Casbah de Dellys, quand restauration rime avec massacre

Casbah de Dellys, quand restauration rime avec massacre

De nombreuses associations locales culturelles et du patrimoine tirent la sonnette d’alarme et dénoncent la mauvaise qualité des travaux de restauration en cours au niveau de la vieille casbah de la ville de Dellys dans la wilaya de Boumerdès.

Des représentants de ces associations ont tenu à exprimer leur «mécontentement et leur insatisfaction» quant à la qualité des travaux de restauration de la vieille casbah de Dellys pris en charge, depuis novembre dernier, par quatre entreprises «non qualifiées pour ce genre de travail très technique», rapporte l’APS.

Le président de l’Association pour la préservation de la casbah de Dellys a déploré le fait que ces entreprises «travaillent dans un désordre complet et trouvent des difficultés énormes dans la concrétisation de certains travaux». Il cite, à titre d’exemple, les travaux de restauration de la fontaine, située au cœur de la casbah, refaits cinq fois de suite en raison de l’absence de spécialistes en hydraulique.

Le président de l’APC de Dellys a, quant à lui, révélé l’existence d’«une certaine anarchie dans le déroulement de ces travaux, due à un manque d’organisation de la part des entreprises réalisatrices, lesquelles ne remettent pas, à titre illustratif, les pièces archéologiques [dont les pierres] à leur place initiale». Il leur a également reproché le manque de suivi permanent par les bureaux d’études chargés de cette mission de restauration.A la direction de wilaya de la culture, on se contente d’indiquer que ces travaux d’urgence interviennent suite à un diagnostic complet de l’état du site. Ces travaux d’urgence, inscrits au titre du plan permanent de préservation et de restauration de la casbah, «toucheront l’ensemble des vieilles bâtisses historiques endommagées ou menaçant ruine, à cause de facteurs humains ou naturels (inondations, séisme, tempêtes)».

Ces opérations constituent la première étape de mise en œuvre du plan permanent de préservation et de restauration de la casbah de Dellys élaboré, en novembre 2007, par le ministère de la Culture, suite à un diagnostic complet de l’état de ce site historique. Selon la direction de la culture, une durée moyenne de 14 mois est nécessaire pour la concrétisation de l’ensemble des étapes englobées par ce plan dont l’élaboration a coûté une enveloppe de 10 millions de dinars. Le financement des travaux de restauration est évalué à quelque 100 millions de dinars, en plus d’une rallonge de 65 millions de dinars qui sera destinée à des travaux hautement techniques prévus au niveau de la ville de Dellys.

Pour rappel, c’est en 2005 que la casbah de Dellys a été classée patrimoine culturel national protégé. Par ailleurs, la loi de septembre 2007 stipule la création et la délimitation de la zone protégée de la casbah de Dellys. Notons, que, mercredi dernier, à Alger, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, en réunion avec les cadres et directeurs de la culture de wilaya, a donné des orientations pour l’élaboration de projets d’opérations dans le domaine du patrimoine archéologique, comme la restauration des propriétés culturelles, l’inventaire du patrimoine et la mise en place d’une banque de données du patrimoine immatériel.

La ministre a soulevé le problème du manque de «rigueur et de professionnalisme» constaté dans la gestion des dossiers. Elle affirmera qu’une «formation permanente et complémentaire des compétences humaines et même des responsables représente le seul moyen pour le résoudre». Mais, pour l’heure, à Dellys, les quatre entreprises chargées des travaux de restauration de la casbah continuent à sévir, fragilisant par leur incompétence un site déjà en péril. La question est sur quelle base ces entreprises ont-elles été sélectionnées ? Qui leur a permis de décrocher ce marché, alors qu’elles ne possédaient pas assez d’experts spécialisés ? Et, enfin, ce genre de problèmes ne doit-il pas être traité en amont afin que pareille ignominie ne se répète pas ? Sur les différents blogs consacrés à la ville, on peut constater de visu le «carnage». Des photos montrent plusieurs pièces séculaires éparpillées çà et là, à la portée des pilleurs, ne devant leur salut qu’à l’esprit citoyen de quelques natifs de la ville.

Afin de souligner l’importance de la préservation de la cité millénaire, Yasmina Chaid-Saoudi, docteur en préhistoire, explique : «La casbah de Dellys ne ressemble pas à n’importe quelle casbah, car elle est la sédimentation d’innombrables acquis thésaurisés à travers l’histoire. Elle est punico-romaine par sa muraille, andalouse par ses ryads, ottomane par ses machrabiyate, méditerranéenne par son atrium et, enfin berbère par l’intégration de l’étable au corps de la maison, par son substrat et surtout parce qu’elle est la sirène du Djurdjura.»