Campagne médiatique pour laver son linge sale: Snc Lavalin se refait une virginité

Campagne médiatique pour laver son linge sale: Snc Lavalin se refait une virginité

Le géant canadien de l’ingénierie SNC-Lavalin, citée dans plusieurs affaires de potsde- vin et impliqué dans des scandales de corruption en Algérie, parle aujourd’hui d’»éthique et conformité» et tente de faire son mea culpa à travers un encart publicitaire publié dans la presse nationale.

Le groupe canadien veut ainsi laver son linge sale et lancer par la même occasion un message subliminal. Il tente de faire passer ce message par le biais des médias aux autorités judiciaires pour leur dire ceci : des personnes ont fauté, ont corrompu des gens au sein de Sonatrach ou une autre entreprise pour obtenir des contrats faramineux. Cette pratique ne sera plus de mise dorénavant. Nous demandons une sorte de clémence pour nos futures activités. Car le marché algérien est le plus important pour cette firme. Mis à mal par ces graves affaires de pots-de-vin, le groupe cherche à diminuer les dégâts.

Il espère surtout ne pas perdre la confiance de l’Etat algérien, un pays où il a beaucoup d’intérêts économiques qu’il entretient depuis son premier projet de construction du monument de Riadh el Feth vers la fin des années 1980. Dans cette longue lettre d’une page, signée par le président et chef de la direction du groupe, Robert G. Card, ainsi que le viceprésident- directeur, Charles Chebl, l’entreprise, affiche sa pleine volonté à coopérer avec les autorités politiques et judiciaires algériennes afin de «permettre à la vérité d’éclater» sur ces affaires.

Le groupe annonce un renforcement de mesures pour «empêcher les pratiques frauduleuses» et des changements dans la gestion de son personnel commercial notamment. SNC-Lavalin est directement concerné par une enquête ouverte par la justice algérienne sur des affaires de corruption liées à des contrats entre le géant énergétique italien Eni et la Sonatrach. Ces affaires, qui ne sont qu’à leur début, ont déjà entraîné la démission puis l’arrestation du n°1 de la société, Pierre

Duhaime, et l’arrestation en Suisse de Riadh Ben Aïssa, ancien chef des opérations internationales de construction et prédécesseur de M. Chebl.

SNV Lavalin veut «tourner» la page Tout en exprimant sa détermination à «tourner la page de ce malheureux chapitre de ses 102 ans d’histoire», la société affirme qu’elle collabore «pleinement» dans le cadre de toutes les enquêtes dont elle est l’objet et elle encourage ses employés à faire de même. «Le conseil d’administration et la direction de SNC-Lavalin sont résolus à faire en sorte que les personnes impliquées dans des actes illicites soient traduites en justice et répondent de leurs actes», est-il mentionné. Aussi, la société se réserve de droit «d’intenter des poursuites contre les personnes en cause, y compris en vue de recouvrer des fonds».

La société annonce, également, avoir adopté une nouvelle charte d’éthique et de déontologie. «Dans notre volonté de transparence, nous souhaitons vous informer de notre situation actuelle et des mesures prévues » pour éviter de retomber dans les même travers qui ternissent l’image de marque du groupe qui a employé 10 000 travailleurs en Algérie au cours de ces dix dernières années. Malgré les contrecoups, affirme les responsables, SNC-Lavalin dispose d’assises solides et «est résolu à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que sa réputation ne soit pas entachée de manière permanente». Le scandale qui a éclaté au début en Italie s’est propagé ensuite au Canada et maintenant c’est en Suisse, un pays neutre, connu aussi pour ses activités bancaires. En effet, le sieur Riadh Benaissa qui est venu s’ajouter à Farid Bedjaoui dans un rôle d’intermédiaire est rattrapé lui par ces scandales qui secouent la firme canadienne SNC-Lavalin citée aussi dans une affaire de corruption algérienne qui ne semble pas prendre fin.

Chaque fois que des transferts d’argent sont signalés, ils portent tous le seau de Riadh Benaïssa, un ancien dirigeant de SNCLavalin en Afrique du Nord et par Hugues Crener, son subordonné au sein de la firme. Selon les documents judiciaires aux mains de la presse canadienne, c’est Benaïssa qui «a orchestré» le transfert des pots-de-vin de 22,5 millions de dollars. Sur papier, ces montants étaient attribués à «un projet gazier en Algérie (Rhoud Nouss)» alors qu’ils servaient plutôt à obtenir un autre contrat. L’ex-président de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime aurait échangé cinq courriels avec Riadh Benaïssa juste avant la relance du processus d’appel d’offres, selon la presse canadienne. Durant la période où Benaïssa et Duhaime discutaient de la rencontre avec un mystérieux «ami» non encre identifié, la société Sierra Asset Management été créée. Elle recevra rapidement un contrat de 30 millions de dollars pour le projet algérien.

