Café littéraire : L’Enag relance l’«Agora du livre»

Café littéraire : L’Enag relance l’«Agora du livre»

Sihem Bounabi

L’Entreprise nationale des arts graphiques (Enag) a relancé, en début de semaine, son café littéraire qu’elle a baptisé «L’Agora du livre», à la librairie Mediabook pour des rencontres hebdomadaires, chaque samedi après-midi.

L’invité de ce premier café littéraire a été l’écrivain, journaliste et poète Keddour M’hamsadji. Il a partagé avec les présents la genèse de son premier livre qui «lui tient à cœur», son parcours et la nécessité de redonner le plaisir de la lecture chez les jeunes générations.

Abdelhakim Meziani, animateur de «l’Agora du livre », a confié aux présents que cette initiative émane du directeur de l’Enag Hamoudi Messaoudi, avec pour principale mission le rapprochement des lecteurs avec les auteurs.

Il précisera également qu’« Agora du livre » est ouvert à tous les auteurs et à toutes les maisons d’édition, quelles que soient leurs sensibilités, sans distinction aucune. Ceci dans l’esprit de la notion de service public qui prévaut au niveau des éditions Enag.

Pour sa part, Nouara Hocine, la directrice d’édition à l’Enag, a confié qu’«il y a eu un temps où on avait un espace dédié aux rencontres entre les éditeurs, les lecteurs et les auteurs au début des années 2000 jusqu’en 2005. Ensuite il y a eu une telle charge de travail en tant qu’éditeur que ces rencontres ont été reléguées au second plan et remises à plus tard». Elle ajoute qu’«Abdelhakim Meziani nous a rappelé à l’ordre en nous tarabustant pour organiser cet espace tant mieux. Sinon, on aurait repoussé les choses aux calendes grecques»

Nouara Hocine, tout en rappelant que «l’Enag est au service de la lecture et du livre», estime que «le livre ne prend vie que dans les mains de son lecteur. Espérons que les livres qui sont ici dans cette librairie prennent vie»

«La dévoilée» genèse d’un parcours prolixe

Suite à ce prélude sur les aspirations de la maison d’édition publique, à travers la relance du café littéraire, Kaddour M’hamsadji a commencé par exprimer sa joie d’inaugurer l’espace en soulignant que «c’est l’un des endroits les plus beaux et le plus poétiques d’Alger». Ensuite, il a évoqué ses souvenirs en confiant : «J’ai commencé à écrire très jeune, dès l’âge de douze ans» relatant aussi ses interrogations de jeune collégien et d’adolescent sur l’absence d’écrivains algériens dans les manuels de l’école coloniale. Plus tard, il va entendre parler de Kateb Yacine, Malek Haddad et Mouloud Mammeri qui sont devenus ses amis. Il précisera à propos de la relation qui le lie à Mouloud Mammeri que «pour moi c’est un frère aîné, un ami et je pourrais même dire un père et nous étions très liés». Il citera à ce sujet l’ouvrage qu’il a écrit à la mémoire de Mouloud Mammeri, intitulé «Le juste qui sommeille» inspiré du roman « Le sommeil du juste » de Mammeri.

L’autre préoccupation du jeune collégien dans les années quarante, est l’absence de noms des femmes algériennes lors des massacres du 8 mai 1845, « une protestation révolutionnaire nationale. C’est là où j’ai remarqué l’absence des noms féminins et cela m’a marqué. C’est là que je me dis, qu’il faut qu’un jour ou l’autre, que la femme algérienne prenne le flambeau aux côtés de son frère» souligne-t-il. L’écrivain rappelle également le contexte social de l’époque coloniale, où les filles quittaient l’école vers l’âge de dix ans, à l’instar de ses propres sœurs, ce qui l’avait aussi profondément révolté et marqué. Ceci, l’amena vers l’âge de 15 ans à l’écriture de son premier texte, sur justement la condition féminine intitulé « La dévoilée ».

