Nous vivons dans une société très industrialisée, dans laquelle les biens que nous consommons sont de plus en plus uniformisés, aseptisés, et surtout synthétiques. Nous mangeons des aliments qui nous arrivent parfois du bout du monde, de la Chine, d’Inde…
Ce que la nature ne nous donne pas, ou en trop petite quantité, nous le fabriquons à base de produits chimiques, nous l’améliorons avec des additifs, des colorants, des conservateurs…
Tout cela fait peur aux consommateurs du monde entier, mais aussi et surtout au consommateur algérien qui voit nombre de traditions et de savoirs- faire disparaître à cause de biens « tout prêts » qui envahissent nos étals et modifient durablement notre façon de nous habiller, de manger, de vivre…
Le très grand succès de ces produits industriels ne doit cependant pas cacher une réalité qui s’impose de plus en plus au consommateur : ces produits sont fabriqués avec peu de matière première naturelle et avec beaucoup d’ajouts synthétiques qui ont un retentissement certain sur notre santé, occasionnant nombre de maladies dont nous ne pouvons plus identifier clairement la cause et l’origine.
La prise de conscience
Alors ces consommateurs sont de plus en plus nombreux à vouloir résister à tout prix à cet envahissement de leur quotidien par les produits industriels. « A tout prix » est vraiment l’expression la plus adaptée, parce que contrairement à ce que l’on croit souvent, le « tout fait maison » coûte souvent plus cher qu’un produit industriel fabriqué à grande échelle par une entreprise. Mais il est vrai aussi que ce n’est pas le même rapport de qualité.
Ainsi les Algériens, et surtout les Algériennes, sont passés maîtres dans l’art de fabriquer à la maison leurs propres plats, biscuits, ou même cosmétiques, sans ajout de substances chimiques pour conserver ou améliorer le produit final.
Lina, maman au foyer, nous raconte : « Je fais tout à la maison : je cuisine mes plats, mais aussi mes gâteaux et mes pâtisseries, mes confitures…Quand les enfants veulent manger un hamburger, je fais moi- même le pain rond et le ketchup pour les sandwichs. Pareil pour les pizzas ; je fais même mes propres barres chocolatées, histoire qu’ils ne soient pas trop pénalisés par mon parti pris de tout faire à la maison. Je ne cuisine que des produits frais, jamais de conserves ou même de produits congelés qui viennent de l’autre bout du monde et qu’il a bien fallu conserver avec je ne sais pas quoi au juste ! »
Son mari Ali l’encourage dans cette façon de faire, mais il est toutefois plus nuancé : «Je pense que notre volonté de consommer le plus possible de produits faits- maison a des limites, rencontre des obstacles contre lesquels on ne peut pas lutter. Par exemple ma femme fait son pain avec une farine achetée dans le commerce, industrielle, qui est obtenue à partir de blé génétiquement modifié. De même, elle ne fait pas elle- même son beurre, sa levure, elle ne cultive pas elle- même ses tomates, n’élève pas ses propres animaux pour la viande…en bref elle ne maîtrise toute la chaîne de production des aliments qui lui permettrait d’être sûre que ce qu’elle mange est à 100 % sans produits chimiques. »
Les tenants du « tout fait- maison » mènent- ils alors un combat perdu d’avance ?
Pour répondre à cela, certains répondent qu’il faut consommer des produits Bio, c’est-à-dire garantis sans pesticides, sans modifications génétiques, sans antibiotiques…
Ce type de produits reste pourtant très minoritaire en Algérie, contrairement à l’idée reçue qui veut que l’agriculteur algérien travaille encore comme son grand- père, sans produits chimiques. La plupart des fellahs ont dû s’adapter aux réalités des besoins de consommation de leurs compatriotes, des besoins beaucoup trop élevés pour se « contenter » d’un mode de production traditionnel, sans produit chimique.
La réalité est que qui veut manger du 100 % Bio doit se faire agriculteur et cultiver, élever lui- même ses aliments. Le seul fait de tout cuisiner à la maison est de loin de suffire à garantir que l’on mange une nourriture saine.
Nous vivons dans un monde qui s’uniformise, dans lequel la population explose (bientôt 8 milliards d’habitants), et que pour nourrir tout ce monde selon les attentes qui sont les siennes, c’est-à-dire de plus en plus à l’occidentale (légumes, pommes de terre, et surtout viande), il va sans doute falloir faire le deuil des produits naturels au profit des produits obtenus synthétiquement. C’est un choix que nous avons fait il y a bien longtemps et sur lequel il semble illusoire de croire que l’on peut revenir.