Yennayer… son origine remonte aussi loin que plongent les légendes locales et prend naissance quelques mille ans avant que les chrétiens ne commencent à fixer leur saison sur le parchemin… Mais même si quelque part on est conscient de la dimension historique de l’événement, c’est le côté festif du moment qui prend le pas.
Les marchés des fruits et légumes ont, en un clin d’œil, subi une mutation qui frappe le regard et transporte de joie les enfants … qui pour une fois, ne rechignent pas à porter le couffin aux côtés de papa ou de maman.
A chaque étal où la présentation est soignée, la décoration recherchée… Les produits, aussi bien exotiques que locaux, sont disponibles dans une étonnante diversité. La datte de Tolga côtoie la pistache de Turquie, les amandes d’Algérie ou d’Espagne, l’ananas et la banane des lointaines contrées. Le marché mondial a réussi cet « exploit » de faire cohabiter au même moment, sur la même table, des produits de saisons différentes. Chaque enfant aura ce soir et les jours suivants un petit sac en tissus à la forme d’une besace souvent cousu par la gardienne des traditions, la grande-mère ! Rempli d’un mélange de « Yennayer », l’enfant va le trimballer toute la journée, puisant en toute liberté dans sa provision et surveillant du coin de l’œil le rythme avec lequel son « trésor » va s’amenuiser… qu’importe ! il y aura toujours la « compréhension » des parents pour réapprovisionner son sac. Ce soir, ce sac sera jalousement caché sous son oreiller ! Mais au-delà du côté festif, loin des effets de mode et des ses aspects visuels, éphémères, Yennayer sur la meïda ou la table ce soir (ou demain selon les familles), se sera d’abord, avant tout un plat « immuable » même s’il se décline sous différentes présentation ou appellation. Berkoukes ! Un plat à base de pâtes, un couscous mais dont la graine est plus grosse. Dans le temps, les femmes le préparaient, elles-mêmes, selon un rituel et une dextérité que des peintres de renom ont immortalisé dans des toiles exposés dans de nombreux musées… De plus en plus, ce couscous est acheté directement chez l’épicier du coin… Le temps est passé, mais les ingrédients renvoient, toujours, à ces temps où la générosité de la terre déterminait directement le contenu des plats… Les légumineuses et les fruits secs sont incorporés à ce coucous, et même si le fameux « Keddid » (viande séchée) n’est plus utilisée… le plat en lui-même est resté… Sous le regard étonné des enfants à qui on expliquera chaque année le « geste », jusqu’a ce qu’à leur tour ils l’expliqueront, eux-mêmes, à leur progéniture… La mère va poser un plat rempli de nourriture dans un coin de la maison pour un « mystérieux » invité… ce « père Noël » qui viendra se restaurer sans laisser de cadeaux ! Yennayer, c’est une invocation des forces généreuses pour que le ciel soit clément, la terre généreuse et la maison pourvue en nourriture toute l’année… Ce plat offert symbolise, à lui tout seul, cette hospitalité permanente de la famille maghrébine. Joyeux Yennayer !
M. Koursi