Ce qui s’est réellement passé à Bangui

Ce qui s’est réellement passé à Bangui
L’article publié mercredi intitulé «Les moustiques et les excréments» a suscité de nombreuses réactions de tout bord, car il a interpellé bien des consciences. D’aucuns nous ont fait le reproche de ne pas avoir cité de noms. C’est une position que nous assumons parfaitement, car il n’est pas dans notre intention de jeter des joueurs à la vindicte populaire, mais seulement de dénoncer le comportement scandaleux d’une partie du groupe des Verts envers tous les représentants des médias qui s’étaient déplacés en République centrafricaine. Une partie du groupe seulement et non pas l’ensemble des joueurs –nous l’avions bien précisé dans l’article-. Il se trouve que les joueurs en question sont émigrés, mais ce ne sont pas tous les joueurs émigrés qui sont dénoncés. Nous savons faire la part des choses. Afin que nos lecteurs aient une idée plus précise de ce que nous dénonçons et des quelques joueurs qui sont visés, nous leur donnons ces précisions fort instructives.

Le problème n’est pas dans le refus, mais dans les mauvaises manières

Que des joueurs ne veuillent pas s’exprimer devant les représentants des médias, c’est leur droit le plus absolu, mais il y a des manières et des convenances à respecter. Ce n’est pas le fond que nous contestons, mais la forme. On peut refuser de s’exprimer avec courtoisie et respect, sans remarques ou gestes désobligeants. Or, quelques joueurs ayant fait le déplacement avec la sélection à Bangui ont refusé de s’exprimer en usant de propos vexants, voire même humiliants envers tous les journalistes présents et non pas seulement à l’encontre des envoyés spéciaux du Buteur. Cette hostilité envers la presse s’est manifestée par plusieurs petits «incidents» qui renseignent sur l’état d’esprit qui anime ces joueurs.

«Les moustiques sont là !»

Des journalistes s’étaient rendus à l’aéroport de Bangui pour l’arrivée de la délégation algérienne dans la capitale de la République centrafricaine. En les voyant à l’attente, des joueurs ont lancé : «Les moustiques sont là !» L’allusion aux journalistes présents était claire. Elle a été davantage explicitée lorsque l’un d’eux a dit à un coéquipier, au moment de rejoindre l’hôtel : «Ferme bien ta bouche et tes oreilles. Il y a des abeilles qui rôdent.» Une déclaration qui a choqué les confrères présents lesquels n’en croyaient pas leurs oreilles. Même lors de la séance d’entraînement du lendemain, les joueurs «insectophobes» -toujours les mêmes- ne cessaient de faire des commentaires cyniques sur la présence récurrente des «moustiques» et des «mouches».

On claque la porte à la face des «mouches»

Alors que les membres de la délégation algérienne étaient confinés dans leur hôtel –Bangui est loin d’être un coin de paradis-, deux d’entre eux ont projeté de sortir afin d’acheter des souvenirs. Or, en voyant des journalistes dans la rue, l’un d’eux a vite fait de refermer la porte. Sans doute a-t-il signalé à son comparse la présence de mouches et a-t-il eu peur qu’elles ne l’entourent ! Pourtant, lesdits journalistes étaient là juste par hasard et n’étaient pas en quête d’une déclaration. Claquer ouvertement la porte à la face de personnes qui, de surcroît, ne demandaient rien relève d’un manque flagrant d’éducation. Etre hostile à quelque chose ou à quelqu’un n’autorise nullement son homme à manquer de politesse.

«Allez vers l’arrière ! Ici, c’est réservé aux joueurs»

Pour le retour à Alger, le président de la Fédération algérienne de football, Mohamed Raouraoua, avait invité les journalistes ayant fait le déplacement à accompagner la délégation dans le vol spécial affrété à cet effet. Alors que tout le monde s’installait, notre photographe, bloqué par des gens qui étaient en train de placer leurs bagages, a dû s’arrêter quelques instants au niveau d’un joueur. Ce dernier s’est empressé de lui crier : «Allez vers l’arrière ! Ici, c’est réservé aux joueurs.» C’était dit méchamment. Or, notre photographe savait bien, tout comme tous les représentants de la presse ayant l’habitude d’accompagner la sélection, qu’il ne devant pas se mettre avec les joueurs et il n’avait aucunement l’intention de le faire. Il s’était arrêté uniquement parce que d’autres avaient bloqué l’allée de l’appareil. Madjid Bougherra a été contraint d’intervenir pour défendre notre photographe auprès de son coéquipier qui, parce qu’il est suspicieux et susceptible, s’est montré méprisant.

