Les émigrés peuvent désormais accéder… au logement
Oui, avril n’est pas comme tous les autres mois de l’année et tout le monde tient à ses réalisations en ce mois particulier!
Jacques Chirac disait un jour que les problèmes arrivent en escadrilles. Chez nous, c’est bizarre, comment en avril (et seulement en avril), les bonnes nouvelles peuvent arriver en chaînes qui se tirent les unes les autres. La première nouvelle de ce mois, c’est qu’on vient de balancer au peuple le tout nouveau programme de logements (le logement promotionnel public ou LPP) qui ouvre ses guichets en avril. Pas de panique, ne courrez pas… il y en aura pour tout le monde (qui peut payer) rassure-t-on ici et là!
Cette nouvelle à peine tombée, c’est une autre qui la suit. Même les Algériens de l’étranger pourront bénéficier de ce programme. Eux, auxquels on a interdit jusque-là, et contre toute logique, d’avoir des comptes en devises, ont finalement la possibilité d’avoir des logements. Ah, avril! Mais ce n’est pas tout… une troisième autre bonne nouvelle suit les deux premières: on vient de découvrir «un deuxième gisement de gaz naturel dans le bassin d’Illizi, dans le sud-est de l’Algérie», c’est-à-dire dans notre Sud si cher, mais si agité ces jours-ci. Certes, nous ne savons pas encore découvrir seuls du pétrole, ou peut-être certains ne veulent pas que nous le fassions seuls, juste pour qu’il y ait toujours des possibilité à la Chakib Khelil et à la Farid Bedjaoui, mais ce sont des découvertes sur notre territoire et de notre pétrole, donc cela doit nécessairement être classé parmi les bonnes nouvelles.
La représentation provisoire
Ce n’est pas encore tout… En avril, il n’y a jamais trois sans quatre… Aussi, a-t-on appris que, et c’est là la quatrième nouvelle, on a mis en place la commission pour la révision de la Constitution, cette commission doit, bien sûr, remettre son travail dans les plus brefs délais. Comme quoi, avril c’est sérieux! Oui, avril n’est pas comme tous les autres mois de l’année et tout le monde tient à ses réalisations en ce mois particulier!
Mais ce n’est pas encore tout…jusque-là, et malgré nos cinquante ans d’indépendance, nous avions une seule chaîne de télévision, l’Unique, avec ses différentes couleurs et humeurs. Plate dans son programme, nulle dans ses perspectives, repoussante dans tout le reste, cette chaîne n’a ni su ni pu évoluer à une période où plus personne ne peut empêcher les autres chaînes de s’installer, non pas dans le pays, mais dans les chambres mêmes des citoyens. Pour changer les choses et faire la grande rupture avec le passé, on nous apprend que la décision est prise. La grande, l’extraordinaire décision qui va faire la «une» de tous les journaux du monde et qui va même donner des idées aux autres, est prise. Nous avons décidé d’ouvrir le champ audiovisuel d’une manière que personne ne connaît (ni ne comprend croit-on aussi!). Les chaînes de télévisions algériennes qui n’ont pas le droit d’exister à cause de l’actuelle loi sur l’audiovisuel, ont été obligées jusque-là à se débrouiller une boîte à lettres à l’étranger. Trois parmi ces chaînes, Ennahar, Echourouk et El Djazairia, viennent d’être touchées par la grâce d’avril et, nous apprend-on, elles seront enfin autorisées à ouvrir «provisoirement» des représentations en Algérie en tant que chaînes de… droit étranger. Algériennes? Elles ne le sont pas, puisque la loi le leur interdit. Etrangères, elles ne le sont pas non plus du moment qu’elles sont l’oeuvre d’Algériens, leur boulot est totalement en Algérie, avec des Algériens, par des Algériens, pour des Algériens… et puis, pour certaines d’entre elles, ce n’est pas mal comme boulot, reconnaissons-le. Avril peut ce que les autres mois de l’année sont incapables de réaliser.
Ce n’est pas tout…Pas encore… quelques indiscrétions, mais aussi une habitude religieusement observée, laissent croire que le président de la République pourrait s’adresser aux Algériens au courant de ce mois d’avril, comme il le fait souvent en ce mois de grâce. Non, ce n’est pas un poisson d’avril, c’est juste une de ces nouvelles…
Cela devait en être autrement
Toutes ces belles choses que l’on nous garde pour le mois d’avril devraient être faites en principe sur l’année… Et tout le temps. Pourquoi donc est-ce que les Algériens doivent-ils attendre le mois d’avril pour espérer voir apparaître un programme qui leur promet (toujours en vain) de résoudre leur problème de logement? Sait-on seulement qu’il existe des pays dans ce monde, qui ne connaissent pas le problème de logement? Des pays qui, de surcroît, n’ont ni notre richesse, ni notre superficie, ni nos compétences! Comment pourrait-on encore avoir l’audace de vouloir nous expliquer un déficit en logements qui traîne depuis quarante ans? Et comment est-ce possible d’abord, que certains puissent encore jubiler rien qu’à l’idée de trouver la première fausse solution à un tel problème? S’il n’y avait que ce secteur, à lui seul, il aurait été suffisant pour dire combien est grande l’incapacité de nos responsables à régler les problèmes du citoyen et combien est grande la désillusion qu’ils nous ont causée…depuis toujours! Avril, en dépit de sa générosité si douteuse, ne pourra jamais résoudre ce problème. La preuve!
Quant à la commission en charge de la révision de la Constitution, elle aurait dû être installée depuis longtemps, surtout qu’il s’agit d’une commission technique qui n’a la latitude de toucher ni au fond ni à l’arrière-plan. Pourquoi dès lors attendre avril pour l’installer.
Pour ce qui est de l’autorisation des chaînes à ouvrir une représentation dans leur propre pays. Franchement, ce n’est pas si gai que cela de l’entendre. Pour plusieurs raisons. D’abord, parce que ces chaînes exercent déjà et si ce n’est pas le manque d’autorisation d’exercer, faute de loi, qui les empêcherait de le faire? Comment peut-on s’imaginer un seul instant qu’une absence de représentation le ferait? N’est-ce pas encore une de ces terribles contradictions que nous traînons derrière nous? Ensuite, à l’heure du numérique, plus rien n’empêche les médias de travailler. Nous recevons bien ces chaînes aux thèmes les plus nocifs et des plus dangereux, de l’embrigadement à l’abrutissement, aussi bien des individus, que des sociétés. Ces chaînes qui pullulent dans le ciel et dans nos foyers font plus mal que celles dont l’objectif, du moins déclaré, est de servir le pays. Comment pourrait-on encore prétendre, en 2014, pouvoir limiter les thèmes des chaînes qu’on veut agréer et pourquoi voudrait-on leur imposer un contrôle de la publicité? Enfin, et la seule chose qui cadre vraiment avec avril, c’est ce discours à l’occasion de Youm el ilm et que marque chaque année chez nous le 16 avril. Une question cependant, pourquoi avril?