Le régime choisit la fuite en avant, en annonçant des mesures sociales aux retombées incertaines. Rien, absolument rien au sujet de l’ouverture démocratique, de la liberté d’expression.
Ceux qui avaient un soupçon de doute en auront pris pour leurs comptes : le président Bouteflika ne compte pas changer, au crépuscule de son règne. Les annonces faites, lors du Conseil des ministres de mardi, constituent une réponse, on ne peut plus claire aux attentes des Algériens qui aspirent à plus de liberté, plus de démocratie.
Le régime choisit la fuite en avant, en annonçant des mesures sociales aux retombées incertaines. Rien, absolument rien au sujet de l’ouverture démocratique, de la liberté d’expression. Le peuple demeure, selon la vision de ceux qui le gouvernent, inapte à réfléchir, à s’exprimer.
La levée de l’état d’urgence ne signifie absolument rien, dans les faits, pour le commun des Algériens. Les étudiants l’auront compris à leurs dépens, eux qui ont été violemment réprimés devant leur ministère. Et pourtant, le Conseil des ministres vient d’admettre qu’ils avaient raison et a retiré le texte de décret, pourtant présidentiel, controversé. Bien sûr, le ministre, tout comme ses collègues, d’ailleurs, n’a pas remis sa démission et ne se sent même pas contrarié. C’est que le gouvernement a pris l’habitude de commettre des bourdes sans jamais les assumer, ni avoir à se justifier.
Le chef de l’État, en choisissant de faire l’impasse sur l’ouverture politico-médiatique, aura clairement fait son choix. D’ailleurs, la première réaction est venue du département d’État américain, qui a tout de suite exprimé le désaveu de l’administration américaine du choix fait par le président algérien. “La décision du gouvernement algérien de lever l’état d’urgence est positive mais elle doit se traduire par une extension des libertés et un véritable changement”, a écrit Philip Crowley, porte-parole du département d’État sur son micro-blog Twitter.
Déjà, l’administration Obama avait demandé aux autorités algériennes de respecter le droit des Algériens de manifester et de s’exprimer. Les réactions en chaîne venues des pays européens constituaient une pression de plus sur le régime algérien afin d’opérer une plus grande ouverture. Mais Bouteflika, apparemment en panne d’alternative, a choisi le statu quo, estimant que quelques milliards promis aux nécessiteux allaient calmer les esprits.
Le Président, qui avait tout misé sur le vide fait autour de lui, afin de se prémunir de toute concurrence, de toute voix discordante, se retrouve aujourd’hui seul, entouré de soutiens intéressés, impopulaires par la société.
En choisissant de tourner le dos à la classe politique et à la société civile, le président Bouteflika prend le risque de s’isoler davantage et de perdre l’estime de ses alliés étrangers, après avoir tant fait pour la gagner. La contagion démocratique, qui gagne le monde arabe, ne devrait pas épargner l’Algérie. Même si Bouteflika est connu pour avoir une sainte horreur de répondre à la pression quand elle s’exprime, il est évident que le mécontentement ambiant de la société l’a poussé dans ses derniers retranchements. Et si ça continue ? Si ça monte en cadence ? Tout porte à croire qu’il risque de s’enfermer dans son propre piège.
Bouteflika pourrait se satisfaire des rapports lui jurant que le peuple l’adulerait, comme il pourrait se contenter des partis qui le soutiennent, dans l’Alliance, ou dans “l’opposition de l’opposition”. Il pourrait ignorer la contestation populaire et minimiser l’adhésion populaire aux thèses défendues par les partis de l’opposition, les syndicats autonomes et les personnalités politiques. Il peut faire semblant que tout va bien dans le meilleur des mondes. Mais il ne pourra pas dire, comme le déchu Ben Ali : “On m’a trompé”.
Non, il suffit de sortir, d’écouter les complaintes des Algériens, des vrais, pas ceux que l’administration et les partisans voudraient lui présenter. Il suffit d’accepter de discuter avec l’opposition et de se dire que, finalement, tous les Algériens n’ont qu’un seul objectif : se sentir mieux dans leur propre pays. Bouteflika peut le faire, à moins que la volonté n’y soit pas.