CAN 2015: pourquoi les Eléphants gagnent (presque) énormément?

CAN 2015: pourquoi les Eléphants gagnent (presque) énormément?

2015-02-04T205640Z_743686824_GM1EB250DLN01_RTRMADP_3_SOCCER-NATIONS_0.JPGL’équipe de Côte d’Ivoire a décroché le deuxième titre de champion d’Afrique de football de son histoire après celui de 1992, ce 8 février à Bata. Les Ivoiriens, toujours favoris mais jamais gagnants en Coupe d’Afrique depuis 2008, doivent notamment leur succès à la CAN 2015 à un nouvel état d’esprit.

Pour la première fois depuis la CAN 2008, l’équipe de Côte d’Ivoire n’était pas favorite d’une Coupe d’Afrique des nations. Et pour la première fois depuis 1992, date de son premier et dernier sacre, elle est devenue championne d’Afrique.

Cette victoire acquise ce dimanche 8 février à Bata face au Ghana est quasiment une surprise. Trop souvent, les Eléphants ont déçu depuis leur finale de CAN 2006 perdue face à l’Egypte et leur première participation à la Coupe du monde la même année.

Un changement d’ère et de statut qui a fait du bien

Depuis la prise de fonction d’Hervé Renard il y a six mois, le sélectionneur a beaucoup insisté sur le changement d’ère et de statut au sein de son équipe, suite aux retraites internationales de joueurs comme Didier Drogba. Aux journalistes ivoiriens, il avait lancé un soir de défaite à domicile : « Vous avez été habitués pendant des années au caviar. Maintenant il faudra vous mettre à la semoule. »

Renard, l’habile communicant, a changé la semoule en or. Délestés du statut de favoris, les joueurs ivoiriens se sont libérés et ont déplacé cette pression sur les épaules de leurs adversaires, notamment sur celles des Camerounais au premier tour ou des Algériens en quart de finale, désignés vainqueurs avant l’heure de cette CAN 2015.

Hervé Renard a réussi à imposer son style à Gervinho et à toutes les stars de cette équipe de Côte d’Ivoire. REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

Un sélectionneur charismatique et qui a tout compris

Le mérite d’Hervé Renard et de son adjoint Patrice Beaumelle est indéniable dans cette métamorphose. Le Français, digne héritier de Claude Le Roy, a récupéré une équipe traumatisée par son élimination au premier tour de la Coupe du monde 2014. Il a dû très vite tirer un constat sur les échecs passés de la Côte d’Ivoire à la CAN.

Sa première tâche a été de redonner confiance à des joueurs qui avaient un peu perdu la foi. La deuxième a été de gagner leur respect, ce qui n’a pas été difficile puisque Renard a remporté la CAN 2012 avec la Zambie face à la Côte d’Ivoire. « La star de l’équipe c’est Renard », expliquait ainsi le défenseur Serge Aurier. D’autres joueurs, comme Kolo Touré, n’ont cessé de se référer « au coach » durant la CAN 2015. Sabri Lamouchi, le précédent sélectionneur, ne bénéficiait pas, loin de là, de la même cote de popularité.

Des stars qui se sacrifient

Grâce à l’adhésion du groupe, Hervé Renard a pu mettre en place un projet de jeu parfois ingrat pour les joueurs vedettes. Yaya Touré, le quadruple joueur africain de l’année, a ainsi été cantonné à un rôle de milieu de terrain défensif qu’il n’apprécie guère.

L’ex-coach de Sochaux en Ligue 1 a également obtenu que toute l’équipe défende et attaque ensemble, selon un principe de jeu qui lui est cher. Une mini-révolution. Car, par le passé, certains attaquants participaient peu aux tâches défensives et avaient tendance à vouloir faire la différence seul, lorsque la partie était mal engagée. On a ainsi rarement vu Gervinho défendre avec autant d’abnégation et de constance que contre l’Algérie, en quart de finale.

Côte d’Ivoire-Algérie, le baromètre

Les Ivoiriens fêtent la victoire de leur équipe nationale face à l’Algérie, en quarts de finale de la CAN 2015. Abidjan, le 1er février 2015. REUTERS/Luc Gnago

Cette rencontre face à l’Algérie est d’ailleurs un révélateur des changements opérés. Il y a cinq ans, au même stade de la compétition, les Ivoiriens étaient largement favoris face aux Algériens. Ils s’étaient pourtant inclinés 3-2 après prolongation. Bousculés par les Fennecs, ils avaient baissé la tête, révélant un manque de caractère. « Il va falloir se poser les bonnes questions et retourner travailler pour enfin corriger ce qui ne va pas », avait réclamé l’attaquant Salomon Kalou. En vain.

Cette année, les Eléphants ont fait tout ce qu’ils n’avaient pas su faire en 2010 ou lors de la Coupe du monde 2014 : faire le dos rond quand ça va mal, inverser la tendance quand on est mené au score, conserver un résultat même en jouant de manière cynique.

Une défense qui a progressé

La qualité des attaquants ivoiriens a su faire le reste dans les moments clés, avec Seydou Doumbia, Max Gradel, Gervinho ou Wilfried Bony.

Quant à la défense, chantier numéro un d’Hervé Renard, elle a fait des progrès durant cette CAN 2015, avec un système de jeu en 3-4-3.

Malgré des erreurs de jeunesse parfois énormes, les défenseurs Eric Bailly et Wilfried Kanon ont gardé la confiance du sélectionneur. Les deux stoppeurs ont compensé leurs faiblesses tactiques par leur rapidité dans les duels et un apport intéressant en attaque.

Quant au gardien de but Sylvain Gbohouo, révélation ivoirienne du tournoi, il a été plus qu’une doublure du titulaire habituel, Copa Barry, blessé.

Didier Drogba, le bouc émissaire rêvé

Il faut toutefois relativiser (un peu) le succès ivoirien. Les Eléphants ont certes effectué un parcours du combattant durant cette CAN 2015, en affrontant successivement la Guinée, le Mali, le Cameroun, l’Algérie, la RDC, puis le Ghana. Mais beaucoup d’équipes étaient en phase de transition, de reconstruction, comme celles du Cameroun, du Ghana ou de la RDC.

Enfin, certains commentateurs n’hésiteront pas à assurer que c’est grâce au départ de Drogba que la Côte d’Ivoire a gagné la CAN. Parce que l’ex-capitaine faisait trop d’ombre à certains de ses partenaires, dont Yaya Touré. Le raccourci est cruel tant les Eléphants de Drogba ont parfois manqué de réussite, notamment en finale de la CAN 2012, face à la Zambie. Cette réussite, qui fait parfois la différence, ils l’ont eue durant cette CAN 2015.