Le projet de loi de finances et du budget sera présenté prochainement devant les deux chambres du Parlement. Ce texte — dont l’objectif premier est de régir l’activité économique du pays à travers, notamment, l’affectation des ressources de l’Etat — comporte une série de dispositions censées renforcer la protection sociale et réduire la pression fiscale sur les citoyens, faciliter l’accès au crédit immobilier et soutenir le secteur industriel public.
Les pouvoirs publics ont prévu d’accorder des facilités à certaines catégories socioprofessionnelles tout en imposant de nouvelles taxes (tabacs et vins). La taxe sur les bateaux de plaisance, que l’on pourrait assimiler à un impôt sur la fortune, paraît toutefois désuète : les milliardaires de ce pays n’ont pas tous le pied marin.
Tarek Hafid
IMPORTATION ET DISTRIBUTION DE MÉDICAMENTS

Un prélèvement de 5 % sur les bénéfices
Le projet de loi de finances 2010 prévoit un prélèvement de 5 % sur le bénéfice net des importateurs et des distributeurs en gros des médicaments importés pour la revente en l’état. Cette mesure est justifiée, selon ses initiateurs, par les dispositions de la politique nationale du médicament et par la dépense en médicament des organismes de sécurité sociale. «Elle constitue le premier poste de dépense de l’assurance maladie et a dépassé en 2008, 77 milliards de dinars, soit un milliard de dollars américains», explique le législateur. A ce chiffre s’ajoutent les montants des dépenses du chapitre médicaments inclus dans le forfait hôpitaux et les factures de soins émanant des structures privées conventionnées.
Ainsi il est annoncé que plus de 70 % de la consommation nationale en produits pharmaceutiques est financée par la Sécurité sociale. «Avec ce prélèvement, il s’agit aussi d’assurer des sources complémentaires de financement de la Sécurité sociale autres que la cotisation à l’instar de très nombreux pays», selon le législateur. Il est ainsi fait référence au contexte des réformes engagées dans le domaine du financement des soins de santé, avec notamment la mise en œuvre de la nouvelle tarification des actes médicaux et la contractualisation des établissements publics de santé. Le cas de la France est aussi cité comme pays d’origine de la majorité des médicaments importés par l’Algérie. Il est rappelé que dans ce pays, une redevance reversée à la Sécurité sociale est imposée aux firmes pharmaceutiques qui tirent leurs bénéfices en premier lieu de la Sécurité sociale. Cette mesure exonère en outre la production pharmaceutique nationale.
Le produit de ce prélèvement sera reversé au Fonds national de la sécurité sociale. Par ailleurs, souligne le législateur, s’il est pris en référence 2 milliards de dollars américains comme montant annuel de la facture d’importation du médicament, soit 150 milliards de dinars, et un bénéfice généré par cette activité de l’ordre de 10 %, soit 15 milliards de dinars, 5 % au titre du prélèvement sus-indiqué représenterait 750 millions de dinars.
INSERTION DES JEUNES
L’État prendra en charge les cotisations sociales
Le projet de loi de finances 2010 prévoit la prise en charge par l’Etat de la part due au titre de la cotisation sociale perçue sur la rémunération de chaque travailleur recruté dans le cadre du dispositif d’insertion sociale des jeunes diplômés ainsi que du dispositif d’activité d’insertion sociale. «La modification vise l’élargissement du taux réduit de la part due au titre de la cotisation sociale par l’employeur. Ceci dans le cadre du dispositif d’insertion sociale des jeunes diplômés ainsi que du dispositif d’activité d’insertion sociale», souligne le législateur. Il est ainsi expliqué que ce dispositif est longtemps resté sans application en raison du problème de la détermination de la part due au titre de la cotisation sociale perçue sur la rémunération des jeunes diplômés. Par ailleurs, le dispositif d’activité d’insertion sociale est actuellement en examen au niveau du secrétariat général du gouvernement. Il a notamment pour objectif, selon ses initiateurs, l’insertion sociale des jeunes sans revenus, en situation de précarité sociale, dont ceux issus de la déperdition scolaire, ainsi que la valorisation des actions pour le développement d’intérêt local dans les communes peu couvertes ou exploitées de manière insuffisante.
De nouvelles taxes entreront en vigueur
Tabac : le tarif de la taxe additionnelle sur les produits tabagiques connaîtra un relèvement et passera de 6 à 8 DA. Le produit de cette taxe sera affecté à raison de 6 DA au Fonds pour l’urgence et les activités de soins médicaux, 1 DA au Fonds de solidarité et 1 DA au Fonds national de sécurité sociale. Bateaux de plaisance : institution d’une taxe spécifique fixée à 250 000 DA applicable à l’achat de yachts et de bateaux de plaisance à voile avec ou sans moteur. Cette mesure concerne les bateaux jaugeant au moins 5 tonneaux de jauge internationale. Alcool : le tarif du droit de circulation sur les vins connaîtra aussi une hausse. Dans l’article 176 du code des impôts indirects, il est ainsi indiqué que le tarif du droit de circulation sur les vins est fixé à 8 000 DA l’hectolitre. Cette taxe a connu une hausse en raison de l’augmentation constante des prix des matières premières entrant dans la fabrication du vin.
