«Je vous annonce tout de suite ma démission. Je pars donc en vous laissant au milieu du chemin alors que j’aurais tant aimé qu’on aille au bout de l’aventure ensemble. Les circonstances ont fait que notre chemin se sépare ici.
Il a joué la montre en conférence de presse
Le coup de sifflet final de M. Noumandiez, l’arbitre ivoirien du match Maroc-Algérie, a été ressenti par les joueurs algériens comme un gong annonçant la fin d’un combat où l’on est sonné, meurtri, ne cherchant plus que la fin du supplice.
Benchikha est en conférence de presse, il peine à trouver les mots pour expliquer la déroute de son équipe. Un confrère lui demande : «Vous allez démissionner Monsieur Benchikha ?» Ce dernier rétorque : «Je réserve ma décision une fois rentré au pays, je ne dirais rien à ce sujet, ici, devant les Marocains», lâche-t-il avant de mettre un terme à la rencontre avec les journalistes pour regagner l’hôtel. Abattus, Antar Yahia et consorts vont tout de suite regagner les vestiaires pour n’en ressortir qu’une heure plus tard.
C’est aux alentours de minuit que les premiers joueurs commencent à quitter le vestiaire pour venir en zone mixte s’exprimer devant les nombreux journalistes. Contrairement aux jours de matches gagnés, les Verts, déçus, ne se précipitent pas et rares sont ceux qui viennent à la rencontre des hommes de la presse. Matmour, Mesbah et Antar Yahia font l’effort et viennent s’exprimer, juste quelques petites phrases, s’excusent puis tournent les talons et s’éclipsent. Un à un, les joueurs algériens montent dans le bus dans un silence de mort. De temps à autre, le chargé de la logistique appelle un de ses collègues pour l’aider à embarquer le matériel, sinon, c’est le silence total. Quelques instants plus tard, le bus s’ébranle. Cinq petites minutes plus tard, arrivée à l’hôtel Palmeraie Golf Palace. Les joueurs regagnent tous leurs chambres, têtes basses, ils ne s’attardent pas trop dans le hall. Si les uns traînent la savate, les autres font de leur mieux pour traverser le hall le plus rapidement possible.
Raouraoua le somme d’annoncer sa démission
Benchikha, flanqué de Kaoua, arrive en dernier à l’hôtel. Il ne monte pas dans sa chambre, il va se mettre dans un des salons du hall. L’ambiance est très lourde parmi les membres de la délégation algérienne. Le président de la fédération arrive, un court instant plus tard, Benchikha quitte sa place et va à sa rencontre. Les deux hommes s’éclipsent pendant dix grosses minutes. Selon certaines indiscrétions, Raouraoua demande à son entraîneur s’il a annoncé sa démission en conférence de presse. Benchikha lui répond par la négative. Le président de la Fédération le somme alors de réunir les joueurs et leur annoncer sa démission. Parmi les présents à la scène, quatre joueurs.
Mourad Meghni, Yazid Mansouri, Chadli Amri et Nadir Belhadj. Ils savent tous les quatre que l’ère Benchikha vient de prendre fin à cet instant précis, la partition est finie. Visiblement ému, Benchikha écrase quelques larmes et demande à réunir une dernière fois «ses» joueurs. Ce qui va se faire illico. Un à un les joueurs descendent de leurs chambres. Une fois tous réunis, Benchikha lâche : «Je vous annonce tout de suite ma démission. Je pars donc en vous laissant au milieu du chemin alors que j’aurais tant aimé qu’on aille au bout de l’aventure ensemble. Les circonstances ont fait que notre chemin se sépare ici. C’est le football et c’est comme ça, quand les résultats ne sont pas là, il faut bien qu’on change quelque chose dans l’équipe et là, c’est à moi de partir, donc, je me retire. Sachez en tout cas que je suis fier d’avoir travaillé avec vous.»
Certains joueurs voulaient le garder, il a essayé d’en profiter
Certains joueurs lui ont manifesté leur soutien en lui disant qu’il ne fallait pas qu’il parte, un autre va même jusqu’à le supplier même en lui disant : «Coach, ne partez pas, ce n’est pas de votre faute si on a perdu ce soir et puis, cela fait trois ans qu’on joue mal», égratignant au passage Rabah Saâdane. Des voix se sont élevées pour le soutenir alors d’autres se sont murées dans un silence. Visiblement revigoré par ces marques de sympathie, Benchikha, tête baissée, laisse tomber quelques larmes qu’il essuiera très vite.
Il va alors essayer de retourner la situation en sa faveur et va une fois de plus voir le président de la fédération. Fort du soutien de certains joueurs, Benchikha va tenter d’expliquer sa démarche au président Raouraoua, en vain. Ce dernier lui apprends que la Fédération vient tout juste de rendre publique sa démission. Le Général est destitué, il sait à cet instant précis qu’il va falloir qu’il parte et le plus vite possible, il monte rapidement dans sa chambre. Les joueurs regagnent en silence leurs chambres et ne daigneront même pas redescendre pour le dîner. C’est Farid le cuisinier qui va se charger «d’alimenter» tout le monde en livrant les joueurs chacun dans sa chambre.
La nuit a été courte
La nuit a été courte ; au petit matin, par petits groupes, les joueurs quittent l’hôtel Palmeraie Golf Palace dans une totale discrétion. Les premiers prennent un taxi pour l’aéroport Marrakech-Menara. Au fil de la matinée, ils vont défiler les uns après les autres, destinations : Paris, Marseille, Madrid. Un à un, les Verts quittent Marrakech tête basse, en silence, ils partent pratiquement tous, comme on s’enfuit.
A. B.