Au quatrième jour de l’intervention militaire contre le régime de Kadhafi en Libye, l’action de la coalition continue à diviser. Entre les doutes émis sur la conformité des bombardements avec la résolution de l’ONU et l’engagement militaire direct, les positions divergent. Critiques, ambiguïtés et revirements caractérisent les déclarations des différents pays engagés ou non dans ce bras de fer contre le colonel Kadhafi. Sur le terrain, une situation de guerre semble irrémédiablement s’installer. Les bombardements de la coalition contre le régime du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi se poursuivent, visant des cibles stratégiques. Hier, les opérations militaires tentaient de couper les lignes de ravitaillement des forces de Kadhafi.
Après une première vague de frappes durant deux jours contre les défenses antiaériennes et des blindés près des lignes des insurgés, la prochaine étape semble être de limiter la capacité d’action des forces gouvernementales. La coalition, avec à sa tête les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, est promptement entrée en action samedi dernier en bombardant par air et par mer des objectifs militaires après avoir obtenu l’aval onusien à travers la résolution 1973 adoptée jeudi.
Au fil des heures, les dégâts dans le camp Kadhafi se font plus nombreux. Des missiles ont détruit un bâtiment administratif à l’intérieur du complexe résidentiel de Kadhafi au sud de Tripoli. Il abriterait un centre «de commandement et de contrôle». Le fait de viser ou non Kadhafi fait l’objet de déclarations contradictoires. Les forces de Kadhafi, qui avaient attaqué Benghazi, semblent entamer un recul jusqu’à Ajdabiya, à 160 km au sud. Des dizaines de chars ont été détruits par des frappes aériennes tout le long de la route entre les deux villes. L’intervention militaire qui a débuté par une frappe aérienne française suscite les réactions les plus diverses.
L’Italie, la Belgique, la Norvège, le Danemark, le Canada, l’Espagne et le Qatar ont annoncé leur participation. Les Emirats arabes unis ont tenu à préciser que leur participation se limite à l’aide humanitaire. L’Italie réclame des assurances sur la conformité des premières frappes avec la résolution de l’ONU. L’intensité des bombardements a, en effet, provoqué de vives réactions. Amr Moussa, qui avait soutenu l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne, a d’abord estimé que les bombardements s’écartaient de leur but. Mais le chef de la Ligue arabe a nuancé ses propos, estimant que sa déclaration avait été déformée par les médias. Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a déclaré que la résolution de l’ONU autorisant l’usage de la force lui faisait penser «à l’appel aux croisades à l’époque du Moyen Age».
Le responsable russe s’est inquiété de la légèreté avec laquelle sont prises les décisions concernant l’utilisation de la force dans les affaires internationales. Mais les déclarations de Poutine sont aussitôt désapprouvées par le président Dimitri Medvedev dans une dissension inédite entre les deux dirigeants russes. L’Allemagne s’est dit confortée dans ses fortes réserves et l’Inde a demandé la fin des raids aériens. L’Union européenne, profondément divisée sur l’opération militaire, se limite aux sanctions renforcées contre le régime au pouvoir à Tripoli. Le colonel à la tête de la Libye depuis près de quarante-deux ans est contesté depuis le 15 février par une révolte qui pourrait déraper en guerre civile.
La révolte réprimée a fait des centaines de morts et poussé plus de 300 000 personnes à fuir le pays. La situation en Libye risque également d’avoir des répercussions sur le plan économique. Les cours du pétrole étaient en forte hausse hier, les marchés redoutant que les installations pétrolières libyennes ne soient touchées par des bombardements ou des actes de sabotage.