RÉPRESSION DES FRAUDES
Plus de primes pour les inspecteurs
Le dispositif d’intéressement au profit des agents de contrôle économique et de la répression des fraudes va être revu. Les ressources du Fonds de revenus complémentaires — créé en 2006 et dont les ressources proviennent des produits des amendes et des saisies — s’est avéré insuffisant pour motiver cette catégorie de personnel relevant du ministère du Commerce. «Il est à noter que le montant versé au fonds au titre des exercices 2007 et 2008 est de l’ordre de 10 558 787 DA, représentant par rapport aux effectifs réels du secteur du Commerce une quote-part moyenne de 3 064,30 DA par agent et par an. Le retard enregistré dans l’allocation de cette prime conjugué à la faiblesse du montant perçu par chaque agent n’ont pas manqué d’avoir un impact négatif sur le moral des agents et, par conséquent, produire l’effet contraire des objectifs visés à travers l’institution de cette indemnité. Cette situation est d’autant plus ressentie par le collectif des agents de contrôle du ministère du Commerce que leurs homologues relevant du secteur des finances et accomplissant des missions similaires perçoivent, depuis plusieurs années, des primes largement plus conséquentes.» Pour relever «le moral» des troupes, l’article 63 du projet de la loi de finances 2010 prévoit d’élargir la rubrique destinée à l’alimentation du Fonds aux «pénalités liées au défaut de facturation et à la mise au jour des chiffres d’affaires non déclarés».
FISC
Possibilité de réparer les erreurs matérielles
Les responsables des structures locales de l’administration des impôts vont bénéficier de plus d’indépendance et verront leurs prérogatives renforcées à la lueur de l’article 26 du projet de loi de finances. Dès l’année prochaine, les directeurs des impôts de wilaya ainsi que les chefs de centres et de centres de proximité auront la possibilité de «réparer toute erreur manifeste commise lors de l’établissement d’imposition ». Auparavant, les responsables de l’administration du fisc ne pouvaient intervenir directement lorsqu’un contribuable était victime d’une erreur matérielle. D’où la volonté des autorités d’amender l’article 95-1 du code de procédures fiscales dont la teneur était jugée ambiguë. «Convient-il de mentionner l’aberration d’enclenchement de poursuites à l’égard de contribuables, alors que les services concernés, notamment ceux chargés de l’assiette, sont en parfaite connaissance de l’irrégularité des droits réclamés qu’ils ne peuvent décharger (…)», reconnaît le législateur dans l’exposé des motifs de l’article 26 du projet de loi de finances 2010.
SOCIÉTÉ DONT LE CHIFFRE D’AFFAIRES EST INFÉRIEUR À 10 MILLIONS DE DINARS
Fini le commissaire aux comptes
Les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (Eurl) ainsi que toute autre sociétés dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions de dinars ne seront plus tenues de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes. L’article 44 du projet de la loi de finances 2010 vient donc amender l’article 12 de la loi de finances complémentaire de l’année 2005 qui faisait obligation «aux sociétés à responsabilités limitée de désigner, pour une durée de trois exercices, un ou plusieurs commissaires aux comptes choisis parmi les professionnels inscrits au tableau de l’Ordre national des experts comptables». Après quatre années d’application, le législateur est revenu sur sa décision considérant que cette obligation «est contraignante pour le fonctionnement de ce type de sociétés».
MONTAGE INDUSTRIEL
Exonération de droit de douane
Afin d’aider les sociétés nationales industrielles à faire face à la «concurrence déloyale», les pouvoirs publics ont décidé de leur accorder une série de facilitations fiscales. L’article 53 du projet de loi de finances prévoit une exonération des droits de douane ainsi que l’application d’un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) lors de l’importation de collections destinées au montage industriel. Les produits concernés par cette disposition sont les tracteurs routiers pour semi-remorque, les camions d’un poids en charge excédant 5 et 20 tonnes ainsi que les véhicules de transport de plus de 10 personnes. «L’encouragement de la naissance d’une industrie de construction de véhicules en Algérie passe, inéluctablement, par des mesures de soutien aux sociétés nationales ainsi qu’aux partenaires étrangers intervenant en Algérie dans ce domaine», peut-on lire dans l’exposé des motifs de cet article.