Les images de la traditionnelle cérémonie d’allégeance au souverain alaouite montrant les notables, élus et autres ministres se prosterner devant Mohammed VI, ont donné lieu à une série de critiques inhabituelles au Maroc.
Même si les islamistes au pouvoir n’ont pas bronché contrairement à leurs habitudes, cette cérémonie d’allégeance au roi du Maroc, qui commémore l’accession au trône de Mohammed VI, en rappelant qu’il est le “commandeur des croyants”(amir al-mouminin), des voix se sont élevées au royaume de sa majesté pour dire que “le respect dû au roi n’a rien à voir avec la prosternation et l’humiliation”. Inhabituellement, cette cérémonie d’allégeance, organisée pour la première fois en 1934 en guise de protestation contre la colonisation française du Maroc, a donné lieu une rare série de critiques. En effet, le lendemain de la cérémonie, qui s’est déroulée cette année pour la première fois en présence de ministres islamistes, quelques dizaines de personnes ont manifesté devant le Parlement à Rabat pour appeler à sa suppression, avant d’être dispersées brutalement par les forces de l’ordre. Hamza Mahfoud, l’un des participants à la protestation, a déclaré à l’AFP : “Cette manifestation d’allégeance pour la liberté et la dignité est pacifique et nous voulons à travers elle exprimer notre refus de cette cérémonie humiliante.” Un “manifeste de la dignité” a par ailleurs été signé par une centaine de personnes, appartenant à des ONG et au mouvement contestataire du 20 Février initié dans le sillage du Printemps arabe. En outre, des hommes politiques de gauche et du PJD en sont également signataires. À signaler que la police a fait usage de la force pour disperser le cortège. Il y a lieu de rappeler que quelques jours avant le déroulement des élections de novembre 2011, marquées par la nette victoire des islamistes modérés, le futur Premier ministre, Abdelillah Benkirane, avait lui-même pris position, estimant que “certains aspects” de la cérémonie devaient “être révisés pour se conformer à la modernité”. Il est allé jusqu’à dire : “On est au XXIe siècle”! Un autre responsable du PJD, Abdelali Hamiddine, a jugé lui auprès de l’AFP que la cérémonie d’allégeance “n’est pas nécessaire chaque année”, avant d’ajouter : “Nous devons abandonner ces rituels humiliants pour la dignité humaine. C’est en contradiction avec la modernité politique.” Mais le PJD a participé à la cérémonie d’allégeance sans broncher. Le ministre des Affaires islamiques, Ahmed Taoufiq, qui n’est pas membre du PJD, a banalisé la question en déclarant sur la première chaîne de télévision marocaine qu’il ne s’agit que d’un “renouvellement de la part des Marocains de l’allégeance au roi au titre du contrat politique et religieux global”. Il rappellera ainsi que “l’État qui a été instauré par le Prophète est basé sur l’acte d’allégeance qui s’est déroulé sous l’arbre”. Certes, c’est un fait historique, mais les croyants ne se prosternaient pas devant le Prophète Mohammed (QSSSL). Ceci étant, cette cérémonie d’allégeance ne se déroulait qu’au moment de l’intronisation du nouveau roi mais a été annualisée en 1962 par Hassan II. La décision de son report avait été interprétée par des médias marocains comme un prélude à la suppression de la cérémonie, avant que les autorités ne signalent qu’il était dû au Ramadhan. En effet, c’est en raison du mois de Ramadhan qu’elle a été reportée. Elle ne s’est toutefois tenue que mardi dernier, dans la grande cour du palais royal de Rabat, en présence d’un millier de notables, d’élus et de membres du gouvernement islamiste issu des législatives de 2011 remportées par le Parti justice et développement (PJD). Appelée “beyâa”, la cérémonie d’allégeance au souverain alaouite se déroule tous les 30 juillet, date à laquelle Mohammed VI a succédé en 1999 à son père Hassan II. Comme de coutume, les dignitaires se sont prosternés, par groupes successifs face au roi, en tenue d’apparat sur un cheval noir protégé d’une ombrelle.
M T