Ce qui s’est vraiment passé un certain 26 Mars 1962 à Alger: La Fusillade de la Rue d’Isly

Ce qui s’est vraiment passé un certain 26 Mars 1962 à Alger: La Fusillade de la Rue d’Isly
ce-qui-sest-vraiment-passe-un-certain-26-mars-1962-a-alger-la-fusillade-de-la-rue-disly.jpg

Les victimes européennes de la fusillade de la rue d’Isly du 26 mars 1962 à Alger sont tombées sous les balles de l’armée française et aussi de l’OAS; l’Organisation de l’Armée Secrète, connue à travers le sigle OAS, est une organisation politico-militaire clandestine française, créée le 11 février 1961 à Madrid pour la défense de la présence française en Algérie par tous les moyens, y compris le terrorisme à grande échelle.

La foule rassemblée pour soutenir l’action criminelle de cette organisation, contre l’indépendance de l’Algérie et contre la France de la métropole, a été mitraillée de toutes parts. Le 18 mars 1962, des accords sont signés à Evian par le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République Algérienne (GPRA). Ces accords qui allaient pouvoir mettre fin à la guerre d’Algérie stipulaient, dans leur article 1, que le cessez-le-feu serait proclamé le 19 mars 1962 à midi sur le terrain par les Etats-majors de l’Armée française et de l’Armée de Libération Nationale Algérienne (ALN). Le même 18 mars, l’OAS commente publiquement, et à sa façon, les accords d’Evian qu’elle présente de façon tronquée. Le 19 mars, les suppléments hebdomadaires des journaux algérois «La Dépêche quotidienne» et «Le Journal d’Alger» se font largement l’écho de l’OAS et annoncent «l’abandon complet de la minorité européenne livrée aux tueurs du FLN».

Le 19 mars, alors que le cessez-le-feu est proclamé, une émission pirate de l’OAS diffuse une déclaration du général Raoul Salan, chef de l’OAS, qui condamne le cessez-le-feu et donne l’ordre de «commencer immédiatement les opérations de harcèlement dans les villes, contre les forces ennemies», c’est-à-dire les Algériens, l’ALN, l’armée française, les CRS, les gendarmes, les policiers. Cette organisation a même menacé de mort les européens qui tentaient de quitter l’Algérie.

Le 20 mars à Alger, un commando «Delta» de l’OAS assassine, dans la cellule du commissariat de police d’Hussein-Dey où ils sont détenus, quatre algériens arrêtés, tandis que d’autres ultras lâchés en ville ratonnent dans les quartiers européens qu’ils veulent interdire complètement aux Algériens. Un détachement OAS tire au mortier sur l’un des endroits des plus populaires d’Alger, la place du gouvernement (actuelle place des Martyrs) au bas de la Casbah. Bilan : 24 morts et 59 blessés, tous algériens.

LG Algérie

Nuit du 22 au 23 mars, les commandos «Z» de l’OAS s’installent à Bab-el-Oued. Au matin, une patrouille d’appelés du contingent français tombe dans leur embuscade : bilan, 3 morts et 3 blessés graves. Les gendarmes mobiles bouclent le quartier. L’OAS tire des balcons, des terrasses, transformant les rues en terrain de guérilla.

Malgré l’appui de l’aviation, l’OAS tire à la mitrailleuse sur les gendarmes. Bilan : 15 morts, 70 blessés. Bab-el-Oued est alors bouclée, coupée d’Alger et fouillée durement de fond en comble.

L’objectif de l’OAS est de briser le blocus de Bab-el-Oued et de désarmer l’armée en lui opposant une masse de civils désarmés, et recréer au centre d’Alger une zone insurrectionnelle, et faire oublier aux Pieds noirs l’échec de la bataille de Bab-el-Oued et l’arrestation de Jouhaud à Oran par le général Katz.

