Ce sont surtout ceux de l’intérieur du pays qui la ressentent le plus ,La grande solitude des artistes peintres

Ce sont surtout ceux de l’intérieur du pays qui la ressentent le plus ,La grande solitude des artistes peintres

Le paysage dans lequel évoluent les arts plastiques en Algérie est vaste et varié.

Ce paysage se caractérise, géographiquement, par une grande diversité, et un éclectisme surprenant tant au niveau de l’imaginaire que sur celui de la sensibilité. L’esthétique est définie par le style, la technique, la thématique. Chaque artiste ou plasticien, s’illustre selon son tempérament, sa personnalité et selon donc son moi profond, ce moi qui lui insuffle l’inspiration et qui est alors à l’origine de toute œuvre d’art dans une création à la valeur avérée.

Ils sont nombreux à avoir du talent et un sens de la créativité. Ils sont nombreux à être habités par quelque chose de particulièrement intense et de vraiment émotionnel, c’est-à-dire par une muse qui les éperonne et les pousse jusqu’aux cimes, voire au paroxysme de l’inventivité, de la fécondité ou encore de la hardiesse artistique. Ils sont nombreux, ceux qui honorent, bien entendu, la culture algérienne, mais ils sont très peu à avoir la cote, à être médiatisés, donc à avoir la place qu’ils méritent sur la scène artistique.

Les plasticiens qui souffrent le plus de l’anonymat, sont ceux qui vivent à l’intérieur du pays. Seuls les artistes des grandes villes et surtout ceux d’Alger bénéficient d’une certaine reconnaissance. Même si celle-ci n’est pas totale, elle reste suffisante pour que ces artistes se sentent artistes à part entière et ce, grâce aux conditions favorables à leur développement artistique, et aboutissent, du coup, à leur maturité créative. Il ne faut pas croire qu’ils sont fortunés, mais au moins ils peuvent se réaliser à travers leur art, lorsqu’ils exposent ou quand on parle d’eux dans les médias. Il faut dire aussi que ce ne sont pas tous les artistes des grandes villes qui jouissent de ce privilège ô combien rare et précieux, un privilège cher à tous. Même parmi eux, il y en a qui sont oubliés, marginalisés, inexistants. C’est en effet uniquement une poignée qui a cette possibilité d’exposer, de se faire connaître auprès du grand public et, dans le meilleur des cas, de vendre. Les autres vivent dans un anonymat frustrant et décourageant. Ils y stagnent, voire y végètent. Ils sont nombreux à être en quête désespérée de reconnaissance, de gloire. Tous fantasment sur leur talent. Ils rêvent de vivre de leur art. Mais cela n’est qu’une utopie. Cela pour un grand nombre d’artistes des grandes villes. Quant à ceux de l’intérieur, il se trouve qu’ils n’ont aucune visibilité, aucune existence ; ils sont là à dépérir avec le temps, à défaut de conditions propices à leur épanouissement. Au fil des années, ils voient, en effet, le talent, dans lequel ils puisaient tout leur orgueil artistique, s’étioler, leur sensibilité se dessécher et leur imagination se figer. Avec le temps, ils finissent, malgré eux, par renoncer à leur fibre artistique, se laissant aller dans la morosité du quotidien. Ils finissent par renoncer à leurs rêves, ces rêves dans lesquels ils se voyaient écumer les galeries d’art et faire la part belle du marché de l’art. Ils finissent alors, dans un dernier soupir de dépit et d’amertume, par se résoudre à l’évidence et s’accepter comme étant des «artistes ratés».

Y.I