Cela s’est passé le 2 avril 1945, premier Congrès des AML

Cela s’est passé le 2 avril 1945, premier Congrès des AML

Les Amis du Manifeste de la Liberté représentant les principales tendances du nationalisme algérien, tiennent leur premier congrès le 2 avril 1945 pour réclamer entre autre la citoyenneté algérienne.

Rompant avec la politique et les partisans de l’assimilation, Ferhat Abbas rédige le Manifeste du peuple algérien pour défendre le principe de la personnalité algérienne. Il sera signé par 28 élus musulmans et publié le 10 février 1943. Et alors que les Algériens musulmans non dotés de la citoyenneté française avaient été exclus par les régimes politiques français précédents de la jouissance de la liberté individuelle reconnue aux seuls citoyens français, le général de Gaulle signe la fameuse ordonnance du 7 mars 1944. Le document stipule entre autre que «Les Français musulmans d’Algérie jouissent de tous les droits et sont soumis à tous les devoirs des Français non musulmans» et que «Tous les emplois civils et militaires leur sont accessibles».

Cette ordonnance qui est le geste le plus symbolique pris en direction des élites algériennes n reçoit cependant pas l’accueil souhaité par de Gaulle. Unanimement les leaders politiques algériens jugent l’ordonnance du 7 mars 1944, restrictive et sans grande portée politique pour être acceptée. C’est tout au plus pensent-ils, une manière pour le général de Gaulle de gagner du temps.

Messali Hadj déclarait à cette époque : « Les Musulmans algériens ne veulent plus être traités, dans leur propre pays, en homme inférieurs vis-à-vis des autres minorités qui vivent heureusement en jouissant de tous les avantages. Le Musulman algérien demande avec ardeur à jouir de la citoyenneté algérienne, lui garantissant le respect de sa langue, de sa religion, de ses droits politiques, sociaux et économiques pour son émancipation. C’est ainsi qu’il conçoit la démocratie, les libertés de l’homme et du citoyen et la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes »

Ferhat Abbas se rapproche des Uléma et du PPA clandestin en réussissant de former un « front commun » en lançant le 14 mars 1944 sous forme d’association « Les Amis du Manifeste et de la Liberté », les AML. Dans ses statuts l’Association, se définit comme : « un groupement chargé de faire connaître et défendre devant l’opinion publique algérienne et française « Le Manifeste du peuple algérien » du 10 février 1943, et de réclamer la liberté de parole et d’expression pour tous les Algériens. »

Les AML se structurèrent en section sur l’ensemble du territoire algérien et devinrent rapidement une organisation de masse réunissant plusieurs dizaines de milliers d’adhérents.

Au sein des AML, le PPA s’efforçait « de populariser ses mots d’ordre (indépendance, panarabisme, solidarités avec les pays arabo-musulmans et les pays colonisés). Son radicalisme, son caractère populaire, son organisation et son action efficace plaçaient le PPA à l’avant-garde du combat », explique Ahmed Mahsas.

Le premier Congrès des AML se tient le 2 avril 1945. Très vite, apparaissent les dissensions entre les différents courants. Chaque section est invitée à élire des représentants. Il y a parmi les congressistes des militants du PPA, des Oulémas et des partisans d’Abbas. Mahfoud Kaddache raconte : « Le PPA voulut profiter du congrès pour affirmer la primauté de la question nationale sur toute autre forme de revendication. Il fallait se servir du climat d’enthousiasme pour compromettre tous les modérés, les amener à parler publiquement de l’indépendance et à la réclamer. Les manœuvres de l’Administration visaient à détacher ces éléments de la cause nationale, à les dresser contre l’idée nationaliste. Le PPA voulait au contraire les lier à la patrie algérienne, à l’indépendance et au drapeau algérien que certains étaient prêts à sacrifier. Dans une atmosphère très enthousiaste et de mystique religieuse, on prêta serment sur le Coran.»

Les exigences du congrès, dictées principalement par le PPA se résument à «la reconnaissance de la nationalité algérienne » ; «l’établissement d’une constitution algérienne démocratique et républicaine » ; «le remplacement des Assemblées algériennes par un Parlement élu» ; «le remplacement du gouvernement général par un gouvernement algérien» ; «la reconnaissance des couleurs algériennes». De Plus, une motion reconnaissant Messali Hadj comme «leader incontestable du peuple Algérien» est votée, protestant contre les mesures prises à son encontre, notamment son astreinte à la résidence surveillée.

Ainsi, l’esprit du Manifeste demeure, de même que son programme reste à la base de l’action. Mais l’Administration française interprète le congrès comme le triomphe du PPA sur la tendance modérée. Elle emploiera contre les AML répression, division et menaces.

Inquiets de la popularité grandissante de Messali, les autorités coloniales décident de le transférer à El Goléa (El Menia aujourd’hui), puis de le déporter à Brazzaville le 23 avril 1945.

Synthèse K.T.

Sources :

Saddek Benkada, « La revendication des libertés publiques dans le discours politique du nationalisme algérien et de l’anticolonialisme français (1919-1954) », Insaniyat, 25-26 | 2004 : L’Algérie avant et après 1954.

Kaddache Mahfoud, « Histoire du nationalisme algérien, Tome II, 1939-1951», Paris, Ed. Paris-méditerranée, 2003

Mahsas Ahmed, «Le mouvement révolutionnaire en Algérie de la Première Guerre Mondiale à 1954, Essai sur la formation du mouvement national », Paris, L’Harmattan, 1979