(G. à D.) Gilbert Collard, Marine Le Pen et Gerard Longuet
Depuis quelques jours, on assiste à un véritable déchaînement de haine de l’autre côté de la Méditerranée vis-à-vis des Algériens. Bras d’honneur, insultes, injures, tout semble convenir à certaines parties françaises qui ne reculent devant aucune forme de manifestation d’un mépris de bas étage. Mais que nous vaut donc cette campagne haineuse qui ne dit même pas son nom?
Beaucoup d’observateurs ont établi une relation entre la demande de repentance exigée par les Algériens de la part des Français et ce qui est présenté comme une réaction à cette demande. D’ailleurs, même les médias français insistent sur cela. A notre avis, le problème est ailleurs. Toutefois, le comportement méprisable de certains mérite quelques observations.
Parfois, la République ne peut, par décence ou par correction, adopter certains comportements alors qu’elle aimerait ou voudrait bien le faire. Dans ce cas, elle a recours à des intermédiaires auxquels elle demande de le faire à sa place. Ces sous-traitants de la République ne sont autres que des voyous que la République garde toujours à portée de main en cas de besoin. Chez certains, il s’agit de voyous réellement, pour d’autres, cependant, ils peuvent se situer à des rangs sociaux plus élevés. Longuet a été ministre de la Défense, Louis Aliot est vice-président du Front national, Marine Le Pen est présidente du même parti fondé par son tortionnaire de père, et on en passe! Ces sinistres personnages peuvent avoir d’autres fonctions en temps normaux comme, par exemple, servir d’épouvantails. Combien de fois le FN a-t-il été brandi pour effrayer les Français et les «pousser» à voter tantôt à gauche, tantôt à droite? On l’a même vu atteindre le deuxième tour face au candidat Chirac.
Mais lorsque la République se sent menacée ou lorsqu’elle bute sur un problème sérieux, ils peuvent être lâchés sur la place publique pour parler à la place de l’Etat, pour provoquer des émeutes, voire être à l’origine de troubles parfois. On l’a ainsi vu, par exemple, en Egypte lors de la révolution, lorsque les «baltaguia» furent dépêchés pour envahirent la place Tahrir afin de faire le sale boulot à la place du régime agonisant de Moubarak. On l’a vu aussi dans beaucoup d’autres circonstances lorsqu’il y a, pour une raison ou une autre, un vent de panique en haut lieu. Pour comprendre les raisons qui ont fait que, ces jours-ci, en France, certains voyous se soient donnés à coeur de joie de nous insulter, il faudrait laisser un instant cette histoire de repentance et aller chercher du côté du… Mali!
Tous pareils
La situation au nord du Mali est préoccupante certes. Pour les Maliens d’abord, pour leurs voisins ensuite et pour la communauté internationale enfin. Aider à ramener la stabilité dans ce coin, oublié jusque-là par l’humanité, serait sans doute une noble action. Mais ramener la stabilité et la paix ne signifie pas faire la guerre et déstabiliser, pour de très longues années, toute la région. Or, c’est malheureusement cette mauvaise option que s’entête à défendre la France. La France dont l’implication dans ce qui n’est rien d’autre que la destruction et la déstabilisation de la Libye ne semble pas avoir saisi l’importance des effets collatéraux d’une intervention militaire dans une région comme la nôtre. Pour appuyer son idée, la France accuse toutes les parties en place au nord du Mali d’un islamisme extrémiste et de terrorisme. Paris considère, donc, que le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), Aqmi et Ansar Eddine seraient des mouvements de même nature.
Il y a, certes, des raisons cachées à cet empressement français de faire la guerre et il n’est pas difficile d’en apercevoir quelques-unes. On n’a même pas besoin de loupe pour les contempler. Or, Alger ne partage pas cette vision des choses. De ce côté-ci de la Méditerranée, on considère Ansar Eddine comme étant non pas un mouvement terroriste, mais une «organisation malienne» avec des revendications politiques et sociales et qui, donc, devrait être partie intégrante du processus de dialogue. Par ailleurs, et si l’Aqmi est bien connue et classée sans ambiguïté comme mouvement terroriste, le Mujao, quant à lui, traîne beaucoup d’interrogations et est entouré de beaucoup de flou quant à ses origines, ses financements et même ses objectifs réels.
La victoire de la diplomatie algérienne
Cette divergence de vues, n’est certainement pas pour faciliter le courant entre les deux capitales. Et, directement concernés, parce que partageant près de 1400 km de frontière avec le Mali, les Algériens ont opposé un niet catégorique à l’option guerrière française. C’est justement ce refus des Algériens qui pose un sérieux problème aux Français. L’Algérie serait-elle, donc, en mesure d’empêcher la France d’intervenir militairement au Mali? A vrai dire non, sauf que, et cela les Français le savent bien, sans un appui des services et sans des renseignement fiables, toute intervention dans cette partie du monde serait un véritable bourbier pour les soldats de Hollande. Or, les services algériens sont présentés comme étant les meilleurs dans la région, les mieux au courant des faits et les plus expérimentés dans la lutte contre le terrorisme. Autant d’atouts dont Paris aurait bien voulu tirer profit. Mais les Algériens ont une idée sur ce qui pourrait arriver si jamais une opération militaire, même menée uniquement par les Africains, venait à être déclenchée.
