Dans une atmosphère tendue, la loi de finances 2016 a été adoptée au Sénat, deux semaines après son approbation au Parlement. Et les interrogations sur sa pertinence ne manquent pas.
C’est dans une ambiance de pugilat que les députés avaient adopté le projet de loi de finances (PLF) 2016, c’est dans un hémicycle apaisé mais tendu que les Sénateurs l’ont entériné. Une fois de plus, le ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa a dû endosser le costume de pompier pour éteindre le feu qui menaçait de se rallumer. Avec comme braises de contestation : l’augmentation des prix de l’essence et de l’électricité et les privatisations possibles d’entreprises publiques. « Le PLF 2016 est une loi normale qui intervient dans une conjoncture particulière », a soutenu le premier argentier à la tribune du Conseil de la nation (Sénat). La baisse des cours de pétrole depuis l’été, passé de 110 dollars le baril à moins de 40 dollars ces derniers jours, a, en effet sérieusement affecté le budget de l’État alimenté à 60 % par les recettes hydrocarbures. Selon les prévisions du gouvernement, les revenus issus de l’exportation d’hydrocarbures devraient diminuer de près de 24 % passant de 34 à 26 milliards de dollars entre 2015 et 2016. Conséquence : le niveau des réserves de change va continuer à baisser à vitesse grand V diminuant de 151 à 121 milliards de dollars entre fin 2015 et fin 2016, selon les prévisions du gouvernement rapportées par l’agence de presse algérienne (APS).
L’obligation de réduire les dépenses
Dans un tel contexte, l’État algérien ne pouvait que baisser son budget global. La LF 2016 prévoit ainsi un recul de 9 % des dépenses porté essentiellement par la réduction du budget d’équipement correspondant aux investissements publics de l’État qui enregistre un repli de 18 % – confirmant au passage le gel de certains projets annoncés par le gouvernement – contre une diminution de 3 % pour le budget de fonctionnement. « Il s’agit essentiellement pour l’économie algérienne de se débarrasser progressivement des deux fardeaux qui la clouent au sol et qui empêchent depuis plusieurs décennies son décollage économique », commente le journaliste Hassan Haddouche, spécialisé en économie. « Le premier de ces fardeaux est constitué par un système de subventions de plus en plus lourd et coûteux (NDRL près de 19 milliards de dollars selon le ministre des Finances) », énumère le journaliste. « Le deuxième boulet traîné depuis des décennies par l’économie algérienne est celui d’une majorité d’entreprises publiques fortement déficitaires. »
De nouvelles taxes pour augmenter les recettes
Pour la première fois depuis l’élection d’Abdelaziz Bouteflika au poste de président de la République en 1999, le gouvernement s’attaque frontalement au système des subventions. « Nous avons une stratégie pour sortir, d’ici deux à trois ans, des subventions généralisées des prix pour aller vers un ciblage des subventions », a martelé Abderrahmane Benkhalfa au cours de la présentation du PLF 2016. Dès 2016, les prix des carburants, de l’électricité et du gaz, connaîtront une légère hausse sous l’effet de l’ajustement de 7 % à 17 % de la TVA contenu dans la loi de Finances. De même pour la vignette automobile qui verra son prix augmenter en fonction du type du véhicule, de son âge et de sa puissance. Ces dispositions qui ont soulevé de vives réactions dans les rangs des députés notamment ceux du Parti des travaillistes (PT) dirigé par Louisa Hanoune, ne rapporteront pas énormément d’argent à l’État, souligne Liès Kerrar, PDG du cabinet de conseil en ingénierie financière Humilis. « Le pouvoir d’achat des Algérien(ne)s ne sera pas affecté par ces hausses de prix mais par la dévaluation du dinar », analyse l’expert.
Une ouverture à l’investissement jugée timide
L’autre mesure vivement recommandée par les acteurs économiques consultés lors de l’élaboration du PLF 2016 était une plus grande ouverture aux investissements permettant d’entamer une diversification de l’économie algérienne dépendante à 95 % des hydrocarbures. L’article 66 autorise ainsi l’ouverture des capitaux des entreprises publiques aux investisseurs privés et l’article 59 permet aux investisseurs privés de recourir, avec l’aval du gouvernement, aux financements étrangers. Tous deux ont aussi fait l’objet d’une franche opposition de parlementaires qui y voient une remise en cause de la protection des intérêts économiques nationaux. Pourtant, de l’avis de Raif Karroubi, expert en finance internationale, ces dispositions n’introduisent pas de changements majeurs. « La LF 2016 ne s’occupe que de réduire les dépenses, mais ne fait rien pour encourager les exportations », pointe l’expert. Pour toutes ces raisons, les analystes économiques demeurent pessimistes quant à l’avenir du pays et sa capacité à rebondir.