A ses 18 ans, son professeur de français au lycée qui avait des liens avec Albert Camus présente le manuscrit à Camus. De fil en aiguille, le texte sera traduit par Mahieddine Bachtarzi, qui le diffusera sur les ondes de la radio à l’époque. Boudari Safir présentera aussi le texte à Emanuel Roblès qui l’édita en 1959. Ce premier écrit de M’hamsandji mettant, d’une manière subtile, à l’honneur les femmes combattantes algériennes dans le contexte du joug colonial, a également été publié dans les premiers numéros clandestins du journal El Moudjahid avec le soutien de Jean Senac, affirme l’intervenant.

C’est à partir de là que débute la longue aventure d’écrivain de Kaddour Mhamansadji, avec notamment plusieurs ouvrages sur les traditions et l’architecture de La Casbah et des œuvres romanesques, entre autres, sur les janissaires. Le romancier a également publié deux romans sur la guerre de libération nationale dont «Le silence des cendres» traduit en chinois et diffusé en Chine. Il a aussi écrit des recueils de poésie et des pièces de théâtre.

A propos de son dernier roman «La quatrième épouse» présenté lors du dernier salon du livre d’Alger (Sila 2018), il explique que «la première épouse est l’Algérie coloniale, la deuxième, c’est l’Algérie combattante, la troisième c’est l’Algérie aux premiers mois de l’indépendance et la quatrième c’est l’Algérie des années quatre-vingts».

Lors de cette rencontre, Kaddour M’hamsandji a également abordé la problématique de la lecture en Algérie à travers l’ouvrage collectif qu’il a initié intitulé «A quoi sert le livre ?» publié aux éditions Enag. En estimant, que c’est un ouvrage qui mérite d’être lu et relu, car «c’est une incitation à la lecture»

Inculquer  le plaisir de lire

Il explique à ce sujet que si beaucoup pensent que l’écrivain algérien ne se vend pas dans son pays, cela est dû à plusieurs raisons mais d’une façon générale, on dit qu’« il n’y a pas de lecteurs ». Il estime à ce propos que «c’est vrai et ce n’est pas vrai en même temps », en précisant que pour aller à la lecture, c’est une initiation, à travers la découverte de beaux romans, de la belle poésie et de beaux ouvrages sur l’histoire de l’Algérie. Il insistera à ce sujet sur le rôle de l’éditeur et surtout le rôle de l’école dans la promotion de la lecture.

Dans ce contexte, il annonce qu’il est en pleine réflexion pour la rédaction d’un nouvel ouvrage intitulé « A quoi sert l’école ? » avec des contributeurs hautement qualifiés et ambitionnant d’étoffer l’ouvrage en donnant la parole à des écrivains, à des lecteurs, à des critiques littéraires, à des historiens, à des sociologues et à des parents d’élèves. Il soulève, dans ce sillage, l’importance du «savoir lire», qui s’acquiert à l’école en mettant en exergue l’importance, aujourd’hui, d’initier les élèves à la lecture mais aussi à une méthodologie de lecture. « D’abord pour lire, il faut inculquer le plaisir de lire et le goût de la recherche de la lecture, c’est le plus important. Si nous-mêmes, adultes, nous n’avons pas en nous le désir et le goût de lire, comment peut-on le transmettre ? »

Parmi les solutions proposées, Kaddour M’hamsandji citera à titre d’exemple sa propre expérience durant son cursus scolaire, où il existait des bibliothèques de classe et chaque élève devait lire un livre par semaine et le résumer. Il martèlera : « Il faut que cela se diffuse dans toutes les classes du système éducatif et ce dès le primaire». Il conclura son intervention, en soulevant le rôle important des médias dans la diffusion du livre. En précisant que l’intérêt n’est pas dans la critique littéraire en elle-même, mais d’informer le grand public sur les livres qui sont publiés.

Célébration  de la journée de la Casbah à l’Enag

A l’ occasion de la célébration de la journée nationale de la Casbah, célébrée chaque année le 23 février, une rencontre avec l’auteur Ahmed Amine Dellal, sera organisé, samedi prochain, à la librairie Médiabook d’Alger dès 14 heures. La rencontre avec l’auteur sera suivie d’une vente-dédicace, notamment de ces ouvrages publiés à l’Enag dont «Chansons de la Casbah», «Chants Bédouins» et « Zahou El Aniss ». Les organisateurs annoncent aussi que des écrivains, historiens et architectes seront également présents à cette rencontre afin de rendre hommage à l’antique citadelle classée patrimoine mondial par l’Unesco.