Bouteflika recadre les relations algéro-françaises

Bouteflika recadre les relations algéro-françaises
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Le président Abdelaziz Bouteflika vient d’accorder une interview, certes par écrit, à l’Agence française de presse, à la veille de la visite du président français, François Hollande, en Algérie, prévue les 19 et 20 décembre. Le geste en soi est fort symbolique.

Le chef de l’État adopte un discours fort optimiste, laissant entendre que l’Algérie et la France ont beaucoup plus à gagner en travaillant ensemble que de se regarder en chiens de faïence. Le président Bouteflika croit en l’avenir des relations algéro-françaises, faisant peu cas des divergences conjoncturelles. Pour lui, “la déclaration d’Alger”, signée en mars 2003, “a marqué l’intention commune de bâtir un partenariat fondé sur ce qui rassemble les deux pays, soit l’encrage historique, la proximité géographique, les liens humains et les nombreuses interdépendances bilatérales.  Cette ambition est toujours de rigueur pour la partie algérienne qui souhaite donner un contenu concret et opérationnel à ce partenariat d’exception que les deux peuples appellent de leurs vœux. Les formes du partenariat importent finalement peu, c’est sa consistance qui est essentielle. Elle passe certainement par l’intensification du dialogue politique à tous les niveaux, incontournable à mon avis pour définir l’orientation que nous voulons donner à la stratégie de coopération que nous ambitionnons de développer, pour le long terme, entre les deux pays. De cette manière, nous pouvons transcender beaucoup de pesanteurs et faire coïncider réellement nos intérêts qui doivent s’affranchir des considérations conjoncturelles, nécessairement précaires. L’Algérie est favorable à une réaction forte et dynamique avec la France fondée sur la densité des liens et les nombreux intérêts qui unissent nos deux pays”, dira le chef de l’État.

Ce partenariat économique d’exception devrait, cependant, être basé sur le respect des intérêts mutuels, loin de tout paternalisme économique ou politique qui, jusque-là, empêche les entreprises françaises de s’épanouir réellement en Algérie et de faire comme font les autres compagnies étrangères installées en Algérie. L’exemple du dossier Renault, qui traîne depuis des années, est la meilleure illustration de ce qui ne devrait plus se produire entre deux États qui se respectent. “Avec la France, nous avons beaucoup d’atouts en partage et nous voulons relever le défi de construire un partenariat qui résiste aux contingences et qui dépasse les seules relations commerciales où chacun réduit l’autre à un débouché.  Ce que l’Algérie attend de la France, c’est un accompagnement dans le processus de développement économique, social et humain, un vaste chantier en cours de mise en œuvre et qui nécessite un perfectionnement de l’élément humain, un transfert technologique réel et un partenariat gagnant-gagnant dans le système productif”, dira le président Bouteflika qui espère que l’arrivée de François Hollande au pouvoir marquera une nouvelle étape dans les relations bilatérales.

Une histoire commune à écrire

Tout en évitant de parler de repentance, le chef de l’État a réitéré son appel pour une écriture apaisée de l’histoire commune : “C’est aux historiens et aux chercheurs des deux pays d’entamer un véritable travail commun de lecture de cette histoire dense et riche, marquée par des hauts et des bas qui témoignent de l’intensité de nos relations. Mais d’un point de vue politique et stratégique, je ne peux que réaffirmer l’obligation pour l’Algérie et la France de travailler ensemble tant leurs interdépendances sont nombreuses. Nous avons une responsabilité devant nos peuples. Nous devons tirer les enseignements de notre expérience passée, pour corriger ‘dans l’action’ la trajectoire d’une coopération et d’un partenariat toujours perfectible”.

L’Algérie n’abandonnera pas le Mali

Même s’il concède à l’AFP, qu’“il est normal que le Mali bénéficie de l’appui de la communauté internationale”, le président Bouteflika rappelle que “la crise malienne est multidimensionnelle. Elle recouvre des aspects politiques, sécuritaires, économiques et humanitaires qui ont déstabilisé l’État et le peuple du Mali. Il s’agit, maintenant, de préserver l’unité nationale et l’intégrité territoriale de ce pays frère et de poursuivre la lutte contre le terrorisme et le crime transnational organisé. Pour y parvenir, l’Algérie a préconisé une solution politique négociée entre le gouvernement malien, renforcé et uni autour d’un projet national consensuel, et les groupes de la rébellion malienne, qui acceptent de rester dans la communauté nationale et qui se démarquent, nettement, des activités terroristes et criminelles”. Il martèlera que “s’agissant de la contribution de l’Algérie, il est clair qu’il n’y a jamais eu de déficit de solidarité avec le Mali. Nous continuerons d’aider ce pays voisin à renforcer ses capacités propres, avec l’objectif immédiat de l’aider à être l’acteur premier de son propre destin”.

La révision de la Constitution maintenue

Pour couper court aux supputations de la classe politique algérienne, le président algérien a choisi un média français pour confirmer son intention de tenir sa promesse de réviser la Constitution. “En 2011, j’ai estimé que la société algérienne avait atteint un niveau de développement et de maturité qui permettait le franchissement d’une nouvelle étape dans le fonctionnement des institutions de l’État, des partis politiques et des médias, à même d’amener notre dispositif législatif et réglementaire aux standards universels actuels.

Le débat national, conduit autour de ces sujets, a permis la promulgation de plusieurs lois de réforme dans les domaines de la parité des genres, de la liberté d’expression, de la société civile ainsi que des partis et de la moralisation de la vie politique.  Les résultats de cette démarche se concrétisent et ils sont pour moi autant de motifs de satisfaction. Je pense notamment à la progression spectaculaire du nombre de parlementaires femmes élues lors des dernières législatives, une tendance que confirme le double scrutin local du 29 novembre. Je signale également la naissance et le lancement de nombreux nouveaux partis politiques, attestant de l’intérêt que portent les Algériennes et les Algériens à la vie politique sociale.

Ce processus de réformes est irréversible car il fait la quasi-unanimité au sein de la classe politique et de la société civile. Il connaîtra son couronnement avec la révision de la Constitution dont l’objectif est de faire des constantes nationales, de la démocratie et de l’État de droit les bases du pacte national unissant les enfants de la nation algérienne indépendante et souveraine”.

Ni dogme ni a priori

Le président Bouteflika prône un pragmatisme économique. “En Algérie, nous n’avons ni a priori ni dogme concernant les modèles économiques.”

Pour ce qui est de l’avenir, il dira que “les revenus de l’exploitation des hydrocarbures ont été orientés vers la réalisation de projets structurants et de grandes infrastructures de bases, afin de nous permettre de rattraper le retard accumulé durant la décennie de terrorisme et de préparer justement l’économie nationale à la diversification et l’après-pétrole, en la dotant du maximum de garanties de réussite telles qu’un système de formation efficace et réactif, une indépendance énergétique sécurisée, des équipements publics performants et un système productif compétitif.

S’agissant des souhaits, je dirais que mon vœu est que les Algériennes et les Algériens travaillent et vivent bien dans la paix et la prospérité, ouvrant la voie à une société harmonieuse dans laquelle leurs enfants vivront mieux et pourront, avec confiance, regarder vers l’avenir”.

En somme, le président Bouteflika se montre ouvert et optimiste, ne veut poser aucun préalable, tout comme il refuse tout a priori. Le tapis rouge est déroulé pour le nouveau président français, qui ne devrait pas arriver les mains vides.

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