Carburants : pénurie chronique, modèle anachronique

Carburants : pénurie chronique, modèle anachronique

Prix, spéculation, saison estivale, campagne moissons-battage et trafic des hallaba à l’Ouest ont concouru aux tensions sur le carburant dans le pays. Mais au-delà de la conjonction de ces facteurs c’est bien un modèle de consommation anachronique et gaspilleur qui est en cause.

Il y avait un manque cruel de carburants dans les stations-service, dans les régions de l’Ouest, mais aussi au Centre et à l’Est. La situation est «en passe d’être surmontée», affirme une source de la direction générale de Naftal. En expliquant de manière sommaire que la pénurie est liée à la campagne de moissons-battage où la demande en gasoil augmente, à la saison estivale et au trafic de carburants dans les régions de l’Ouest. Les trafiquants, ajoute notre source, étendent leurs tentacules : ils ne se limitent pas à leur «territoire» habituel dans la wilaya de Tlemcen et dans les régions limitrophes ; ils s’approvisionnent en carburant même dans des stations-service de Relizane et de Chlef. Ceci pour les constats. Sur le fond, Abdeltif Rebah, ancien cadre du secteur de l’énergie, souligne que l’ampleur prise par «l’activité» hallaba dans la zone frontalière Ouest du pays met directement en cause l’efficacité des dispositifs et des organes de contrôle. Pour lui, on n’est pas face à une marchandise comme les autres mais devant un produit stratégique essentiel pour la population et pour l’économie. En arrière-plan, ajoute-t-il, se profile la question des prix des carburants, en particulier du gasoil, qui sont très attractifs pour les barons de l’accumulation des rentes spéculatives. L’Etat algérien apporte toujours soutien aux carburants non polluants (le sans plomb, le GPL et le GNC – gaz naturel comprimé). Il intervient en amont, à l’entrée des raffineries, pour «réguler» les prix ; un processus qui a cours depuis des années et qui prend en considération le coût de la matière première et les marges accordées aux distributeurs. Les prix des carburants sont très bas, constate Abdeltif Rebah, et ils font le bonheur des grandes marques automobiles et des concessionnaires. L’Algérie a importé 568.610 véhicules en 2012 contre 390.140 véhicules en 2011, soit une hausse de 45,75%. L’emballement du marché de l’automobile conjugué à l’évolution de l’économie nationale (avec une reprise de l’activité économique) a fait exploser la demande en carburant. En 2012, Naftal a distribué 13 millions de tonnes de carburants, contre 10 millions de tonnes en 2010 et 2009.



UN MODELE DE CONSOMMATION BUDGETIVORE

Selon des sources Sonatrach, la croissance de la demande nationale en carburants (gasoil et essence) dépasse la moyenne annuelle de 7%. En 2011, l’Algérie a importé près de 12 millions de tonnes (8,9 millions de tonnes de gasoil et 3 millions de tonnes d’essence). Ce qui représente une forte hausse, dépassant les 70% en neuf ans. Ce modèle de consommation énergétivore et gaspilleur peut, selon Rebah, satisfaire les couches aisées. Mais il «n’est pas tenable» car il ne correspond à aucune vision de long terme et de l’intérêt général. Pour lui, le prix doit être nécessairement révisé. Au-delà de la question des prix, Naftal qui a le monopole (ou presque) sur la distribution du carburant dans le pays est-elle en mesure de répondre à une demande de plus en plus croissante ? Naftal est en charge de la distribution depuis la nationalisation du réseau au printemps 1968. Selon Rebah, le développement du réseau de stations-service a connu un essor «fulgurant». Il estime que contrairement aux idées reçues, Naftal a réussi «à relever le défi d’une explosion spectaculaire du parc automobile et consécutivement de la demande en carburants. Et ce n’est pas un mérite négligeable». Pour l’expert, le problème ne concerne pas que Naftal. L’énergie et tout ce qui la concerne n’ont jamais été, dans aucun pays au monde, un domaine qui relève du «traitement ordinaire». C’est, ajoute-t-il, le domaine qui relève du long terme et qui ne supporte pas la myopie du marché. «Et en tant qu’activité stratégique qui affecte toute la vie du pays, y comprisa la sécurité nationale, la distribution des carburants ne peut pas être appréciée au prisme de l’affaire commerciale. Or c’est ce critère qui importe en premier aux partenaires étrangers», estime notre interlocuteur. Aujourd’hui, le département aval de Sonatrach table sur des équipements et des installations de production appropriés pour optimiser la production de carburants y compris l’essence sans plomb dont le pays ne produit pas suffisamment. Seule la raffinerie de Skikda dont une partie a été rénovée en produit. Les autres raffineries devront en produire à l’achèvement de leur programme de réhabilitation. Les travaux de rénovation de la raffinerie d’Arzew ont été achevés. Ceux de Skikda le seront avant la fin de l’été. Quant à la réhabilitation de la raffinerie d’Alger, elle sera terminée en mars 2014.