Une virée nocturne dans les centres commerciaux de l’est d’Alger, à savoir ceux de Bab-Ezzouar et Ardis, ainsi que la baie baptisée la Balade des Algérois, est pleine d’enseignements. Les uns viennent pour faire leurs courses, d’autres pour prendre des glaces, ou encore pour profiter de la brise marine.
La soirée s’achève très tard. Jusqu’au shour.
Mardi 8 juillet. 21h45. Le Centre commercial de Bab-Ezzouar grouille de monde. Le 11e jour du Ramadhan, à peine le repas terminé, que plusieurs familles affluent déjà sur les lieux. L’accès au parking est déjà encombré. Tout au long du trottoir qui longe le centre commercial, des marchands ambulants proposent tous genres de jouets et de gadgets pour les enfants. À l’intérieur, à peine les magasins ouverts qu’ils sont pris d’assaut par les citoyens. D’autres commerces avaient encore les rideaux baissés, mais cela n’a pas du tout dérangé, du fait qu’une file d’attente était déjà formée et qu’une foule attendait l’ouverture.
Rencontrée sur place, une mère de famille accompagnée de ses enfants nous dira : “Nous sommes venus passer la soirée au centre commercial et profiter de l’occasion pour chercher des vêtements de l’Aïd pour les enfants.” Et au mari de renchérir : “Le choix du centre commercial n’est pas fortuit ; ici nous avons la sécurité et la paix.
En plus, nous n’avons pas de problème de parking et tout est à portée de main. Nous pouvons faire nos courses à Uno, puis, à l’étage supérieur, acheter des vêtements pour les petits et prendre des glaces au moment où les enfants profitent des aires de jeux.” Mais il n’y a pas que les achats, même si cette “corvée” est devenue une sorte de rituel pour le Ramadhan. D’autres personnes rencontrées à Bab-Ezzouar ne cachent pas leur colère quant au manque d’aires de distraction dans la capitale et notamment des endroits où les gens peuvent se sentir en sécurité.
C’est le cas de cette jeune maman qui affirme venir au centre commercial presque par défaut. “Comme il n’y a pas beaucoup d’endroits où aller, alors nous avons opté pour le centre commercial. Au moins ici, nous pouvons rester en toute tranquillité.” Cet avis est largement partagé par ce groupe de filles venues faire les boutiques. Pour elles, “le centre est l’un des rares lieux de la capitale où elles peuvent rester sans être embêtées”, disent-elles. “Ici, les lieux sont sécurisés. Nous habitons dans les quartiers faisant face au centre commercial. Nous venons passer la soirée ici car nous ne risquons rien. Il y a la sécurité et personne ne nous embête. Nous pouvons faire les magasins puis pendre des rafraîchissements sans être inquiétées”, argumente Soumia, une des filles.
À Uno, c’est la ruée
Chez Uno, à peine les caissiers installés que les premiers clients arrivent pour payer leurs courses. Ici, le taux de fréquentation ne fait qu’augmenter. Pour Hocine, accompagné de son épouse, venir au centre commercial est “devenu presque une évidence”. Et d’expliquer : “Où partir alors si ce n’est au centre commercial. Il n’y a pas d’endroits pour les familles. À part les khaïmate fréquentées par les jeunes, nous n’avons pas où aller”, regrette-t-il.
Ardis a toujours la cote
Même décor au centre commercial Ardis. Les lieux sont réputés pour drainer un grand nombre de personnes durant le Ramadhan. Depuis son ouverture, des familles, des groupes de jeunes et moins jeunes viennent rompre le jeûne à la belle étoile et face à la mer. Pour ceux qui fuient les grandes chaleurs et la pollution et qui sont à la quête de la brise marine, ils sont bien servis.
23h. Notre virée se poursuit. La circulation automobile est dense des deux accès du centre commercial.
Des bouchons se forment aux entrées du parking. Les agents de sécurité sont dépassés par le flux de plus en plus important des visiteurs. Pour arriver à Ardis, des jeunes viennent même à pied le long de l’autoroute, malgré tous les risques, portant des tables en plastique, un jeu de cartes ou de dominos afin de passer la soirée face à la mer. “Nous n’avons nulle part où aller. Les animations proposées ne sont pas à notre portée.
Un thé et un kalbellouz à 1 000 DA, c’est trop cher pour nous”, relève Mohamed, venu avec ses amis passer une agréable soirée. “Nous habitons à 5-Maisons, nous venons à pied. Nous restons jusqu’au shour à jouer, discuter et raconter des blagues, et cela ne nous coûte pas un seul centime”, note-t-il. À l’intérieur du centre commercial, ça grouille de monde au point que se frayer un chemin devient difficile.
Les magasins sont pris d’assaut. À l’extérieur, les enfants courent dans tous les sens. Les vendeurs à la sauvette sont également au rendez-vous. “Nous proposons des toupies, des sabres et autres jouets lumineux pour les petits. C’est l’occasion pour nous de nous faire de l’argent de poche”, fait savoir Samir, vendeur à la sauvette installé à l’entrée du centre commercial.
La balade des Algérois… un lieu phare
La rareté des lieux de détente et de plaisance dans la capitale fait que le peu d’endroits existants sont bondés de monde. Depuis son ouverture, la Sablette connaît un réel succès. Et encore plus durant ce mois sacré. 23h30. Des bouchons monstres se forment à l’entrée principale de la Balade des Algérois. Il faut s’armer de patience. Les minutes passent et les voitures avancent très lentement. Même chose pour le deuxième point d’accès. Il faut attendre plus de 20 minutes pour arriver au parking, mais la diffusion de musique gnaouie fait que l’attente était plus agréable. Là, un nouveau dilemme vous attend : après la longue attente, il faut trouver une place de stationnement.
C’est une marée humaine qui se rue chaque soir sur les lieux. Des jeunes et des moins jeunes, en famille ou entre amis, les lieux sont très prisés par le grand public. Les enfants sont heureux. Ça court dans tous les sens, qu’ils soient en trottinette ou en rollers, ils partagent tous la même joie. Les aires de jeux, elles aussi, ne désemplissent pas. Pour leur part, les adultes ont aussi le choix : assister aux concerts de musique ou rester face à la mer et pique-niquer.
Malgré une mer démontée et des petites rafales de vent, plusieurs familles ont choisi la petite plage de la baie pour s’y installer. Pour les familles, l’air marin est reposant. “Bien qu’il y ait du vent et que la mer soit mouvementée, la brise marine nous aide à décompresser”, soulève Siham, une mère de famille.
Elle ajoute que “depuis le début du mois de Ramadhan, nous venons régulièrement. C’est le seul endroit au grand air dans la capitale où nous pouvons rester à notre aise”. Un peu plus haut, sur le gazon, une vieille dame, assise sous un palmier, sirote un café. “Il fait chaud à l’intérieur des maisons, nous venons ici pour profiter de la fraîcheur et passer une agréable soirée. De plus, les lieux sont sécurisés, durant toute la soirée, les policiers circulent et veillent sur notre bien-être”, relate-t-elle. À minuit, d’autres familles arrivent sur les lieux. La soirée n’est pas terminée. Elle ne fait que commencer. Jusqu’au shour.
D. S.