Le volume de l’enveloppe financière allouée au programme 2010-2014, la gestion et la répartition des 286 milliards de dollars font l’objet de remarques auxquelles s’apprête à répondre le Premier ministre, jeudi, devant les députés.
D’emblée, le gouvernement tient à clarifier la question des reliquats, les “en cours” que l’opinion s’explique souvent par des retards à rattraper. L’enveloppe de 286 milliards de dollars, soit 21 214 milliards de dinars comprend une partie allouée au programme “en cours” avec 9 680 milliards de dinars (130 milliards $) qui déborde sur l’année 2010, soit 18 mois, objet d’un exposé du Premier ministre.
La première raison de ce reliquat est que le programme précédent, 2005-2009, comportait déjà un “programme en cours” qui remonte à 2004. Ce programme, selon l’explication, demeure nécessaire afin, selon le gouvernement, d’éviter “les années blanches”, particulièrement dans les dossiers sociaux comme le logement, l’eau, le gaz…
Entre autres raisons, il s’agit des extensions du programme à la fin de décembre 2009 à travers les différents programmes spéciaux. Programme spécial pour le Sud, complémentaire pour les Hauts-Plateaux, programmes locaux que le Président avait décidés lors de ses sorties dans certaines wilayas, et enfin le programme complémentaire pour le logement.

En dernier lieu, justifie le gouvernement, la fin de l’année passée a vu la livraison de plusieurs projets achevés, notamment dans les infrastructures, les transports et l’hydraulique. Il relève, également, deux principales lacunes qui justifient le reliquat. Il s’agit des retards enregistrés par certains projets qui s’expliquent entre autres par le manque de foncier vu l’ampleur du programme lancé, la “saturation de l’outil d’étude et de réalisation”, un manque de prise en charge dans le programme actuel avec le renforcement des capacités de réalisation par la création et le soutien aux grands groupes nationaux et la projection de création de bureaux d’études. Et enfin, les délais “extensibles” de validation des marchés publics.
Ce volume de la dépense exclusivement publique est pour le gouvernement amplement justifié et motivé. Malgré les coûts élevés, les projets d’infrastructures, travaux publics, routes et voies ferrées sont indispensables en raison de leur importance en tant que base essentielle à tout développement économique. Ainsi est-il question de moderniser les réseaux et de les étendre à toutes les régions du pays.
Le secteur de l’éducation et celui de l’enseignement supérieur bénéficient d’un important programme en raison de la croissance démographique qui a induit une augmentation du taux de scolarisation et de la communauté universitaire qui atteindra à l’horizon 2014, deux millions de personnes. Ce qui implique un investissement supplémentaire. Un dispositif et des mesures d’accompagnement entourent, cependant, ce programme afin non seulement de rationaliser les dépenses, mais aussi de prévenir contre “les atteintes au patrimoine public”.
Parmi ces mesures, le gouvernement a décidé que tout projet dont l’étude n’est pas achevée ou dont l’assiette foncière n’est pas disponible ne sera pas lancé. Et lorsque l’étude dépasse les 20 milliards
de DA, elle doit avoir l’aval de la caisse de l’équipement reliée au ministère des Finances. Il est également décidé que toute réévaluation de projet, quand celle-ci est indispensable, se fera au détriment d’un autre projet du même secteur. Autrement dit, pour réévaluer un projet nécessaire, un autre projet de même montant sera supprimé. Pour résoudre la problématique des assiettes foncières, un comité gouvernemental statue sur la disponibilité avec constat sur le terrain. La procédure des marchés est également prise en compte en se sens que la commission a été démembrée en 3 comités – initialement il y en avait deux –, et la limitation de ses prérogatives au constat de la conformité des procédures. Les contrôleurs financiers assurent leur mission de contrôle en amont et en aval.
Le renforcement de l’outil d’étude et de réalisation est caractérisé par la réhabilitation des entreprises publiques ainsi que la décision de mise en place de bureaux d’études localement. La prévention et la répression des atteintes aux deniers publics occupent un chapitre important. Il s’agit des mesures, dispositifs et instruments mis en place pour lutter contre la corruption, les délits économiques et l’informel qui se sont généralisés ces dernières années.
La loi sur la corruption révisée a donné l’office de répression du fléau qui s’appuie sur les officiers de la Police judiciaire spécialisés avec une compétence territoriale. Les soumissionnaires aux marchés publics doivent s’engager, par le biais d’une déclaration, à respecter la législation. Participent également à cette lutte, la révision de la loi sur la Cour des comptes dont les missions ont été élargies, la révision de la loi sur la monnaie et le crédit par la sécurisation des paiements et des banques à travers notamment l’obligation de l’utilisation du chèque dans les transactions dépassant les 500 000 DA.
Dans son document,
M. Ouyahia détaille minutieusement toute la démarche du gouvernement concernant ce programme qui se décline sous forme d’une réponse à toutes les questions que pourraient se poser les élus.
M. Ouyahia défend la nouvelle doctrine qui s’articule autour d’un retour à l’investissement public après avoir fait le constat que l’économie algérienne dépend encore de l’exportation des hydrocarbures et que les IDE n’ont pas afflué comme attendu malgré les efforts de l’État pour les capter. Derrière cette déception transparaît aussi le poids de l’embargo non déclaré imposé à l’Algérie durant la décennie noire. D’ailleurs, M. Ouyahia ne manquera pas de le rappeler comme pour appuyer la nouvelle orientation économique du pays axée principalement sur l’investissement public et un intérêt particulièrement accru pour l’entreprise nationale. Un dispositif inédit en direction de l’entreprise nationale avec des mesures d’accompagnement au niveau fiscal, des allégements et des aides y compris dans le cadre des soumissions pour les marchés publics, est dédié à l’entreprise nationale. Les entreprises étrangères sont soumises de leur côté aux nouvelles dispositions de partenariat et au “deal” de fournir le marché local avant l’éventualité de l’exportation des excédents de production avec en plus un transfert de savoir.
Mais, avertit M. Ouyahia, toutes ces mesures ne sont qu’un répit pour les entreprises nationales qui doivent se préparer à l’inévitable concurrence qu’induira immanquablement le démantèlement tarifaire et l’adhésion de l’Algérie à l’OMC. D’où son accent pointu sur l’environnement mis en place pour relancer la compétitivité de l’entreprise nationale. Il donnera évidemment le programme déjà rendu public avec le détail des dotations de chaque secteur et des projets inscrits. Un programme qui en perspective devrait remettre sur les rails l’économie nationale, mais aussi booster les entreprises locales pour les préparer à défendre leurs parts de marché.