CASBAH BEHIND THE LEGACY : Un travail esthétique à saluer!

CASBAH BEHIND THE LEGACY : Un travail esthétique à saluer!

Le point de chute a été donné à Bab Jdid auquel ont répondu présents un certain nombre de personnes qui, toutes furent émerveillées par la beauté et la qualité de ces oeuvres qui se fondaient remarquablement dans le décor nu de ce lieu mythique…

Dans le cadre de la Réunion internationale d’experts sur la conservation et revitalisation de la casbah d’Alger, organisée conjointement par l’Unesco et le ministère de la Culture algérien, du 20 au 23 janvier, une série de manifestations culturelles ont eu lieu à ce titre. Parmi les plus importantes figure «Casbah Behind the legacy» dont le vernissage s’est déroulé samedi dernier en deux lieux différents d’abord au niveau de la Casbah site classé patrimoine mondial et ensuite au Bastion 23. Le point de chute a été donné en préambule à 14h30 à Bab Jdid auquel ont répondu présents un certain nombre de personnes qui toutes furent émerveillées par la beauté et la qualité de ces oeuvres qui hautement en couleur, se fondaient remarquablement dans le décor en insufflant à la Casbah un cachet des plus atypiques, hybrides et fantastiques! Casbah behind the legacy s’est présentée à nos yeux comme un superbe projet de collage photos, de realisatop, et de fresque sur les murs de la Casbah ayant comme thème la notion d’héritage et de patrimoine. L’objectif était de mobiliser les habitants de la Casbah et de mettre ainsi en exergue le patrimoine immatériel de ce site classé… Aussi, durant plusieurs jours, à travers le jour ou la nuit, qu’il pleuve ou fasse beau, nos jeunes artistes, sur leurs échafaudages, aidés par des bénévoles, mais encore les membres de l’Ogbc qui a soutenu le projet et son équipe technique se sont employés à coller patiemment leurs oeuvres aidés entre eux par l’amour de l’art, de la Casbah et du vivre ensemble. Une belle expérience pour les artistes dont certains se connaissaient uniquement via les réseaux sociaux et qui grâce à cette aventure humaine et artistique ont pu se rencontrer et échanger autour de leurs passion et vocation artistique. Parmi ces images d’artistes on relèvera celle du photographe Adem Yahiaoui, cette photo en noir et blanc très parlante. Une main qui sème une graine dans la terre. Cette photo figure en arrière-fond d’un terrible paysage, celui d’une montagne de détritus qui nous fait face. Un paradoxe souligné avec acuité qui dérange! Un message fort adressé à l’Etat pour qu’il prenne en charge ce problème épineux, celui de ces décharges publiques à ciel ouvert en plein milieu de ce tissu urbain où il y a des centaines d’âmes qui vivent! Pour sa part, Sadik, étudiant à la faculté de gestion, graffeur (fait des graffitis, Ndlr) à ses heures, a choisi de mettre en lumière le patrimoine immatériel de la Casbah en proposant de coller une fresque de calligraphie en collaboration avec Maya Ouabadi. Aussi, sur un fond bleu on pouvait distinguer sur un mur, en grand format, le fameux texte «Ya Bahdjati» que l’on entend dans le célèbre film Tahya ya didou, entonné par le poète Momo. Houssem Mok, architecte par effraction comme il se plaît à se définir et tête pensante du projet Casbah behind the legacy a choisi pour sa part de coller sur le mur le portrait d’un vieux monsieur de 90 ans, la mémoire de la Casbah. Un homme qu’il avait croisé il y a deux ans et puis retrouvé la veille de l’expo. Comme quoi rien, n’est au hasard! Une formidable photo bien touchante que celle de cet homme au regard expressif qui rappelle tout un pan de ce passé identitaire dont il faut bien prendre soin. Parmi les oeuvres qui nous auront interpellés également il y a celles de Hania Zazoua alias Princesse Zazou, une artiste -designer – vidéaste algérienne, qui a horreur d’être mise dans une case tant elle touche à tout. Plutôt adepte du mixed media, elle construit et déconstruit l’image pour la reconstruire à sa manière, de façon décalée et contemporaine afin de lui donner le sens qu’elle souhaite exprimer. Fondatrice de «Brokk’art», lieu d’art atypique et pépinière d’artistes, mais aussi agence de design et concept d’art, elle est également initiatrice de Issue98, lieu d’art et résidence d’artistes.

