Abdelaziz Bouteflika est donc de retour à Alger, officiellement à nouveau à la tête de l’État, en pleine possession de tous ses moyens et prérogatives.
Mais en vérité, ce retour mis en scène ne change pas grand-chose à la situation que connaît le pays depuis des mois, et sans doute même des années. Celle d’un pays administré au jour le jour, mais certainement pas réellement gouverné. Le président aura la possibilité de signer quelques décisions importantes, comme la loi de finances, puis il retournera en convalescence, comme l’indique clairement le communiqué officiel confirmant son retour, alors qu’aucune information officielle n’avait été donnée sur son départ !
Les Algériens se désolent d’ailleurs d’une situation de plus en plus grotesque, humiliante pour eux, puisque les rares informations sur l’état de santé de leur président leur parvenaient via les médias étrangers. Dans un pays aussi nationaliste que l’Algérie, on imagine l’affront. Cette infantilisation du public est d’autant plus ridicule qu’elle n’a fait qu’alimenter les rumeurs : « Boutef » était donné mort, paralysé, dans le coma… Il était sorti du Val-de-Grâce, puis à nouveau hospitalisé… Bref ce black-out était finalement encore plus anxiogène et dommageable. Mais visiblement la « Glasnost » n’est pas pour demain à Alger.
Pas plus d’ailleurs que la « Perestroïka ». L’abondance de la manne pétrolière soutenue par les cours élevés des hydrocarbures a différé toutes les réformes économiques entreprises dans les années 90, lorsque les cours étaient au plus bas. Elle est inégalement répartie mais tout le monde en profite plus ou moins, ce qui garantit une paix sociale approximative. Il y a bien des manifestations quotidiennes en province, parfois violentes, mais la ligne rouge n’est jamais franchie. Les Algériens ne sont pas disposés à payer le prix d’une aventure révolutionnaire, considérant que celle-ci a déjà eu lieu en 1988, qu’elle a failli mettre les islamistes au pouvoir et finalement conduit à une guerre civile. Ce n’est pas la situation égyptienne qui les incitera à penser autrement.
Bouteflika est donc de retour. Il restera sans doute président jusqu’à la fin de son mandat, en avril 2014, soit demain. À la tête d’un pays richissime, il affichera sans doute un bilan de bâtisseur. La consommation se porte bien elle aussi, mais tout ceci profite essentiellement aux importations et aux travailleurs étrangers, chinois notamment. Bref, l’Algérie se comporte toujours comme un émirat pétrolier. Et encore, même dans le Golfe on se préoccupe de l’après-pétrole.
La tâche principale du successeur de Bouteflika sera simple : redonner du travail, et donc de la dignité aux Algériens.