On a patienté deux ans pour revoir la Family Djem3i sur les écrans. Dans le salon d’attente, on a regardé El Hadj Lakhdar pousser l’humour au suicide, pendant qu’on frisait l’apoplexie.
Après une première saison bouffée d’air, une seconde qui en a plutôt pompé, la série qui nous a redonné foi dans le miracle humoristique sur la télévision algérienne, revient cette année pour une troisième saison, encore plus aérée au sens propre et figuré, nous dit-on. Au final, on a troqué un convivial salon contre un habitacle à commercialiser, sonorisé exclusivement par un opérateur téléphonique, la bouche pleine de chips et de yaourt au bifidus actif pour faire passer d’autres chips…les gentils policiers.
Que s’est-il passé ? Djaâfar Gassem, le concepteur et réalisateur de ce show à la blidéenne, qu’on a connu plus inventif, serait-il en train de liquider un contrat qui lui échappe (cette troisième saison serait la dernière) pour la boîte qui produit la série ? La fameuse Sd Box, une agence de pub qui a transformé la sitcom en spot com. Les acteurs ne sont plus que des présentoirs à produits, la réplique passe au second plan, et ça se voit.
On n’est donc plus dans une sitcom, se caractérisant généralement par des décors en intérieur, cette fois on sort pour suivre une “aventure” sur la route, mais au bout de cinq épisodes le scénario a déjà fait plusieurs dérapages et ne la tient plus, l’alibi s’est vite crashé, et tout le monde a compris : on est sortis pour faire du placement de produit, une marque de voiture, qui, d’épisode en épisode, ressemble plus à de l’incruste. C’est gros comme un parebuffle. Idem pour le sachet de chips, le yaourt, la limonade, le bidon de peinture, l’opérateur téléphonique…ce dernier, le plus boulimique en présence, est aussi le sponsor d’avant et après les génériques (seul bon point à soulever, ces derniers sont toujours assez bien fait : rythmés, courts et efficaces).
On croyait que Djem3i family était bien parti pour nous faire rire plusieurs saisons de suite, les plus optimistes osaient spéculer sur une diffusion à l’année, mais “le Ramadhan de marché” en a décidé autrement. Après onze mois de jeûne, letéléspectateur/consommateur algérien doit être gavé de publicité avant le décrochage de l’Aïd, mais pas seulement…
Nouveauté cette année, un placement de couleur : le bleu police est à la mode sur nos petits écrans qui se plient en 5 pour nous montrer à peu près la même chose. En plus des émissions sur le terrain à longueur d’année autour des interventions, formations et promotions de nos gardiens de la paix, l’image de la Sûreté nationale s’invite désormais dans les fictions du Ramadhan…et chez Djem3i. Un pathétique Colombo(qui n’a même pas laissé refroidir le pauvre Peter Falk) mène l’enquête dans un commissariat prototype avec de faux vrais policiers en uniforme bien repassé, ou vice versa ! Et Hamid Achouri, rarement aussi mauvais, se déguise en motard, il ne joue plus, il imite…Affligeant. À des années lumières de la subtilité de l’inspecteur Tahar et de sa dérision subversive. On en est encore à le regretter, c’est dire le bilan. Mais à l’époque il fallait encore savoir jouer pour trouver sa place, désormais il suffit de se placer pour jouer…avec les nerfs des téléspectateurs.