Cachant son jeu face au programme nucléaire iranien,Israël prépare-t-il des frappes contre Téhéran ?

Cachant son jeu face au programme nucléaire iranien,Israël prépare-t-il des frappes contre Téhéran ?

Israël cultive l’ambiguïté sur d’éventuelles frappes contre l’Iran et se réserve ainsi toutes les options pour freiner le programme nucléaire militaire prêté à Téhéran, estiment des experts israéliens.

Ces dernières semaines, les rumeurs sur l’imminence d’une offensive israélienne se sont amplifiées, alimentées par des déclarations de dirigeants israéliens et des éditoriaux dans les médias internationaux. Israël, considéré comme la seule puissance nucléaire régionale, se dit déterminé à empêcher l’Iran d’accéder à ce statut, y compris par la force, y voyant une “menace existentielle.” Téhéran dément que son programme nucléaire civil cache un volet militaire, comme l’en soupçonne la majorité de la communauté internationale.



Nombre d’experts sont toutefois circonspects sur cette rhétorique, estimant qu’Israël cherche en fait à s’épargner une intervention armée en faisant ainsi pression sur l’Iran et la communauté internationale. “Israël veut de toute évidence que d’autres pays empêchent l’Iran de parvenir à l’arme nucléaire en évoquant la possibilité d’une attaque”, affirme à l’AFP le professeur de sciences politiques Yéhezkel Dror. “C’est un moyen de dissuasion et de mobilisation, et cela s’inscrit dans une stratégie relativement évidente, qui marche plutôt bien”, opine-t-il. Les dirigeants israéliens ont nettement durci le ton.

La semaine dernière, le ministre chargé des Affaires stratégiques, Moshé Yaalon, a assuré qu’il était possible de détruire les installations nucléaires souterraines les mieux protégées. Face à la nervosité de la communauté internationale, de Washington en particulier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a demandé aux membres de son gouvernement et aux généraux de cesser de “palabrer” sur d’éventuels raids contre l’Iran. Pour l’analyste de défense et expert des services de renseignements Ronen Bergman, les menaces d’attaques constituent un bon moyen de cautionner d’emblée une future opération militaire. “Israël prend les devants en déclarant à la communauté internationale : ‘Nous vous avons prévenus que si vous n’agissez pas, eh bien nous nous en chargerons’”, explique-t-il à l’AFP. Selon lui, les dirigeants israéliens cherchent aussi à se justifier par avance en assurant avoir “donné l’alerte et fait l’impossible au fil des ans pour que le monde impose des sanctions à l’Iran et évite une attaque.” Dans une analyse remarquée parue le mois dernier dans le New York Times et intitulée : “Est-ce qu’Israël va attaquer l’Iran ?” M. Bergman concluait, sur la base de ses entretiens avec des hauts responsables israéliens, qu’une opération israélienne cette année était probable.

Il reconnaît toutefois qu’un certain degré d’incertitude subsiste parmi les sources les mieux informées. “La décision d’attaquer n’a pas été prise”, affirme-t-il.

Le professeur Avner Cohen, du Centre d’études pour la non-prolifération des armes nucléaires, basé en Californie, juge pour sa part que “dans le contexte actuel, les déclarations sur une attaque israélienne relèvent sans doute à 80% d’un bluff, dans la mesure où Israël n’a pas encore pris de décision.” Mais cet Israélo-Américain ajoute que faute d’action internationale stoppant le programme nucléaire de Téhéran, “Israël pourrait agir seul. Et de ce point de vue, ce n’est pas du bluff.”

La menace militaire israélienne est en outre à double tranchant car les dirigeants iraniens “n’ont pas besoin des armes nucléaires mais veulent surtout être perçus comme étant proches d’en disposer”, souligne Avner Cohen. Selon lui, “c’est uniquement si l’Iran est attaqué qu’ils se retireront du Traité de non-prolifération (TNP) et déclareront leur droit à disposer de l’arme nucléaire au nom de l’autodéfense.”

R.I/Agences