À l’issue de chaque année scolaire, un étrange et triste spectacle se répète devant de nombreux établissements scolaires algériens : des élèves jettent leurs cahiers, les déchirent ou les brûlent, souvent dans un climat de jubilation collective. Ce phénomène, qui prend de l’ampleur depuis quelques années, attire désormais l’attention des institutions publiques, des associations éducatives et des acteurs de la société civile, tant il met en lumière une dégradation du rapport à l’école et au savoir.
Aujourd’hui, samedi 10 mai 2025, le ministre de l’Éducation nationale, a reçu la présidente du Conseil national de la société civile, Ibtissem Hamlaoui, pour discuter de ce comportement jugé « étranger à la culture scolaire algérienne » et des moyens d’y remédier. Ce geste, devenu viral sur les réseaux sociaux, choque l’opinion publique par sa dimension destructrice, mais aussi symbolique : il s’agit moins d’un simple soulagement face à la fin des examens que d’une forme de rejet de l’école elle-même.
Selon les experts en sciences sociales et en pédagogie, plusieurs causes expliquent ce phénomène : désengagement progressif de certains élèves vis-à-vis de l’école, manque de valorisation du matériel scolaire, absence de sensibilisation au respect de l’environnement, et parfois, un sentiment d’échec ou de frustration vis-à-vis du système éducatif. Dans les établissements touchés, les enseignants et les surveillants rapportent des scènes de liesse incontrôlable, allant jusqu’à la destruction de manuels collectifs et au saccage d’installations publiques.
La diffusion massive de ces actes sur TikTok, Instagram ou Facebook accentue le phénomène, en banalisant des gestes qui nuisent profondément à l’image de l’école, et en donnant une visibilité disproportionnée à ces comportements.
Un plan de mobilisation national pour réconcilier les élèves avec l’école
Consciente de la gravité de la situation, la présidente du Conseil national de la société civile a annoncé, à l’issue de sa rencontre avec le ministre, un engagement concret : la participation du Conseil à une vaste campagne de sensibilisation nationale, qui commencera dès le dimanche 11 mai 2025 autour et à l’intérieur des établissements scolaires.
Cette initiative associera un large éventail d’acteurs : associations de parents d’élèves, Scouts musulmans algériens, Croissant-Rouge algérien, clubs environnementaux, animateurs de quartier, enseignants volontaires. L’objectif est d’éduquer les élèves au respect de leurs cahiers, de leurs manuels, et de leurs institutions éducatives. Car au-delà du papier déchiré, ce sont aussi des valeurs qui s’effritent : respect, responsabilité, mémoire du savoir transmis.
Les actions prévues vont des ateliers de discussion sur la citoyenneté scolaire, à des opérations de recyclage éducatif des anciens cahiers, en passant par des campagnes d’affichage, des interventions dans les classes, et même des concours inter-établissements pour promouvoir la créativité autour de la réutilisation du matériel scolaire. L’école algérienne, affirme Hamlaoui, « doit redevenir un espace de construction personnelle et collective, et non un lieu de rejet symbolique ».
L’enjeu est de taille : il s’agit de restaurer l’image de l’école, de revaloriser l’acte d’apprendre, et de lutter contre une désaffection croissante d’une partie de la jeunesse vis-à-vis de l’institution scolaire. Le ministère de l’Éducation entend faire de cette campagne un levier de transformation sociale durable, intégrée aux projets pédagogiques des établissements à partir de la rentrée 2025-2026.
Dans un contexte où la réforme de l’école algérienne est au cœur des priorités nationales, cette mobilisation pourrait bien marquer un tournant : celui d’une école non seulement plus inclusive et moderne, mais aussi mieux protégée face aux dérives qui sapent son autorité et son rôle dans la société.