Burn-out, stress, glissement discal… Les maladies du travail explosent en Algérie

Burn-out, stress, glissement discal… Les maladies du travail explosent en Algérie
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La médecine du travail tire la sonnette d’alarme. Lors d’un colloque organisé à l’École de la Sécurité sociale à Alger, plusieurs spécialistes ont dénoncé un déficit criant en médecins du travail, alors que le nombre de travailleurs augmente dans tous les secteurs. Un déséquilibre lourd de conséquences, puisque les pathologies liées au stress, aux pressions professionnelles ou aux environnements toxiques progressent rapidement.

Un système dépassé par les nouvelles maladies du monde professionnel

La professeure Ben Massoud, présidente du comité d’organisation du congrès, a insisté sur une urgence : actualiser la liste officielle des maladies professionnelles.

Selon elle, le tableau actuel ne correspond plus du tout aux risques du monde moderne : fatigue mentale, burn-out, pressions hiérarchiques, exposition massive aux écrans, troubles liés aux postures prolongées ou encore maladies causées par la surcharge numérique.

Les médecins du travail expliquent qu’une grande partie des employés qu’ils reçoivent souffrent de troubles anxieux, de dépressions, de burn-out ou de conflits répétés avec leurs responsables. Ces situations finissent souvent par provoquer des maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension.

La spécialiste signale aussi une montée notable des hernies discales dues au travail sédentaire ou aux efforts physiques répétés. Pourtant, ces maladies ne figurent toujours pas dans la liste des pathologies indemnisables, ce qui prive les travailleurs d’une prise en charge conforme à la réalité.

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Des propositions concrètes pour soulager les travailleurs

Les experts présents au colloque ont présenté plusieurs pistes pour améliorer la situation :

  • L’instauration du travail partiel adapté, comme dans de nombreux pays, afin d’éviter d’envoyer prématurément un travailleur en invalidité.
  • Le partage du salaire entre l’employeur et la Sécurité sociale jusqu’au rétablissement du travailleur.
  • La création d’agences de réorientation professionnelle, capables de rediriger les employés souffrant de limitations physiques ou psychologiques vers des postes compatibles avec leur santé.

Ces agences utiliseraient des référentiels professionnels adaptés à chaque pathologie pour garantir une reconversion sécurisée et réaliste.

La professeure Chigara, également spécialiste en médecine du travail, a présenté des chiffres révélateurs.
Le nombre de bénéficiaires d’indemnisation pour accidents professionnels est passé de 249 042 en 2016 à 202 938 en 2023. Une baisse en apparence rassurante, mais qui masque une réalité plus complexe : les enquêtes sur les accidents et les inspections en milieu professionnel restent très limitées.

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En 2022, seulement 3 179 enquêtes ont été menées contre 2 059 inspections, un chiffre dérisoire face à la taille du marché du travail. Les services de médecine du travail manquent aussi de ressources, de matériel et même de médecins, ce qui affaiblit les actions de prévention.

La professeure Chigara rappelle que les entreprises ont un rôle déterminant.
Elles doivent assurer la formation continue des travailleurs, créer des services internes de sécurité et appliquer les dispositions du décret exécutif 02-427, qui oblige toute entreprise employant plus de neuf travailleurs permanents à recruter un médecin du travail.

Cette obligation ouvre la voie à un meilleur accompagnement, mais elle reste encore mal appliquée sur le terrain.

Un appel urgent à protéger la santé des travailleurs

Le congrès a mis en lumière une réalité que beaucoup dénoncent depuis des années : le monde du travail change plus vite que la réglementation.
Les maladies liées au stress, au numérique et aux nouvelles formes d’organisation se multiplient, tandis que les moyens humains et matériels dédiés à la médecine du travail stagnent.

Les spécialistes appellent donc à un chantier national de réforme, afin de protéger la santé des travailleurs, préserver leur dignité et éviter que de simples souffrances professionnelles ne se transforment en maladies chroniques et coûteuses pour le pays.

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