Ce charlatan saoudien profite de la détresse et de la crédulité de ses victimes pour leur faire croire à ses miracles, moyennant des sommes astronomiques.
Ouverte depuis à peine une semaine à Alger, “la clinique” du Dr Mohamed Rashed Al-Hashemi connaît déjà un franc succès. Les “patients” y viennent des quatre coins du pays pour bénéficier du traitement miracle. Le buzz et le bouche à oreille créés autour de ce guérisseur trompe-la-mort font qu’un détour s’impose dans sa “clinique”, à Mohammedia (ex-Belle-Vue), un quartier résidentiel habituellement calme. Samedi 14h. à notre arrivée sur les lieux, une longue file de voitures stationnant le long des trottoirs vient perturber quelque peu la quiétude habituelle du quartier. Une dizaine d’hommes barbus se trouvent devant l’entrée d’un garage faisant office de clinique. Le milieu de la chaussée est investi. Badges à la poitrine, sur lequel il est écrit “parking à 50 DA”. Ils sont embauchés pour la sécurité. L’intérieur, composé d’une grande salle réservée à l’attente et dans un coin une grande table faisant office de comptoir sur lequel sont exposés flacons, bouteilles et autres bidons contenant les “remèdes miracle”. Dans une autre salle, deux filles en hidjab assises derrière leurs micros posent des questions aux malades ou à leurs proches. Après avoir fini de donner leurs réponses enregistrées sur micro, ils sont priés de revenir le lendemain pour avoir l’ordonnance et payer le traitement. Près d’une centaine de personnes venues soit pour consulter soit pour récupérer leurs traitements attendaient dans la grande salle de la “clinique”. Depuis sa venue en Algérie, Mohamed Rashed Al-Hashemi “guérisseur miraculeux” a fait beaucoup parler de lui. Accusé d’avoir escroqué des personnes malades au Maroc, il a été interpellé par la police à l’aéroport international Houari-Boumediene puis relâché. Il concrétise son projet d’ouvrir une clinique en Algérie. Mais le site du “docteur” a publié le 2 janvier un communiqué démentant l’existence d’une “officine” à lui en Algérie. Une certaine Dr Wafa, travaillant avec Al-Hashemi, a affirmé qu’ils n’ont aucun établissement en Algérie. “Nous n’avons aucune adresse en Algérie. Et si une personne vous dit le contraire, sachez que c’est un escroc qui va certainement chercher à vous voler votre argent. Faites donc très attention aux personnes prétendant travailler avec le docteur Al-Hashemi”, a-t-elle mis en garde. Elle ajouté que “si le docteur Al-Hashemi avait bien l’intention d’ouvrir, il a changé d’avis et a décidé de ne plus revenir dans votre pays”. La porte-parole a expliqué que le “docteur” refuse de revenir en Algérie “pour des raisons de moralité”. “Je suis dans le regret de vous informer que le docteur Al- Hashemi a fait l’objet d’une tentative de chantage en Algérie au sujet de l’ouverture de son annexe. En effet, la corruption gangrène ce pays et notre docteur a refusé ce chantage venant d’un haut responsable algérien dont nous tairons le nom et qui veut obliger le docteur à s’associer avec lui”, a argumenté le Dr Wafa. Elle a continué : “Ayant refusé de s’associer à ce genre de magouille haram, le docteur a été arrêté à l’aéroport d’Alger au moment où il s’apprêtait à quitter le pays pour une soi-disant histoire d’Interpol qui le recherche. Ce qui est archifaux. Puisqu’une semaine auparavant il était encore dans la ville française de Lyon où il a séjourné 5 jours à l’invitation du comité 37 de l’hôpital Edouard Herriot de Lyon Grange Blanche.”
“Ceci dit notre docteur a pu regagner son centre médical du sultanat d’Oman, et l’ouverture d’une annexe en Algérie n’est plus à l’ordre du jour après cet épisode digne des grands bandits”, a-t-elle fait savoir. Pour appuyer ses propos, la “doctoresse” renvoie les lecteurs au site du “médecin”. “Je vous invite à visiter notre site //dr-alhashemi-center.webnode.com fait pour les francophones et pour passer commande d’un traitement si vous le souhaitez, et que Dieu leur vienne en aide après cet épisode honteux de chantage et de corruption forcée”, a-elle-conclu.
Si Al-Hashemi n’a pas ouvert de “cabinet” en Algérie, alors “clinique” de Mohammedia à qui appartient-elle ?
Les filles travaillant sur place assurent que le “cabinet” est à Al-Hashemi et qu’il est même en Algérie.
