Les Japonais n’ont toujours pas décoléré, après l’assaut final, samedi, des forces spéciales de l’ANP contre le groupe terroriste auteur de l’attaque et de la prise d’otages au complexe gazier de Tiguentourine. Ceci alors que le reste des pays dont des ressortissants étaient également faits otages s’est, après leurs premières déclarations inquiètes, vite montré compréhensif. D’où vient cette distincte attitude nippone ?
De l’ensemble des gouvernements directement concernés par la prise d’otages de Tiguentourine, seul le Premier ministre japonais a demandé à son homologue algérien de renoncer à l’assaut contre les terroristes preneurs d’otages. On peut comprendre que, dans un premier temps, ne disposant pas de suffisamment d’informations, le Japon, hautement préoccupé par la sécurité de ses ressortissants se trouvant sur le site, aurait pensé et souhaité d’autres dénouements possibles.
Cependant, incompréhensiblement, l’attitude japonaise est demeurée la même après que les autorités algériennes eurent expliqué que l’assaut était inéluctable, tant est que les terroristes menaçaient d’exécuter leurs otages et qu’à un moment, jeudi, ils ont tenté de quitter la base de vie emportant des otages.
Des témoins, dont il faudra cependant vérifier la véracité des faits qu’ils ont racontés, révéleront, après l’assaut final, que trois ressortissants japonais étaient tués dans l’attaque du bus (ils auraient tenté de fuir) et que six autres étaient exécutés par leurs ravisseurs juste après, dans la base de vie. Serait-ce cette information que les Japonais auraient pu avoir dès mercredi déjà qui a provoqué autant d’ire chez eux, mais qui les a aussi incités à vouloir épargner le reste de leurs ressortissants ? N’ayant pas connu le terrorisme islamiste, donc ne l’ayant pas combattu sur leur propre sol, la notion du tout sécuritaire pourrait leur paraître, par quelques aspects, notamment politiques, peu digeste. Par ailleurs, l’on sait, depuis l’attaque en 2003 contre l’Irak de la coalition internationale dont ils avaient fait partie, que les Japonais sont plus portés sur la négociation et le paiement de rançon aux terroristes preneurs d’otages que sur la solution militaire.
Le Japon, qui avait déployé en Irak une force de 600 hommes début 2004, a dû, sous la pression des groupes djihadistes qui menaçaient d’exécuter ses ressortissants faits otages, la retirer deux années plus tard, vers juillet 2006. Cet antécédent donne à comprendre que le Japon reste fondamentalement réfractaire à la solution radicale notamment quand elle met en danger ses ressortissants. Mais sa réaction à ce qui s’est passé entre mercredi et samedi à Tiguentourine (In Aménas) pourrait aussi s’expliquer par le niveau et le rythme des échanges diplomatiques ainsi que la nature de la relation diplomatique elle-même entre l’Algérie et le Japon. Courtoise, voire plus, la relation diplomatique entre les deux pays est loin d’atteindre le niveau de la relation que l’Algérie entretient avec les pays européens, la Grande-Bretagne et la France notamment, et les Etats-Unis d’Amérique.
Avec ces derniers, outre la coopération économique qui incite à une mise à jour régulière de la relation diplomatique, l’Algérie a également conclu des accords sécuritaires. Américains et Britanniques adhèrent d’ailleurs au consensus international contre le paiement de rançons aux terroristes, un consensus inspiré par l’Algérie.
Ce considéré, il est aisé de saisir ce qui distingue notablement entre la réaction européenne et américaine et celle japonaise par rapport à l’assaut donné par les forces spéciales de l’ANP contre le groupe terroriste qui a attaqué le complexe gazier à In Aménas et fait près de 700 otages parmi les travailleurs.
Inconsolable, le gouvernement japonais a trouvé, à l’évidence, confort dans l’appel téléphonique, dimanche, de François Hollande au Premier ministre Shinzo Abe. La relation diplomatique entre la France et le Japon étant plus fine, le Premier ministère japonais aurait souscrit à la proposition de Hollande de renforcer la coopération entre les deux pays sur les questions de sécurité concernant le continent africain et la lutte contre le terrorisme.
S. A. I.