Les Français ont entamé un réel ballet de va-et-vient et plusieurs ministres ont effectué le déplacement entre Paris et Alger, dont, surtout, Laurent Fabius et Manuel Valls, respectivement ministre des Affaires étrangères et ministre de l’Intérieur, tout en déployant sur d’autres niveaux, et dans d’autres directions, d’autres efforts pour concrétiser ce qui semble leur tenir à coeur, c’est-à-dire une dangereuse guerre aux frontières de l’Algérie.
Ils sont allés jusqu’à proposer aux Algériens de participer à l’opération militaire, chose que ces derniers n’ont pas hésité à rejeter tout aussi catégoriquement. Devant l’entêtement des Algériens, les Français, qui veulent une opération militaire imminente, tentèrent en vain d’obtenir l’accord de la communauté internationale pour une intervention militaire. Le 12 octobre 2012, en effet, «le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 2071, présentée par la France et co-parrainée par le Maroc, le Togo, l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Allemagne et le Royaume-Uni, appelant les groupes armés au Nord-Mali à se dissocier des mouvements terroristes, sous peine de sanctions». Ce qui ne sert pas les desseins français qui souhaitaient «une intervention rapide» et réconforte les Algériens dans leur position. Entre-temps, ces derniers tentent de faire partager leur point de vue par des partenaires influents dont, notamment, les Etats-Unis et c’est ainsi que le lundi 29 octobre, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, atterrit très tôt à Alger.
Les va-t-en guerre français voyaient en cette visite une occasion pour convaincre les Algériens de les aider à mener l’opération tant voulue. C’est ainsi qu’une certaine presse ne manqua pas de crier victoire en se précipitant pour déclarer que Hillary Clinton «veut rallier l’Algérie à une possible opération militaire au Mali», qu’elle «pousse Alger sur la voie d’une opération au Mali», qu’elle tente «d’infléchir la position du Président Bouteflika, opposé à une intervention», qu’elle «exhorte le Président Bouteflika à soutenir une intervention militaire africaine dans le nord du Mali», etc.
Néanmoins, cette journée du 29 octobre fera date dans cette affaire malienne car, à la fin des discussions, ce n’est pas l’Algérie qui est ralliée au point de vue des guerriers mais c’est Clinton qui est ralliée à celui plus sage des Algériens.
La secrétaire d’Etat américaine qui avait déclaré avoir «beaucoup apprécié l’analyse du président, fondée sur sa longue expérience, concernant les nombreux facteurs complexes inhérents à la sécurité intérieure du Mali, ainsi que sur la menace que le terrorisme et le trafic de drogue font peser sur la région et au-delà» fait observer que les discussions, à propos du problème malien, se poursuivront «en mode bilatéral et avec les partenaires de la région, en concertation avec l’Union africaine, la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et les Nations unies pour essayer de trouver des solutions à ces problèmes». Autrement dit, les Algériens ont convaincu leur invitée de l’inutilité, du moins immédiate, de l’option militaire.
Nous sommes le lundi 29 octobre, jour où la diplomatie algérienne remporta, donc, un dur round contre celle française. Le lendemain, mardi 30 octobre, ne supportant pas cette défaite, surtout la veille d’un certain 1er Novembre, la République lâche contre nous ses voyous et c’est ainsi que sera déclenchée la campagne de haine par l’indécent geste d’un certain Longuet.
Longuet… il y a des enfants qui regardent
La repentance exigée par les Algériens n’est, en réalité, qu’un prétexte tout trouvé pour qu’une partie de la France officielle s’empresse d’exprimer sa haine mal contenue à l’égard de notre pays et de notre peuple. Il y eut, certes, cette réaction exécrable du personnage, mais il y en eut beaucoup d’autres. Et si les responsables de la droite se murent dans un silence qui n’étonne point, ceux de l’extrême droite s’en sont donnés à coeur joie. C’est ainsi que leur vice-président, Louis Aliot, se mit carrément à nous juger et à évaluer notre parcours en tant que peuple et en tant qu’Etat. En qualité de quoi cet ignoble personnage, apôtre du racisme et de la xénophobie, se permet-il de porter des jugements sur un peuple avec lequel il n’a rien à voir? Comme le font d’habitude les gens de son parti, ce personnage s’est même laissé aller à des mensonges et des exagérations incroyables. Sa présidente, fidèle reproduction de son tortionnaire de père, n’a pas raté l’occasion de mettre son grain d’insultes. Elle ira même jusqu’à dire qu’elle apprécie bien le bras de Longuet. Grand bien vous fasse madame! Nombreux sont aussi les blogs qui nous firent une part belle dans leur invective et leurs basses injures. Lorsqu’on sait pourquoi cette campagne a été déclenchée, on ne peut qu’en rire. Oui, on en rit de bon coeur en regardant à quoi peuvent servir, sous certains cieux, les sous-traitants de la République. En attendant, c’est toute la nudité de la partie française qui apparaît deux fois. La première, lorsque les Américains ne se rallièrent pas à leur option et la seconde lorsque certains de ses ministres se sont mis à gesticuler, à la hauteur de leur culture, et à jouer du bras. Hé, Longuet, fais gaffe, il y a des enfants qui regardent!
