Dans la wilaya d’Alger, le reloge ment se fait la nuit. Parfois, comme cela a été le cas vendredi dernier, au petit matin. C’est une grande première pour la wilaya d’Alger, une des plus grandes circonscriptions administratives du pays, la plus riche et celle qui draine le plus d’aide publique au logement.
Une opération de rénovation du vieux bâti à Alger-Centre, qui profite en fait aux propriétaires des appartements de la rue Larbi Ben M’hidi, la Grande Poste notamment, a été financée à hauteur de 5 milliards de dinars par le ministère de l’Habitat. Tout se passait pourtant normalement, en ce qui concerne le programme de relogement des familles des bidonvilles et des vieilles bâtisses menaçant ruine, jusqu’au séisme du 1er août dernier qui a mis a nu les carences dans la distribution de logements aux familles nécessiteuses.
Dans le Grand Alger, autant dans le centre-ville que dans les communes de la wilaya, c’est la colère et le ras le bol contre une politique de relogement dénoncée par les «laissés pour compte» de cette opération. En moins de trois jours, deux grands sit-in ont été organisés à Alger pour dénoncer, selon les manifestants, cette «hogra» dans la distribution de logements.
Réunis devant le siège de la wilaya lundi, des manifestants originaires de la Casbah d’Alger et des habitants des chalets de Réghaïa et Heuraoua ont dénoncé les conditions d’octroi de logements appliquées par les commissions de la wilaya. Là, il y avait surtout des habitants de la Casbah dont les maisons menacent de s’écrouler sur leurs têtes, déjà classées «rouge» par les services techniques, qui se demandaient pourquoi ils ont été écartés de la liste des bénéficiaires de logements. Vendredi et mercredi derniers, plusieurs dizaines de familles de la Casbah ont été relogées à Ouled Mendil, en compagnie d’autres familles de Bab El Oued, Kouba, Rais Hamidou, Sidi M’hamed et Ain Benian, certaines relogées à la suite du séisme du vendredi 1er août.
Pour beaucoup de manifestants habitant la Casbah, la question qui se pose est de savoir comment ils ont été évincés de la liste des bénéficiaires, alors que les services techniques du CTC avaient classé leurs demeures «rouge», c’est à dire menaçant de s’effondrer à tout moment, et leurs occupants devant être relogés en urgence. Bref, une sourde colère suinte des ruelles de la Casbah d’Alger, d’où un doigt accusateur est dirigé vers la commission de wilaya qui a organisé les relogements.
La colère des habitants de plusieurs quartiers d’Alger qui s’estiment être les «oubliés» du relogement explose ainsi chaque jour depuis que les relogements se font de nuit, dans la discrétion, de peur d’émeutes populaires», selon un ancien de la Casbah. Mercredi dernier, à Diar Echems, dans la commune d’El Madania, des dizaines d’habitants sont sortis dans la rue qu’ils ont bloquée pour protester contre leur éviction de la liste des bénéficiaires de logements.
A l’aide de barres de fer, de pneus et de pierres, les manifestants de Diar Echems, un quartier difficile, ont tenu à exprimer leur ras le bol. «Le quartier Diar Echams demande le relogement», «Nous en avons assez des fausses promesses», sont les revendications des habitants de cette cité construite dans les années 50 dans le cadre du Plan de Constantine. «Les autorités locales nous avaient promis de nous reloger. A ce jour, nous n’avons rien vu venir alors que les logements sont distribués par centaines dans plusieurs bidonvilles.
La patience a des limites. Nous avons bloqué la route pour exiger une échéance à notre relogement», explique un des habitants en colère contre, en particulier, le relogement «des occupants des bidonvilles au détriment de ceux qui attendent depuis des dizaines d’années d’être relogés». En outre, beaucoup d’habitants d’immeubles vétustes d’Alger s’estiment «exclus», à l’instar de ceux de Diar Echems ou de la Casbah, de Bab El Oued, de la prise en charge des conséquences du séisme qui avait ébranlé le centre d’Alger vendredi 1er août.
Pour rappel, plus de 1.000 familles de Diar Echems ont été relogées en 2010, dans le cadre de la lutte contre l’habitat précaire dans la capitale, après de violentes manifestations. Depuis le 21 juin dernier, la wilaya d’Alger a relogé quelque 5.300 familles dans le cadre de la distribution progressive de 25.000 logements sociaux locatifs aux habitants des sites précaires. La wilaya d’Alger dispose d’un programme global de 84.000 logements destinés à la lutte contre l’habitat précaire, dont 25.000 unités sont en cours de distribution et 11.000 logements seront réceptionnés avant la fin 2014.
Yazid Alilat