Depuis plusieurs mois, les quelques jeunes joueurs originaires d’Algérie qui évoluent en France font l’objet de la plus grande attention de la part des instances de la Fédération algérienne de football. Contacts directs, approches indirectes, messages subliminaux envoyés par presse interposée, déclarations mielleuses des dirigeants et du coach national… Tout est mis en œuvre dans cette opération «drague» tous azimuts qui ne dit pas son nom. Une opération qui est parfois poussée jusqu’à frôler l’humiliation.
Même un produit importé doit obéir à un cahier des charges
A cause de la faiblesse du produit footballistique national, nos instances dirigeantes se rabattent sur les produits d’importation, suivant une règle commerciale séculaire et universelle qui veut qu’on doit ramener d’ailleurs ce qu’on ne trouve pas chez soi. Or, il se trouve que l’importation de footballeurs obéit à un cahier des charges bien précis qui fait que le produit doit avoir un lien ascendant avec l’Algérie. En effet, on n’en est pas encore au «libre marché» qui s’opère dans les pays du Golfe qui se permettent de ramener des sportifs -pas uniquement dans le football – d’autres pays et de les nationaliser de facto sans même s’inquiéter de savoir si lesdits sportifs ont ne serai-ce qu’un infime sentiment d’appartenance à leur nouveau pays. El Hamdoullah, ça ne se passe pas – encore – de la sorte chez nous où, pour qu’un produit importé soit agréé, il faut qu’il ait un fil algérien à la patte.
Brahimi, Tafer, Feghouli, Hamouma, même pas stars dans leurs clubs !

Or, il se trouve que nos négociants s’acharnent à engager des pourparlers pour des produits qui ne sont pas tous de premier choix. Yacine Brahimi ? Un joueur de Rennes, club qui s’est péniblement qualifié pour l’Europa League, après avoir été en prêt à Clermont Foot, en Ligue 2 française. Yannis Tafer ? Prêté à Toulouse la saison passée, il n’a participé qu’à
16 matchs. Sofiane Feghouli ? 12 matchs seulement, dont 4 comme titulaire, durant toute la saison 2010-2011 qu’il a commencée à Valence et terminée en prêt à Almeria. Romain Hamouma ? Tout juste 1 saison en Ligue 1, car issu des divisions inférieures, de surcroît à Caen, qui est loin d’être l’un des foudres de l’élite française. Voilà donc la «marchandise» que convoitent les négociants de la FAF. Pas de quoi faire l’affaire du siècle.
Ils ne veulent pas être estampillés «Algeria»
Or, il est pathétique de voir l’empressement mis par les négociants de service à vouloir conclure ces affaires, quitte à risquer des surcoûts. Ces joueurs ne veulent pas être estampillés «Algeria» ! Il faut être naïf ou idiot pour ne pas le comprendre. Seul Hamouma a eu la franchise de le déclarer ouvertement, les autres se contentant de brouiller les pistes et d’entretenir un faux espoir. S’il s’était agi de vraies perles, on aurait compris cet acharnement à vouloir les acquérir, quitte à piétiner un peu l’amour-propre national. Or, il ne s’agit que de Brahimi, Feghouli et Tafer, des joueurs qui ne sont même pas des titulaires dans leurs clubs respectifs !
Zitouni, Mekhloufi, Ziani et Boudebouz sont venus sans se faire prier
Continuer dès lors à leur faire la cour et à insister auprès d’eux s’apparente de plus en plus à de la mendicité ! On en est réduit à demander, voire quémander des joueurs à la France ! L’Histoire de l’Algérie regorge pourtant d’exemples de joueurs qui avaient la possibilité de jouer pour la France, mais qui ont choisi de défendre les couleurs de l’Algérie sans que d’obscurs négociants ne leur fassent miroiter quoi que ce soit. Lorsqu’on aime l’Algérie, on n’a pas besoin d’un avis d’appel d’offres pour répondre favorablement à ses sollicitations. Mustapha Zitouni et Rachid Mekhloufi avaient laissé tomber une participation à une Coupe du monde, l’un comme capitaine de la France et l’autre comme meneur de jeu, pour répondre à l’appel du FLN durant la Révolution algérienne. La majorité de leurs pairs algériens en France en avaient fait de même en compromettant leurs carrières respectives. Karim Ziani, dans une émission télévisée, avait déclaré à 19 ans qu’il ne jouerait que pour l’Algérie, alors que les Français le voulaient dans la sélection des U20. Ryad Boudebouz, qui était titulaire en sélection de France U19, a choisi l’Algérie à 20 ans, alors qu’il était l’un des joueurs les plus prometteurs du football français. Comme quoi, quand on veut, on n’a besoin ni d’être «dragué» ni de se faire prier, encore moins d’être supplié.
Dahleb avait refusé le 10 de Platini pour jouer pour l’Algérie
Le plus bel exemple de choix délibéré et sincère en faveur de l’Algérie a été Mustapha Dahleb. A la fin des années 70, alors qu’il était l’un des meilleurs joueurs évoluant en France et le cœur battant du Paris Saint-Germain, le sélectionneur de la France, Michel Hidalgo, lui avait proposé de défendre les couleurs de la France, lui promettant même de porter le fameux et prestigieux numéro 10. «Mais c’est Platini qui porte le 10», avait fait remarquer Dahleb à Hidalgo qui lui a rétorqué, très sérieux : «Eh bien, Platini portera le 13 !» En plus clair, le sélectionneur français promettait à Dahleb d’être titulaire au détriment de Platini. Malgré cela, l’Algérien ne s’est pas laissé séduire : il a joué pour l’Algérie. Il n’a eu besoin ni qu’on lui envoie des émissaires, ni qu’on lui fasse la cour, ni qu’on actionne un plan média.
La France qui nous forme des joueurs, c’est rabaissant
Alors, de grâce, arrêtons cette mendicité qui ne dit pas son nom ! Les joueurs algériens, où qu’ils soient et d’où qu’ils viennent, sont les bienvenus, à condition qu’ils veuillent réellement défendre les couleurs nationales et avoir le cœur qui bat pour ce pays. Nous n’avons besoin ni de mercenaires ni de naturalisés. C’est se rabaisser que d’attendre que la France nous forme des joueurs. Ces dernières années, la faiblesse criarde du niveau de formation en Algérie a fait que la sélection s’est appuyée sur des joueurs moyens, mais mieux formés et mieux préparés en Europe. Cela devait constituer une exception et non pas une règle. Certes, le football algérien est faible, mais ce n’est pas une raison pour faire des courbettes à de jeunes capricieux qui ne sont même pas des starlettes dans leurs clubs. Un adage populaire algérien dit : «Nous n’avons rien, mais nous ne manquons de rien». Ce serait bien de l’appliquer à notre football plutôt que de faire la manche à des «bienfaiteurs» dédaigneux…