Nouvelle dynamique

Dans le cadre du projet «Casbah behind the legacy», Princesse Zazoua a proposé de concevoir un mixed media où elle interprétera, par son approche éclectique, un fragment du patrimoine immatériel de la Casbah. Il s’agira d’évoquer notre héritage humain et patrimonial à travers cette photo de ses grands-parents le jour de leur mariage qu’elle revisitera à sa manière en lui insufflant une nouvelle dynamique visuelle au milieu d’un patchwork de couleurs et de fleurs de façon à égayer le passé en vue de marcher sur des traces sereinement belles et rayonnantes du futur. «Sur cette photo vintage explique Hania, les regards ont été cachés par des fleurs et un poisson, c’est une pratique courante que j’utilise. Ça aurait pu être vos grands-parents aussi. C’est un regard de nos ancêtres, sur qui nous sommes aujourd’hui. C’était merveilleux de voir les enfants investis, aidés à coller, pleurer le jour où ca a été détruit.

Donc c’est une réussite. J’ai rencontré des jeunes filles, des jeunes hommes, des étudiants, des passants qui ont mis la main à la pâte. Pour moi c’est une réussite immense. L’idée est celle-là: «Venez à la Casbah et discutons ensemble et voir ce qu’on peut faire avec les habitants, car oui la Casbah c’est avant tout humain avant d’être des murs…» Ainsi, même si une partie de l’oeuvre de Hania Zazoua, s’est vu arracher, elle ne s’avouera pas vaincue pour autant, mais bien au contraire elle se félicitera de cette belle aventure qui fait partie du processus, sachant que ces visuels d’ordre éphémère doivent cohabiter, s’intégrer ou pas dans la société même si cela ne plaira pas forcément à tout le monde, mais gagnera quand même l’adhésion de beaucoup d’autres malgré tout. Et c’est en cela la véritable beauté du geste: lorsqu’on tend à communiquer avec l’autre… Dans le cadre de cette manifestation artistique, le photographe Nadjib Bouznad quant à lui, nous a aussi séduit par son oeuvre bien orignale ayant trait à son attachement aux terrasses de la Casbah. Réalisé à l’aide d’un bac qu’il accrochera carrément à l’arrière d’une maison, Nadjib immortalisera ce qui se trouve à l’intérieur même de la terrasse de ladite maison, à savoir du linge dressé ici et là au milieu duquel trône une femme prise de dos. «Je voulais parler de l’humain avant tout. On a souvent parlé de la Casbah comme une citadelle et des murs uniquement… En parallèle je voulais travailler sur les terrasses. J’ai pris la photo pour montrer ce qu’il y a derrière le mur pour dire qu’il existe de la vie derrière les murs.

La fille au milieu est Ismahane, c’est grâce à elle qu’on a pu avoir les échafauds etc. C’est donc un peu un hommage à elle, aux architectes et au bureau de l’Ogpc qui ont été avec nous tout au long de cette aventure.» En effet, mue par un intérêt avéré pour «l’espace intramural des maisons de la Casbah, et à ce que l’on pourrait découvrir derrière les façades de cette cité introvertie… un quotidien, des rituels de vie…Par cette démarche, Nadjib Bouznad donne une dimension sociale à ce projet en tentant de raviver les terrasses de la Casbah», nous affirme-t-on. Pas loin, Sneak Aitouche expose aussi une belle fresque aux couleurs toutes nouvelles. L’on distingue en jaune doré deux clés qui font écho aux deux clés qui ont été réquisitionnées par les colons. «Le dey les avait offertes au général qui a conquis la Casbah en 1830. Ceci pour symboliser le fait que la Casbah appartient aux Français. En 1962 les clés ont été récupérées. Elles sont maintenant la propriété du Musée de l’armée. Les couleurs ont été toutes réfléchies. La couleur dorée est celle des clés. Le noir en fond présente le sac en cuir où étaient les clés. L’acier est présenté par la couleur argentée», nous confiera Sneak, qui pour info, expose également aux côtés de Najdib Bouznad; Houssem Mokkedem, et Adam Yahiaoui, notamment au niveau du Bastion 23. On n’omettra pas bien entendu de parler du travail de Merine Hadj Abderrahmane. Cet artiste aux talents multiples perpétue son travail de mapping dans la médina dont la première intervention a eu lieu il y a moins d’une année lors de la journée dédiée à ce site classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

Mort en silence

Directeur artistique du projet, Merine envahit la Casbah de sa main singulière afin d’attiser la curiosité des habitants et des passants. Une main tenant un peigne et un crâne sur lequel se dresse un seul cheveu, pour dire la gravité de la situation que vit la Casbah qui se meurt en silence. Rappelons que samedi s’est clôturée aussi une exposition d’artisanat traditionnel où l’on a pu voir et découvrir de la dinanderie, de la menuiserie, mais aussi de la broderie et de l’art culinaire entre autres. Il est bon de signaler que des ateliers pour enfants ont été organisés le mardi 23 et le samedi 27 janvier à la place mer Rouge à la Casbah dont l’objectif consistait à sensibiliser les enfants au patrimoine et sa valorisation. Un riche programme en somme qui a pu réunir un tas de gens d’horizons divers dans ce lieu mythique qui a été réapproprié par les artistes d’une façon singulièrement originale. A saluer vraiment!

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