Lorsque SNC Lavalin avait signé avec Sonatrach un contrat de 1,2 milliard de dollars pour la conception et la construction d’un gigantesque complexe gazier, c’est Riadh Benaïssa, ancien patron de SNC-Lavalin en Afrique du Nord, qui en avait fait l’annonce officielle. SNC-Lavalin a obtenu des contrats valant des milliards de dollars en Algérie, en partie grâce aux efforts de Benaïssa: centrales thermiques, projets hydrauliques et ferroviaires, usine de dessalement de l’eau de mer, barrage, infrastructures et bâtiments. Tous les contrats passés l’ont été grâce à ce mystérieux ami algérien au bras long. Ce personnage mystérieux semble posséder une très grande influence qui lui permet d’octroyer des marchés à tout va sans inquiétude et avec une facilité déconcertante.

C’est le journal canadien The Globe and Mail qui a rapporté l’information. Farid Bédjaoui, aurait obtenu pour le groupe canadien un milliard de dollars de contrats avec la Sonatrach, The Globe cite des sources proches de l’enquête en Europe et au Canada pour indiquer que SNC Lavalin, comme une filiale d’ENI, Saipem, avait utilisé les services de Bedjaoui. C’est l’enquête suisse sur les agissements de Ben Aïssa qui aurait révélé que SNC Lavalin –comme Saipem– aurait fait des versements suspects à des compagnies contrôlées par Bedjaoui. SNC Lavalin s’est borné à confirmer que, «d’après ses propres recherches», Farid Bedjaoui «était lié à certaines entreprise» qui avaient des contrats avec ses filiales.

«Ces contrats étaient négociés par d’anciens salariés de notre entreprise et, autant que nous sachions, étaient à l’époque des ententes d’affaires ordinaires», a écrit la porte-parole de SNC Lavalin Leslie Quinton. Le service économique de la police judiciaire a achevé, en 2011, une enquête entamée en 2009 sur des manquements à la loi qui ont marqué le projet de la centrale électrique de Hadjret Ennous dans la wilaya de Tipaza, concernant la livraison et les phases du projet qui a coûté au trésor public 670 millions de dollars. Le dossier a été remis au procureur général de la cour d’Alger.

Des sources judiciaires travaillant sur le dossier, révèlent que l’octroi de ces projets n’a pas respecté le code des marchés publics, des concessions ont été faites par la partie algérienne au partenaire canadien SNC Lavalin : eau de mer gratuite pour refroidir les turbines, terrain gratuit pour le projet, majorité dans le capital du projet, gratuité du transport du gaz vers la centrale et gratuité du gaz livré à la centrale. SNC Lavalin a exigé que Sonelgaz achète toute la production durant 20 ans, autrement dit 20 milliards par mois, à un prix supérieur au prix en cours.

SNC Lavalin a bénéficié des avantages offerts par l’ANDI consistant en des exemptions de divers impôts pour trois ans durant la réalisation du projet et d’autres exemptions pour cinq (5) ans à la mise en exploitation de la centrale. Le plus étrange, poursuit la source est que SNC Lavalin a enregistré un retard d’un an sur la construction de la centrale, prévue en 2008, sans en assumer les conséquences et c’est Sonelgaz (minoritaire dans le capital) qui a supporté le fardeau des pénalités qui se sont élevées à 160 millions de dollars. Une expertise demandée par SNC Lavalin a imputé ce retard au climat et aux conditions sécuritaires alors qu’une contre-expertise faite par un bureau d’études français pour le compte des autorités algériennes a rejeté les conclusions de la première expertise commandée par SNC Lavalin. Sonelgaz a payé les pénalités invoquant des ordres venus du ministre de l’Energie et des Mines à l’époque, Chakib Khelil.

Autre manquement à la loi : dans le contrat, Sonatrach et Sonelgaz se sont engagées à garantir les crédits représentant 70% de l’investissement estimé à 67 milliards de dinars, au lieu que ce soit la société mixte société Hadjret Ennous constituée par SNC Lavalin (51%) et ses trois partenaires algériens, Sonelgaz, Sonatrach et AEC (49%). L’investissement a été réalisé à 30% par des apports de sociétés privées et à 70% par des banques algériennes publiques (BNA, BEA, CPA et Cnep-Banque). Les violations de la loi sont allées plus loin, le montant de l’investissement ayant pratiquement doublé passant de 670 millions de dollars à un milliard de dollars. Dans ce cas aussi, les responsables affirment que les ordres sont venus de Chakib Khelil.

Hocine Adryen