Ce que disent les “19”

Dix-neuf personnalités, dont des figures réputées proches d’Abdelaziz Bouteflika et dont aucune ne s’était opposée à son 4e mandat, viennent de rendre publique une lettre transmise au chef de l’État le 1er novembre dernier, dans laquelle elles expriment franchement leur doute quant à la paternité des décisions prises et annoncées en son nom.

Monsieur le Président, est-ce bien vous qui gouvernez ? En substance, c’est cette question que posent les “dix-neuf” à Bouteflika. Lourde de sens, une telle interrogation en appelle forcément d’autres, dont celles-ci : en avril 2014, l’Algérie a-t-elle connu une élection présidentielle ou a-t-elle vécu un autre “coup d’État scientifique”, cette fois sous le couvert d’une élection, voire par le moyen de cette élection ?

Car tout était parti de là, de ce scrutin ubuesque dont le futur “vainqueur” était incapable de mener campagne pour cause de maladie. Ce sont d’“autres” qui avaient fait cette campagne pour lui et en son nom. Ces “autres” (ou d’autres encore) seraient-ils, aujourd’hui, en train de gouverner à sa place et en son nom ? C’est vraisemblablement ce que redoutent les signataires du document, mais pas seulement eux car, bien avant, des voix avaient demandé l’application de l’article 88 de la Constitution pour les mêmes raisons.

Mais les “dix-neuf” vont au-delà de cette revendication. Ils sont carrément dans le registre de l’accusation dès lors qu’ils laissent entendre que le chef de l’État est isolé, voire réduit à l’état d’otage. C’est ce que suggère cette “crainte légitime” que leur demande d’audience “ne lui parvienne jamais par les canaux institutionnels officiels”. Justifié ou non, le soupçon est grave : nous sommes bel et bien dans une situation qui rappelle étrangement les derniers épisodes du règne de Bourguiba, avant le “coup d’État médical” de Ben Ali en 1987.

LG Algérie

Cette démarche des “dix-neuf” est sans doute un tournant dans ce quatrième mandat de Bouteflika que l’on savait problématique, incertain et porteur de risques. Désormais, il est mis en demeure de montrer qu’il gouverne. Rien ne devrait l’empêcher de le faire, bien au contraire, tant cela participerait de l’apaisement auquel il a été fait référence dans le dernier message qui lui a été attribué. À défaut, il ne ferait que conforter les doutes qui, à présent, ont gagné ses proches et amis.