Acculé par des protestations menaçant de partout, le pouvoir algérien fait montre d’un manque de volonté flagrant quant à y tendre oreille attentive, pis, à y apporter les réponses idoines.
Alors que le peuple aspire et revendique le changement, il se résume, autiste, à ouvrir quelques petites soupapes.
Sofiane Aït-Iflis – Alger (Le Soir) – Pour le Premier ministre, donné partant par la vox populi, peu après l’éclatement des émeutes de janvier dernier, la presse fait dans la confusion des genres. Ses collègues du gouvernement, les plus diserts comme le second de cordée dans la hiérarchie de l’exécutif, Yazid Zerhouni, annoncent, chacun en ce qui le concerne, des mesures qu’ils estiment à même d’aspirer les mécontentements populaires. Yazid Zerhouni, qui a été durant une décennie ministre de l’Intérieur, a distillé, hier, la «bonne nouvelle», à savoir que le dossier relatif aux associations, comprendre la loi, sera rouvert.
D’autres ministres aussi ont eu à se montrer philanthropes politiques, histoire d’éviter que naissent d’autres bourrasques du genre de celle du début de l’année. Autant de réactions après coup qui, toutes, ratent d’apporter les réponses escomptées par le peuple. Le président Bouteflika est resté sans voix tout au long de ce long mois d’incertitudes. Son gouvernement est resté en place, comme si de rien n’était, ou comme si c’est à la providence que le peuple adresse ses complaintes. Aujourd’hui, le président Bouteflika présidera un Conseil des ministres.
Un conseil dont il ne faudra certainement pas attendre de miracle, puisque ni le chef de l’Etat, ni ses ministres n’ont montré, jusque-là, des aptitudes à consentir plus que les mesurettes en trompe-l’œil qu’ils ont pour habitude d’édicter lorsque la rue gronde. Le président Bouteflika n’a même pas eu la faiblesse de croire en la légitimité des revendications des Algériens, toutes tranches d’âges et toutes catégories socioprofessionnelles confondues. La preuve est qu’il n’a pas osé parler et dire, pour le minimum attendu d’un chef d’Etat, qu’il comprenait ses administrés. En Jordanie, pour ne pas user de l’illustration tunisienne ou égyptienne où les révoltes ont été suffisamment fortes pour faire chuter, sinon faire vaciller les régimes, le roi Abdallah II n’est pas resté en spectateur distrait des grondes qui emplissent les rues de Amman.
Il a congédié illico le gouvernement, manière plus qu’expressive de reconnaître la justesse du mouvement de protestation. Car renvoyer un gouvernement, c’est quelque part admettre les ratés d’une gouvernance. Or, Bouteflika ne concède même pas cela. C’est à comprendre qu’il fait peu de cas de ce qui agite la société comme contestations et mécontentements. En réunissant le Conseil des ministres, il délivre, sur un autre plan, le message de ce que les remous sociaux et politiques n’ébranlent en rien la marche institutionnelle. Mais a-t-il vraiment compris le message du peuple ? Le peuple, ce n’est pas de trop que de le rappeler, veut le changement.
S. A. I.