“La clinique est bel et bien au docteur Al-Hashemi. Et chaque fin d’après-midi nous le rencontrons pour un debriefing de la journée pour les traitements nécessaires à chaque patient”, a assuré une des filles. Nous avons posé la même question à sa collègue, cette dernière a écarquillé les yeux en signe d’étonnement et, à son tour, elle a attesté que les lieux sont bien une propriété d’Al-Hashemi. Les personnes présentes sur place croient dur comme fer que la clinique est au “docteur”, bien qu’à ce jour personne ne l’ait vu. De plus, personne ne sait où loge le “médecin”. Nous demandons l’adresse du “docteur fantôme”, les filles disent qu’elle est “confidentielle”, tout en soutenant le rencontrer chaque jour.
Il faut avoir la foi
Rencontrée sur place, une femme de Laghouat s’est étonnée du fait que des gens habitant la capitale ignorent l’existence des lieux. “Je suis de Laghouat, je sais qu’Al-Hashemi a ouvert en Algérie depuis une semaine. Le docteur est une personne bien, la preuve il était en prison et on l’a libéré. Signe qu’il est honnête. Le médecin guérit tout sauf les personnes ayant des problèmes néphrologiques ou d’ORL”, soutient-elle.
Les malades viennent de tout le pays, et les prix exorbitants affichés ne semblent déranger personne. Il n’y a pas de traitement inférieur à 18 000 DA. “Peu importe le prix du traitement, le plus important c’est d’avoir la bonne foi (nia)”, a fait remarquer notre interlocutrice. Écoutant la conversation, un homme a rétorqué : “C’est Dieu le guérisseur ! Quel que soit le prix et le propriétaire des lieux, il faut avoir la foi pour guérir.” Mais la bonne foi n’est pas partagée par tous.
Car les 18 000 DA c’est le prix d’une dose (djoraâ), a expliqué une des vendeuses en ajoutant que la consultation est gratuite. Et bien sûr, un flacon ne suffit pas pour guérir.
De plus, les malades doivent se déplacer plusieurs fois. Un jour pour la consultation, un autre pour avoir le traitement adéquat et pour s’acquitter des frais de la prestation, et un troisième jour pour récupérer le médicament.
“Pour avoir le traitement, il faut consulter et payer à l’avance, puis aller au comptoir avec un bon. Nous devons être certains que vous pouvez payer pour inscrire votre demande et vous procurer le jour d’après le médicament”, a expliqué l’une des filles. Le malade doit croire que la “clinique” est bien au Dr Al-Hashemi sans jamais le voir, verser près de 20 000 DA pour un flacon d’une seule utilisation, sans savoir ce qu’il contient et sans avoir de doute à l’esprit. Pour Amine, un “barbu”, cette méthode de travailler est louche. “Prétendre guérir des personnes par des plantes sans les voir n’existe pas. C’est de l’escroquerie”, a-t-il dénoncé. “Les prix affichés sont faramineux. Comment une personne prétendant soulager les souffrances grâce à Dieu peut-elle pratiquer des prix pareils ?”, s’est interrogé notre interlocuteur.
Les traitements proposés par le “guérisseur” ne seraient pas si efficaces que cela. Le “médecin” et ses traitements nourrissent les forums de discussion. “Du moment qu’Al- Hashemi a le remède pour soigner des maladies telles que le sida, pourquoi ne met-il pas son secret à la disposition du grand public ? Au lieu de cela, ce charlatan profite de l’ignorance. Pis encore, il spolie les pauvres gens. Comme cette dame qui lui a envoyé un chèque de 1000 dollars en septembre 2006 pour recevoir les médicaments afin de soigner sa sœur atteinte du cancer de la gorge. Elle attend toujours les fameux médicaments !”, a témoigné un jeune sur un forum de discussion.
De son côté, une femme a affirmé que son père a failli mourir après avoir bu le traitement prescrit par le “fameux docteur”. “On a diagnostiqué un cancer à mon père, nous nous sommes rendus chez Al-Hashemi au Maroc. Après avoir pris la première dose, mon père a frôlé la mort. Cet homme n’a rien à voir avec la médecine.” Un autre a assuré qu’Al-Hashemi donne le même traitement à tout le monde, soit un litre d’huile d’olive, 500 g de miel, un flacon d’huile de nigelle, un sachet de sidr (jujubier), un sachet de sana makki (feuilles de séné) ainsi qu’un CD ou une cassette audio de versets coraniques récités par le vénérable cheikh.
D. S