Les invités du forum du quotidien Ech Chaâb se sont tous accordés hier à reconnaître que les embouteillages sur les routes en Algérie participent d’une manière singulière à la “détérioration de la qualité du cadre de vie” et au “marasme généralisé” dans le pays.
Dans la plupart des grandes agglomérations en Algérie, la circulation automobile est devenue atroce. “À présent, tout le monde possède une voiture. Ou presque”. D’après le commissaire- divisionnaire, Mohamed Tatachek, le parc automobile en Algérie est estimé à environ 6,4 millions de véhicules, soit un Algérien sur 5 est propriétaire d’une voiture. Pour le sous-directeur de la prévention et de la circulation routière à la DGSN, ce sont notamment les facilités accordées jusqu’à 2008 par les banques et les institutions financières qui sont à l’origine de la “déferlante” des véhicules importés en Algérie.
D’après lui, cette affluence (environ 200 000 immatriculations chaque année) reste de loin plus forte que les capacités d’accueil de nos infrastructures routières, un réseau estimé à quelque 112 000 kilomètres. “Heureusement que ces dernières années un intérêt particulier a été accordé au secteur des travaux publics sinon la situation serait aujourd’hui beaucoup plus grave !”. Et pourtant, tout ceci n’explique pas, à ses yeux, tous les embouteillages que doivent endurer quotidiennement et — désormais à n’importe quelle heure — les habitants des grandes villes en Algérie. “Avant, on connaissait les heures de pointe qui correspondaient généralement aux heures d’entrée et de sortie des bureaux. Maintenant, nos routes sont encombrées de 7h à 19h, voire plus tard”, s’est-il inquiété.
D’après cet officier, une question d’ordre sociologique devrait interpeller les journalistes et — à travers eux — l’opinion nationale. “Pourquoi tant de conducteurs sur les routes ? D’où viennent-ils ? Où-vont-ils ?”. En effet, pourquoi tant d’heures perdues et de carburant gaspillé ? Pour sa part, Messaoud Benhalima, psychologue, croit détenir la réponse. “Au-delà des statistiques, le problème est avant tout d’ordre culturel.” Dans sa démonstration, M. Benhalima mettra en exergue non seulement “l’incivilité ambiante” mais aussi la manière de l’Algérien à s’approprier ce “moyen de locomotion” ainsi que de son rapport aux autres et à la société de consommation d’une façon générale. D’après lui, il s’agit surtout d’un “problème d’ego”, d’une identification symptomatique à un objet qui, dans la réalité, est, de moins en moins, un “signe de richesse”. Il a, en outre, évoqué dans son intervention “la question sensible” de la gent féminine au volant, une polémique éternelle, s’il en est. L’orateur confortera à ce sujet non seulement le préjugé que “les femmes ne savent pas conduire”, mais il leur fera également le reproche de ne pas “rendre la politesse” voire la galanterie dont feraient preuve, selon lui, la plupart des conducteurs “mâles”. “Alors que le code de la route est valable pour les deux sexes…” Cette affirmation qui découle, selon lui, de ses propres “observations cliniques” fera sortir de leurs gonds plusieurs de nos consœurs qui n’ont pas hésité alors à répondre à sa “leçon de morale”, lui assénant le fait que les femmes étaient opprimées en Algérie même sur les routes.
Enfin, l’incident clos, le professeur Bengounia Abdelouahab du service épidémiologie et de médecine préventive à l’hôpital Mustapha-Pacha est revenu, quant à lui, sur la “sédentarité forcée” des Algériens qui prennent de l’âge dans les embouteillages. D’après lui, cette situation est à l’origine du “stress, un fléau” aggravé en Algérie par le cadre général de la malvie d’où la prévalence de certaines maladies qu’il a énumérées comme les cancers, les diabètes, l’hypertension artérielle, les maladies coronariennes, cardiovasculaires, etc. “Il a été démontré que le stress (dont les embouteillages sont un facteur déterminant à sa genèse) était le facteur étiologique à de nombreuses affections dont certaines sont mortelles”. L’autre problème évoqué par le professeur Bengounia au sujet de l’impact de la circulation automobile sur la santé est la pollution atmosphérique et sa cohorte d’asthmatiques dont le nombre est estimé en Algérie à plus d’un million de patients. Sur un autre plan (et non des moindres), l’impact économique n’aura pas été abordé au cours de ce débat à cause notamment de “l’absentéisme” d’un invité, un spécialiste de la question qui aurait été lui-même retenu, paraît-il, dans un “bouchon”.
M C L