Le Préfet de police d’Alger, Vitalis Cros, interdit la manifestation, fait diffuser toutes les demi-heures un communiqué, tandis que des voitures haut-parleurs militaires sillonnent la ville pendant toute la matinée, répétant inlassablement, tout au long des rues, «la mise en garde officielle» qui avertit que «les forces du maintien de l’ordre les dispenseront (les manifestations), le cas échéant , avec la fermeté nécessaire».

Le 26 mars à Alger, un cortège de 3000 à 4000 Européens partisans d’une Algérie française, descendus du plateau des hauts d’Alger, se dirige vers Bab-el-Oued pour affirmer leur solidarité avec le quartier martyre. Parmi les forces militaires prévues pour maintenir l’ordre, figurent la 6e compagnie, la 5e compagnie et une compagnie mixte du 4e RTA (Régiment de Tirailleurs Algériens). Dès leur arrivée à Alger, quelques jours plutôt, ces 3 compagnies ont été engagées à Bab-el-Oued où elles ont essuyé le feu des commandos OAS les mitraillant du haut des balcons et des terrasses. Les soldats français sont tendus ; quelques instants auparavant, une vingtaine de jeunes gens, brandissant un drapeau OAS, les ont insultés, injuriés. Un homme et le porte-drapeau qui l’accompagne, à peine franchi le barrage, appelle la foule : «Tous à Bab-el-Oued !» Trois cents personnes se précipitent, bousculent les militaires qui se trouvent pris à revers. C’est l’hystérie, l’échauffourée éclate.

Une rafale de FM claque, deux fusils-mitrailleurs OAS se mettent à tirer en feux croisés à partir des étages supérieurs de l’immeuble du 64 de la rue d’Isly (actuelle rue Larbi Ben M’hidi), de celui de la «Warner Bros» (actuel Anep) au coin de la rue d’Isly et de l’Avenue Pasteur. Quatorze emplacements de tirs de l’OAS seront dénombrés avec précision après la manifestation. Des grenades explosent également au milieu de la foule. Or, aucun militaire du régiment n’en est muni. De nouvelles fusillades éclatent au Forum et au carrefour de l’Agha où des tireurs de l’OAS prennent les gendarmes pour cibles. Après la fusillade, l’OAS proclame que ce sont les «fellaghas de la Willaya 4 qui ont ouvert le feu sur une foule désarmée et pacifique, et qu’ils ont même achevé les blessés». Des Européens, revenus de leur stupeur, rendent les musulmans responsables de la tuerie. Pour eux, ce sont des agents provocateurs FLN qui l’ont organisée. La fusillade achevée, ils se font justice au quartier de Belcourt où 10 Algériens sont assassinés sur le champ.

Le bilan des actions menées par l’OAS, à Alger, entre le 19 et le 26 mars : 56 morts et 149 blessés (Algériens, militaires français), auxquels il faudrait ajouter toutes les autres victimes d’attentats OAS et de ratonnades de cette même période.

Certes, la fusillade de la rue d’Isly eut, elle aussi, un lourd bilan : 41 morts et 130 à 200 blessés européens, selon certaines sources. Mais combien, parmi ces victimes, sont tombées sous les balles criminelles de l’OAS ? Certaines ont bien été tuées par les militaires français en état de légitime défense.

Quoiqu’il en soit, cette fusillade tragique résulte bien de la volonté criminelle de l’OAS de tout mettre en œuvre pour empêcher la mise en place du cessez-le-feu et précipiter la population européenne dans un cycle de meurtres, de ratonnades et de terre brulée.

Le cessez-le-feu du 19 mars 1962 est bien l’événement déterminant, marquant, fondamental qui ouvrit la porte et permit d’aboutir enfin à la paix. Et les victimes de la fusillade de la rue d’Isly sont tombées pour soutenir l’OAS qui les a manipulées et utilisées, de façon mortelle, pour ses agissements criminels contre la paix et l’indépendance de l’Algérie.

l Rachid Moussaoui