Le marché de la vidéosurveillance est mis, désormais, sous la tutelle de la Ministère de la Défense nationale après avoir été sous la coupe du ministère de l’Intérieur.
Abdelaziz Bouteflika contrôle tout.
Le décret exécutif signé par Abdelaziz Bouteflika intervient au moment où les vidéos d’amateurs ont joué un rôle idoine dans la diffusion sur la toile d’images exclusives des Révolutions arabes et des massacres commis en Syrie par le régime de Bachar Al-Assad…
Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a décidé de modifier le décret 21 octobre 2009 portant création de l’établissement de réalisation de systèmes de vidéosurveillance; une mesure motivée, sur un rapport du ministre de la Défense nationale, par « la protection du patrimoine public et de la sécurité des personnes qui lui sont liées. »
Le décret présidentiel publié dans la dernière édition du Journal officiel du 13 juin 2012, vient ainsi modifier et compléter le décret présidentiel du 21 octobre 2009 portant création de l’établissement de réalisation de systèmes de vidéosurveillance. Le nouveau décret, dans son article 4, accorde toutes les prérogatives à l’établissement chargé de la réalisation de systèmes de vidéosurveillance sur l’ensemble du territoire national. Il se voit ainsi accordé la liberté dans la conception, le développement, l’installation et la commercialisation de systèmes de vidéosurveillance au profit des secteurs utilisateurs.
Autrement dit, il en assure le monopole. L’établissement peut aussi, pour raison motivée de sécurité, entreprendre toute opération d’importation et de commercialisation d’équipements spécifiques dont l’emploi « contribue à la préservation de la sécurité des biens et des personnes, sans toutefois compromettre les programmes d’activités qui lui sont assignés. » A la faveur du nouveau décret présidentiel, cet établissement se charge, par ailleurs, lui-même, d’évaluer, pour le compte des pouvoirs publics, les dispositifs de vidéosurveillance déployés par les opérateurs publics et privés dans l’espace public urbain au niveau des sièges des institutions, des sites et points sensibles,. L’établissement qui reste sous la tutelle du ministère de la défense peut mener toute action « visant l’intégration des systèmes déployés par les opérateurs publics et privés dans le dispositif global de vidéosurveillance des espaces publics. » Son conseil d’administration qui le gère, présidé par le ministre de la Défense ou son représentant, est composé des membres représentant l’état-major de l’ANP, le Département du renseignement et de la sécurité, le commandement de la Gendarmerie nationale, la Direction des fabrications militaires, la Direction des services financiers, le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, le ministère des Finances, le ministère des Technologies de l’information et de la communication, et la Direction générale de la Sûreté nationale.
Le marché de la vidéosurveillance qui a connu un « boom » dans le secteur privé est ainsi soustrait à la concurrence et devient le monopole « sensible » des services de sécurité. Pourtant, ce marché a vu fleurir en Algérie dès le début des années 90, durant la « décennie noire » des milliers de sociétés privées dans l’achat, la vente et les équipements. Mais, à cause précisément du décret exécutif de 2009 stipulant que l’agrément des opérateurs est « tributaire de l’appréciation des autorités concernées sur les questions relatives à l’habilitation de l’opérateur et à ses capacités professionnelles ainsi qu’aux conditions de sécurité des locaux et des équipements », les professionnels du secteur ont cessé leurs activités faute d’agréments.
Cette nouvelle réglementation qui met sous la coupe exclusive de l’Armée et des services de sécurité du DRS cet outil classé, officiellement, dans la catégorie « sensible » a-t-elle été dictée par le rôle majeur assuré fort heureusement par des vidéos d’amateurs, caméscope incorporés dans les téléphones portables qui filment et diffusent sur Facebook les massacres commis à huit clos en Syrie et durant les Révolutions arabes.
Les images qui ont fait le tour du monde sur la chute de Kadhafi, de Ben Ali, de Moubarek, sont, le plus souvent, diffusées sur Facebook, en direct, le produit de citoyens qui au péril de leur vie, ont filmé ces moments historiques. Bouteflika peut-il contrôler, filtrer, canaliser cette puissance médiatique qui échappe aujourd’hui aux dictateurs qui ne peuvent commettre leurs crimes impunément, aveuglément sans que les images de leur forfaiture n’en témoignent sur la toile. Ainsi, la vidéosurveillance de Bouteflika devient un outil de propagande de son régime et un moyen de répression. Mais ce n’est là qu’une mesure vaine. Les vidéos sur la répression des gardes communaux sont là pour témoigner sur Facebook…
R. N