélicoptères de combat, critiqué par certains pays. «La résolution 1973 prévoit une zone d’exclusion aérienne mais elle autorise aussi l’utilisation de tous les moyens nécessaires pour protéger les populations civiles», a-t-il soutenu, démentant également que les forces de la coalition aient tiré sur des civils.
«Toutes les frappes ont eu pour cibles des installations ou des équipements militaires et nous avons évité les dommages collatéraux», a déclaré Alain Juppé. La France, à l’instar de la quasiunanimité de la Communauté internationale, souhaite désormais le départ de Mouammar Kadhafi, a-t-il affirmé.
Sur le Sahara occidental, Alain Juppé a défendu la position française, nettement favorable à la soi-disante «autonomie» proposée par le Maroc aux sahraouis au détriment du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination. Juppé qui a au moins le mérite de la franchise a affirmé que la position de Paris, «n’est pas unilatérale», précisant que la France soutient le processus de dialogue entamé dans le cadre de l’ONU.
Il ressort également que l’Algérie aurait assuré à la France que les relations algéro-marocaines pourraient se normaliser malgré les divisions sur ce dossier. «Il m’a été très clairement indiqué que la question du Sahara Occidental n’était pas de nature à nuire aux relations entre le Maroc et l’Algérie de façon générale, c’est une approche qui me paraît très positive et constructive », a ainsi déclaré Alain Juppé.
Il a ajouté que la France « fera tout pour l’amélioration des relations entre l’Algérie et le Maroc».Autre sujet primordial, qui suscite plus de convergence de vues : la sécurité dans le Sahel. «Nous sommes tout à fait disponibles pour participer à la coopération» régionale contre Al- Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a déclaré Juppé qui a longuement félicité Alger pour son engagement contre le terrorisme et la criminalité.
Mokhtar Bendib