Yahia, Bougherra et Lacen, le bel exemple

A travers ces quelques exemples, il est clair que le problème n’est pas dans le refus de certains joueurs de parler à la presse, mais dans le mépris qu’ils affichent envers les gens de la corporation. On dit bien certains joueurs, car loin de nous de mettre tout le monde dans le même sac, il existe des internationaux ayant de tout temps été animés d’un vrai esprit professionnel et qui acceptent d’affronter les journalistes même lorsque ça va mal, comme l’a fait Anthar Yahia après la défaite de Bangui. Même lorsqu’ils ne veulent pas s’exprimer, ils le font savoir de manière polie et correcte, comme cela a été le cas pour Mehdi Lacen qui a décliné nos sollicitations par deux fois de manière très respectueuse ou Madjid Bougherra qui nous a dit être trop affecté et déboussolé dans sa tête pour pouvoir s’exprimer. Pourtant, ces trois-là (et il y en a d’autres aussi corrects et respectueux qu’eux) sont tous des émigrés, mais ils n’ont pas la même mentalité que cette poignée d’autres joueurs émigrés visés par notre article lesquels usent de dédain, d’arrogance et de mépris.

Quand on ne gagne pas, on doit faire profil bas

Ce qui fait le plus mal dans ce comportement, c’est qu’il intervient à une période où la sélection ne marche gagne plus, ce qui commanderait que les joueurs fassent plutôt profil bas et aient au moins la décence de ne pas humilier autrui, de surcroît lorsqu’il s’agit de compatriotes. Des compatriotes qui ont effectué un long périple à plusieurs escales à travers l’Europe et l’Afrique pour arriver à Bangui et qui, à la fin, se voient méprisés par une poignée de joueurs qui se croient supérieurs. Pour la gouverne de ces allergiques aux moustiques, nous, au Buteur, nous avons suivi la sélection nationale partout, même lorsqu’elle était au plus bas, à l’époque où il ne faisait pas bon d’être Vert et où les matches se déroulaient devant des gradins presque vides. Nous ne sommes pas des Algériens de la dernière heure comme le sont certains de ceux qui ont un problème avec les mouches.

Avec les médias européens, c’est autre chose !

Quand on pense que Laurent Blanc, à sa nomination à la tête de l’équipe de France, a édicté des règles visant à favoriser les relations entre les joueurs et les médias, il y a de quoi méditer. Par exemple, il a interdit aux joueurs de se présenter en zone mixte avec un casque d’écoute aux oreilles, par respect pour les journalistes. Or, deux ou trois joueurs algériens «accueillent» souvent la presse en mettant un casque, comme pour signifier aux confrères qu’ils ne sont pas disposés à les écouter, ce qui montre bien le degré de leur «respect» pour la presse algérienne. Or, ces mêmes deux ou trois joueurs n’hésitent jamais à répondre favorablement aux sollicitations des médias européens, même ceux qui se sont montrés à la limite insultants, comme ce journaliste du journal français Le Monde qui avait traité, en pleine conférence de presse durant la Coupe du monde, la sélection nationale d’«équipe de France bis». Nous sommes certains que, malgré cet affront, les joueurs zélés en question s’empresseront de répondre favorablement à une éventuelle sollicitation de ce journal. Pour eux, seuls les journalistes algériens sont des mouches et des moustiques.

Abedi Pelé, champion d’Europe, n’a pas peur des «moustiques»

Par quoi conclure ? Rien de mieux que par cette déclaration que nous avait faite l’ancien international ghanéen Abedi Pelé dans l’interview qu’il nous avait accordée à Johannesburg : «Sans les journalistes, nous, joueurs, ne sommes rien. C’est vrai que, parfois, ça nous fait ch…, mais on s’y est habitués. De temps en temps, il faut qu’on parle de toi et il faut que tu dises des choses. Même s’il s’agit de choses négatives, on a envie qu’on parle de toi. Si je réponds à toutes les sollicitations, c’est par respect pour le public et par respect aussi pour les journalistes. Ce n’est pas concevable qu’un journaliste vienne t’attendre pendant deux ou trois heures et ne te voit pas. Le football m’a donné beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses : le pouvoir, le respect… Si j’en suis arrivé au niveau de vie que j’ai actuellement, c’est grâce au football et aux journalistes.» L’auteur de ces paroles est un Africain ayant réussi en France et vainqueur de la Ligue des champions. Voilà des paroles sages d’une star, une vraie, qui ne voit pas des moustiques là où il n’y en a pas.