Bouteflika, ses réformes et les députés

Bouteflika, ses réformes et les députés
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Alors que l’on s’attendait à voir les réformes du président Bouteflika passer comme une lettre à la poste à l’Assemblée, des députés, qui se découvrent subitement une âme d’opposants, se livrent à des grenouillages en coulisses. Simple gesticulation ou vrai désaveu ? Décryptage.

Si prompts d’ordinaire à avaliser tous les textes qui émanent de l’Exécutif, les députés de l’Assemblée, les détenteurs de la majorité s’entend, tentent, depuis quelques jours, de faire entendre leur voix autour de certains textes de réformes, soumis à débat.

C’est ainsi que bon nombre parmi eux sont montés au créneau pour monter en épingle certaines dispositions contenues dans les textes. Obligation faite aux ministres de démissionner trois mois avant l’échéance électorale, présence des hommes d’affaires sur les listes de députation, quota de représentation de femmes aux assemblées élues, mode d’élection du président d’APC ou encore l’agrément de nouveaux partis sont autant de fenêtres de tirs choisis par les députés pour engager ce qui s’apparente, a priori, à un bras de fer avec l’Exécutif. Les arguments des uns et des autres sont multiples. Mais la finalité est la même : montrer à l’opinion que l’Assemblée joue son rôle et entend assumer ses prérogatives. Pour sa part, le gouvernement, qui ne s’est jamais soucié à vrai dire du rôle d’une assemblée qu’on devait assimiler à juste titre à une caisse de résonance, vient de réitérer, notamment à propos de la représentation des femmes, qu’il n’est pas disposé à céder aux desiderata de la commission juridique de l’Assemblée qui a décidé de ramener le taux de 30 à 20%. “Le gouvernement demeure attaché au taux de 30% de représentativité de l’élément féminin aux assemblées élues”, a affirmé le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, en réponse aux députés. “Il est inconcevable qu’après 50 ans d’indépendance et de consécration de l’égalité des sexes par toutes les Constitutions, on ne trouve que trois présidentes d’APC parmi 1 541 communes et aucune femme au niveau des assemblées de wilaya au moment où la Chambre haute du Parlement ne compte que sept femmes membres désignés et aucune femme membre élu et où les femmes n’occupent que 30 sièges à l’APN (…), alors qu’elles représentent 53% de la société.” Mais à quoi obéit ce chassé-croisé, réel ou supposé, entre le Parlement et l’Exécutif ? À première lecture, cela laisse à penser que certains partis sont incommodés par certaines dispositions à contre-courant de leurs intérêts, électoraux pour les uns, idéologiques pour les autres.

Mais, peut-on objectivement accréditer cette thèse lorsque l’on sait que ce sont les mêmes députés qui ont voté la révision de la Constitution en 2008 qui sautait le verrou de la limitation des mandats ? Des députés, handicapés en amont par un déficit de légitimité, et dont leurs ministres de chapelle ont avalisé, sans broncher, les textes en Conseil des ministres, sont-ils crédibles lorsqu’ils s’improvisent “opposants” ? Au-delà de la théâtralité, marque de fabrique, dont est coutumière l’Assemblée, tout comme d’ailleurs le reste des institutions, l’enjeu est peut-être ailleurs. Ou les gesticulations dans l’assemblée peuvent traduire des répliques d’un séisme en haut lieu, ou alors ce ne sont que des barouds d’honneur, une espèce de surenchère en somme en perspective des prochaines échéances électorales.

Mais les véritables réformes, comme la place des services de sécurité sur l’échiquier politique, la question de la religion, l’ouverture médiatique au débat contradictoire avec l’opposition, le respect des droits de l’Homme, des libertés religieuses et l’autorisation des manifestations publiques, pour ne citer que ces exemples, elles sont loin de constituer le souci de nos augustes députés.

Karim Kebir