L’abstention est le dernier obstacle que l’administration et la classe politique devraient franchir pour venir à bout de la hantise qui règne dans les milieux partisans. Doté d’un nouveau pouvoir législatif, à même de «cuisiner» des lois en fonction des besoins de la République, le citoyen tient, cette fois-ci, à s’assurer que les sensations que véhiculera l’air du temps avec un nouveau Parlement ne ressembleront plus à ce «mets» cinquantenaire qui a corrompu toute vie citoyenne.
Depuis des mois, le chef de l’Etat ne rate aucune occasion, ni opportunité pour évoquer les prochaines élections législatives. Les commémorations et célébrations sont un parfait prétexte pour lancer ses appels aux citoyens pour aller voter le 10 mai.
Dans ses discours et communiqués, Bouteflika semble donner une grande importance à ces élections et au futur Parlement, non pas pour sa configuration humaine, politique et sociale, mais beaucoup plus pour sa volonté de créer une grande instance de législation et de contrôle, dotée de larges pouvoirs pour élaborer des textes de loi et des prérogatives de contrôle de l’activité du gouvernement.
Bouteflika l’a encore une fois rappelé dans son message à l’occasion de la célébration de la Journée du savoir. Une importance qui échappe sans doute à la plupart de nos concitoyens, mais la pédagogie «pavlovienne» de Bouteflika pourrait, elle, faire son effet d’ici à quarante jours. Et pourquoi insiste-t-il tant ?
Car, tous les sondages officieux ou informels le disent : la participation aux législatives ne dépassera pas le fatidique seuil des 25%. A l’exception des militants et des réseaux familiaux et claniques, la campagne électorale qui débutera aujourd’hui ne pourra pas mobiliser davantage les populations. L’abstention semble aujourd’hui intégrée comme un phénomène récurrent, une tendance lourde dans notre électorat, mais considérée toutefois comme dangereuse pour l’avenir politique du pays, selon certains milieux proches du pouvoir.
Ces derniers veulent éviter un scénario à l’égyptienne ou à la tunisienne, et un retour à la case départ des années 1990. Un scénario qui fut à la source des crises sanglantes qu’a connues l’Algérie. Le comportement abstentionniste face au vote de larges franges de notre société n’est pas vraiment pour garantir une institution démocratique et participative.
C’est un comportement qui pourrait plutôt avantager des formations organiquement bâties sur la discipline et le respect strict des mots d’ordre. Comme le cas des formations islamistes, dont les chefs usent du fameux procédé dont ils accusent actuellement les militaires : prouver son vote en ramenant les autres bulletins.
C’est cette angoisse de se retrouver avec un Parlement hétéroclite, mais avec une majorité islamiste qui incite le chef de l’Etat à rappeler les vertus du vote aux citoyens indifférents, blasés par les politiciens, assimilés à des affairistes et des opportunistes, et complètement laminés par les dérives inflationnistes des produits de large consommation.
Jamais depuis son élection en 1999, Bouteflika n’a été aussi insistant auprès des Algériens, juste pour aller voter et booster un tant soit peu les faméliques taux de participation qui caractérisent nos scrutins depuis presque deux décennies. Mais ces bonnes paroles seront-elles efficaces ?
H. Rabah